Des pierres à droite...
Depuis que le président Sarkozy a confié sur Facebook avoir assisté en direct à la chute du Mur de Berlin, il ne manque pas de gens pour dire que c’est lui, dans de précédentes réincarnations, qui a découvert le feu et inventé la roue. Qui sait s’il n’a pas été aussi le premier joueur de Go....
Au jeu de Go, pour ceux qui ne le savent pas, chacun pose des « pierres » sur l’une des 361 intersections d’un grand damier (Goban). Vous entourez complètement les pièces de l’adversaire... Il les perd. Vous gagnez. Simplicité enfantine. Mais les parties de championnat de Go durent des semaines et les joueurs se relaxent en jouant aux échecs...
Supposons le scénario - imaginaire, bien sûr - d’une France qui ne voudrait vraiment plus de Sarkozy, avec une Gauche parcellaire qui n’a rien à offrir et, au Centre, un Modem et des Verts qui ne passionnent pas vraiment. Si apparaît un homme charismatique de centre-droit, il peut draguer vers lui tout le Centre loin à gauche et même quelques mécontents néo-gaulliens de l’UMP à qui l’atlantisme actuel donne de l’urticaire.
Le jeu politique ordinaire se limite ainsi à convaincre les 10 % de vagabonds au centre qui basculent et donnent le pouvoir. Convaincre par des slogans et des jeux de personnalités seulement. Toucher aux idées est tabou. On ne prend pas de risques.
Quand tout va bien, le jeu ordinaire suffit et tout le monde est peinard. Mais si l’on fait face à de vrais problèmes, le jeu ordinaire ne sert plus. Seuls les extrêmes peuvent offrir des solutions miracles. Quand les choses se gâtent, il y a donc une brève période pendant laquelle le peuple VEUT prendre des risques et regarde dans la direction des « extrêmes »
Quand la population veut prendre des risques, elle va d’abord vers ceux qui lui ont fait miroiter l’utopie dont elle rêvait... et c’est généralement la Gauche. Quant arrive cette prise de conscience, la Gauche a un peu de temps pour répondre au rejet de l’ordinaire en offrant de l’extraordinaire et un projet de vrai changement.
Hélas, bien souvent, quand vient l’heure où elle est mise en demeure de le faire, une Gauche devenue bien pansue et qui a proposé des changements éculés et sans vraiment y croire refuse donc de passer à l’acte. Elle est consciente des difficultés, voire de l’irréalisme de ce qu’elle a proposé. C’est alors que la population se tourne vers la Droite. Pas la droite de l’inégalité, celle de la discipline
Quand la France se tourne vers la Droite, aujourd’hui, elle voit une jolie femme avec les yeux bleus de Jeanne d’Arc qui a quelque chose à offrir... Disons, des couilles. Il y a une clientèle pour Marine Lepen. Le génie de Sarkozy, c’est de voir que cette clientèle est à gauche. Pas chez les gauchistes qui ont trouvé une carte du PS dans leur berceau - ceux-la sont entrés en coma et vont bientôt mourir d’inanition, faute d’une perfusion de rêves crédibles - les gauchistes sérieux. La Gauche du Grand Soir…
Cette vraie Gauche - pour qui le rejet de Sarkozy est devenu viscéral - peut néanmoins trouver séduisant le discours d’une vraie Droite. Parce que ce discours est clair, moral, sans cautèle, anti-élitiste, anti-corruption. L’affaire Mitterrand a peut-être été la paille qui a brisé le dos du chameau, la population prenant conscience que son ennemi n’est pas à sa gauche ou à sa droite, mais en haut : une caste de dirigeants élitistes qui ne lui veut pas du bien et qui la manipule par une illusion de démocratie.
Une certaine Gauche peut trouver le discours de la Droite séduisant, mais aussi CRÉDIBLE, parce qu’il n’y a rien d’incongru à ce que la Droite relève le défi de réaliser des promesses de la Gauche ! Une Droite ne propose pas nécessairement un projet social opposé à celui de la Gauche ; elle propose une manière de faire.
Une Droite n’est pas systématiquement au service des riches. Dès qu’elle le peut, au contraire, elle met riches comme pauvres à leur place et ce sont souvent ces derniers qui y gagnent… un peu ! Ce que la Droite veut, c’est diriger et que les choses se fassent à sa manière. Si la population lui dit clairement ce qu’elle veut, la Droite est souvent prête à tenter de le lui donner et, parce qu’elle prend une approche autoritaire, parfois elle PEUT le lui donner.
Donc, ne pas s’imaginer la Droite caricaturale que dénigrent les médias. Le projet de la droite sera séduisant et beaucoup pourront dire oui. Une large part de la population peut vouloir accepter de payer en perte relative de liberté les avantages sociaux et économiques que la Droite lui offrira. L’autoritarisme mène à une catastrophe, bien sûr, mais la catastrophe n’est pas immédiate.
Mais, en attendant, il y a souvent un moment où le peuple est prêt à courir le risque de l’autoritarisme pour sortir du marasme et il y a parfois même un moment de grâce où il est satisfait de la Droite. Jouer avec la Droite est donc dangereux.
Il est probable, au contraire, que ces votes constitueront un bassin d’électeurs qui, au deuxième tour, viendront appuyer une UMP s’affirmant volontariste et musclée contre tout ce qui serait plus à gauche. Incluant un Villepin de centre droit portant le drapeau des valeurs républicaines et qui serait alors présenté comme velléitaire.
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