Dominique de Villepin nous quitte pour une retraite monacale de six mois

Dominique de Villepin devrait entamer une retraite de six mois, entouré par les moines cisterciens vivant à Saint-Honorat, l’une des deux îles de Lérins situées face à la ville de Cannes. La confirmation devrait être annoncée prochainement par voie de presse. En fait, c’est une vieille connaissance qui a porté à ma connaissance ce qui n’est pas un événement mais une nouvelle, pas si surprenante à vrai dire. Réserver une chambre pendant six mois ne passe pas inaperçu, surtout quand c’est au nom de Villepin. C’est en ces termes qu’une vieille connaissance du monastère de Cimiez m’a informé en me promettant de ne pas dévoiler son identité. C’était il y a une quinzaine d’années. Je finissais ma thèse et m’étais rendu au musée franciscain du monastère où j’ai l’occasion de m’entretenir avec frère F. de la théologie médiévale et de l’apport des franciscains au débat sur les universaux. Je repartais d’ailleurs avec un ouvrage du père Gobry consacré aux mystiques franciscains et d’une étude du père Veuthey sur Dun Scot. Depuis, j’avais entretenu une relation épistolaire lointaine avec frère F. qui me confia cette nouvelle voici quelques jours. En fait, je n’ai pas beaucoup d’informations sur les motivations de l’ancien premier ministre de Chirac. Il paraîtrait que fatigué par la vaine agitation du monde, avec les radiations du Japon, les tergiversations européennes, l’intervention hasardeuse en Libye et toute cette agitation médiatique stérile autour du nucléaire, de la laïcité, de la montée du FN, Dominique de Villepin ait souhaité se ressourcer, méditer, pour revenir courant septembre annoncer sa décision de se présenter ou pas à l’élection présidentielle.
Cet été, les paparazzis n’auront donc pas le loisir de photographier le corps bronzé de cet éphèbe dans la force de l’âge prenant son déjeuner sur une terrasse à Deauville ou bien plongeant du haut d’un rocher à Bonifacio. Si la décision de Villepin paraît décalée, elle peut s’expliquer par une sorte de posture aristocratique visant à se détourner du monde pour se ressourcer et rompre avec le sacro saint principe du présent où chaque événement impose une réaction. Ce sacre du présent qui rend futile et même risible toute cette agitation politique où parfois, il ne se passe rien d’autre que de stériles polémiques visant à réagir à une décision ou bien à une phrase maladroite. Après la croisade de Guéant, la saillie de Copé contre un Fillon qui ne jouerait pas collectif. Et le président de siffler la fin de la récré. Mots d’excuses. La guerre en Libye risque de s’enliser, le nuage radioactif de planer dans les médias, tout comme l’épée de Damoclès en matière plastique maniée par Marine le Pen. Sans compter le fourbe jeu des primaires au PS, aussi excitant que deux judokas sur le tatami s’observant pendant une heure avec quelques prises de kimono. Autant jouer le samouraï de la méditation et snober ce théâtre insipide livré par les énergumènes médiatiques. Six mois, c’est largement suffisant à Villepin pour méditer, s’intérioriser, chercher la voie en son centre pour ensuite proposer aux Français une mission pour l’avenir. Gageons que Villepin saura mettre à profit son temps suspendu pour s’accrocher à des lectures instructives dans le silence monacal propice au recueillement qui favorise l’éveil spirituel et renforce la mémoire vivace dirait Platon. Quels auteurs pourrait lire l’ex premier ministre ? Montesquieu, Machiavel, Leo Strauss, Aristote, Dante, Montaigne, Virgile ? La Bible serait aussi une bonne source d’inspiration en ce lieu qui pourrait aussi éveiller, par le contraste saisissant entre la lumière marine et la grisaille de la vie parisienne, un saint délire de Patmos tel que Victor Hugo le décrivit dans une ode devenue célèbre. Villepin s’absorbant dans les Contemplations pour se voir en tribun privé de sa parole, entonnant le chant de la lyre pour donner d’une voix qui pleure, dans la nuit transfigurée et le jour abandonné, sa chère France républicaine et ses campagnes au loin et ce turbulent silence de la Méditerranée, ce ressac lancinant sur les rochers où la brise se fracasse telle l’insoutenable légèreté d’une vie politique médiatisée et laminée par la fureur du monde des armes et de la finance. Se retrouver et s’aimer pour à nouveau retrouver et aimer cette France à l’automne 2011, rasséréné et prêt pour affronter tel un héros lavé des rides du temps la dure saleté d’un avenir qu’il faudra éclaircir en jouant les augures de campagne pour nettoyer ces écuries d’Augias laissées par les hussards de Sarkozy.
Nul ne sait comment va réagir l’entourage de Villepin. Ses compagnons de route seront déconcertés et on le serait à moins. Les états-majors des partis ironiseront alors que les citoyens n’auront aucune idée de ce que trame cet énigmatique personnage en décalage avec la classe politique dont il est issu. Une retraite monacale n’est pas forcément appropriée pour un homme souhaitant s’investir dans l’histoire de son pays. Les élans mystiques et religieux signent parfois une retraite définitive de la vie politique, comme ce fut le cas pour François Léotard. Je crains en effet que Villepin, imprégné de ces ondes mystiques venues des moines cisterciens et captées par son intellect spirituel, ne soit le témoin d’une révélation intérieure et vive un songe éveillé à la Descartes où il découvrirait son destin pour les prochaines années. Villepin n’est plus vraiment taillé pour faire de la politique, surtout dans cette crise française et européenne qui n’est pas sans rappeler le chaos de l’Empire romain avant l’avènement d’Auguste. Auquel cas, en supposant qu’il ait réellement une fibre poétique substantielle, on peut tout à fait imaginer que Villepin décide d’écrire pour les générations futures et de devenir le Virgile du 21ème siècle. Attendons octobre 2011 pour voir si mon hypothèse se tient. Sinon, souhaitons de bonnes vibrations et un élan puissant permettant à Villepin de nous débarrasser de Sarkozy. C’est le moindre des objectifs que l’on doit viser quand on décide d’une retraite monacale de six mois.
Allez, j’avoue avoir quelque sympathie pour Villepin et me permets de lui offrir en guise de mot d’accueil sur l’île Saint-Honorat ce petit poème composé en forme de haïku
C’est le jour abandonné
Coquillages et crustacés
C’est la nuit transfigurée
Sarko tu t’incrustes assez
43 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON