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Droit de vote des étrangers : l’UMP est 100% contre… mais carrément pour !

Un député de l’UMP s’est fait élire délégué de son parti dans une circonscription des Hauts-de-Seine grâce au vote de nombreux ressortissants… congolais, la plupart ne disposant en guise de pièce d’identité qu’une carte de séjour ! Et patatra, c’est toute la stratégie de l’UMP, qui s’oppose au droit de vote des étrangers aux élections locales, qui est remise en question. En effet, quelle est la légitimité d’un candidat UMP à une élection locale ou nationale lorsque ce dernier a été investi par son parti grâce aux votes de ressortissants étrangers ? Jean-François Copé, récemment promu secrétaire général de l’UMP, a du pain sur la planche pour rendre la position officielle du parti cohérente avec les décisions du bureau national et les pratiques de certains barons locaux, prêts à tout pour conserver leur pouvoir.

La position officielle de l’UMP

Mars 2010 : échaudé par la position du PS favorable au droit de vote des étrangers aux élections municipales, Xavier Bertrand lance sur le site de l’UMP une pétition pour s’y opposer. Argument soulevé : le vote des étrangers aux élections locales concernent également les élections nationales, autrement dit l’élection de conseillers municipaux a une incidence sur celle des sénateurs car ces derniers sont élus par les premiers. Le raisonnement est logique, mais cette position n’est acceptable qu’à la condition où l’UMP l’applique à ses élections internes…

L’élection « congolaise » du député Aeschlimann au poste de délégué de circonscription

23 octobre 2010 : le député Manuel Aeschlimann est candidat à l’élection du délégué de la 2ème circonscription des Hauts-de-Seine (Asnières Colombes-Sud). Cette élection est vitale pour lui assurer un avenir politique car il est passible d’une peine d’inéligibilité de 4 ans, si la condamnation prononcée en première instance est confirmée par la cour d’appel de Versailles le 21 janvier 2011. En cas d’inéligibilité, une législative partielle sera déclenchée dans cette circonscription et l’UMP va devoir investir à un nouveau candidat. Rama Yade et Jean Sarkozy, qui rêvent tous les deux d’un mandat parlementaire dans les Hauts-de-Seine, sont à l’affut. Manuel Aeschlimann n’a donc plus le choix : il doit prendre les clés de l’UMP dans la circonscription pour imposer l’investiture de sa femme, Marie-Dominique Aeschlimann, qui lui tiendrait son siège de député au chaud en attendant de purger sa peine (sur un conseil du couple Balkany peut-être ?).

Face à lui, un autre candidat au poste de délégué de circonscription, Cyrille Dechenoix, conseiller général des Hauts-de-Seine, a senti le coup venir : anticipant des fraudes, il a fait mandater un huissier de justice auprès du tribunal de Nanterre pour contrôler la sincérité du scrutin (dépouillement, bonne tenue des listes électorales, cotisation des adhérents, procurations de vote apportées).

Le jour du scrutin, des dizaines de personnes d’origine africaine se présentent à l’Hôtel de Ville d’Asnières. Tous cherchent « où a lieu le vote ». Quel vote ? Celui du délégué UMP de la 2ème circonscription pardi ! Mais ce n’est pas à la mairie, c’est dans le local UMP, dans une rue un peu plus loin. Tout porte à croire que ces électeurs n’avaient pas compris qu’il s’agissait d’une élection interne à l’UMP… 

L’huissier constate que plus du tiers des votes sont des procurations, la plupart signées sur la voie publique. Mieux, plusieurs votants qui détenaient des procurations n’ont pu produire, en guise de pièce d’identité, que « des cartes de séjour de pays hors Union européenne », comme la République démocratique du Congo (Le Canard enchainé du 10 novembre 2010, « les Congolais d’Asnières »). Manuel Aeschliman est élu à plus de 80% des voix, un score digne d’une élection de république… « banasnières » !

Mais l’huissier n’a pu obtenir la copie des listes électorales et son procès-verbal n’est pas sorti du tribunal de Nanterre... Car le lundi 25 octobre au matin, ce même tribunal, à la requête de l’UMP nationale, a sorti une ordonnance de rétractation  : l’huissier n’était plus habilité à consulter les listes des adhérents de l’UMP, au motif que leur militantisme relevait de leur sphère privée (bakchich.info du 27 octobre 2010 « Adhérents UMP, Naterre bande les yeux d’un huissier  », Xavier Monnier). Pour clore l’affaire, la commission des conflits de l’UMP nationale a retoqué le recours de Cyrille Dechenoix, selon les propos de Philippe Pemezec, secrétaire national de l’UMP 92 (Le Parisien du 19 novembre 2010, édition des Hauts-de-Seine, « Manuel Aeschlimann encore contesté », Mathieu Pelloli).

Du pain sur la planche pour Jean-François Copé

La vidéo présentée ci-dessous résume de manière ludique cette grossière incohérence au sein de l’UMP  :

Vers la fin de la vidéo, une question intéressante est posée : « afin d’assurer la cohérence entre le discours officiel et ce qui se passe sur le terrain en interne, l’UMP va-t-elle modifier sa pétition ainsi : « Dites non au droit de vote des étrangers aux élections locales… excepté pour les élections internes à l’UMP » ? »

Ainsi à l’UMP, un baron local ferait ce que bon lui semble, et serait soutenu coute que coute jusqu’au plus haut niveau du parti (à l’Elysée ?), même si ses actes vont à l’encontre de l’idéologie affichée. On connaissait l’étrange soutien inconditionnel apporté par Nicolas Sarkozy pour son ancien conseiller politique Manuel Aeschlimann. Force est de constater que tous les coups sont permis à l’UMP pour faire élire aux élections internes le candidat « choisi » par le bureau national : opacité des listes électorales, truquage de vote, faux-électeurs – étrangers ou non-résidents locaux -, soutien du bureau national, intimidations des électeurs…

Néanmoins, cet écart de conduite a-t-il vraiment été bien reçu par le bureau national ? Car ce dernier se retrouve désormais en difficulté et devra justifier pourquoi il s’oppose au droit de vote des étrangers aux élections locales sous prétexte que ces dernières auraient une incidence sur les élections nationales (en particulier sénatoriales) alors qu’en même temps, il tolère et valide l’élection d’un de ses délégués grâce aux votes d’étrangers, celui-ci disposant d’un boulevard devant lui en vue d’être investi candidat de l’UMP pour des scrutins locaux et nationaux.

Comme le suggère la vidéo, l’UMP va maintenant devoir choisir entre :

- D’une part, être contre le droit de vote des étrangers et dans ce cas, appliquer ce principe en interne, à savoir, invalider les élections entachées de fraude ;

- D’autre part, être finalement pour et par conséquent, elle devra l’expliquer à ses électeurs et supprimer sa pétition.

Du travail en perspective pour Jean-François Copé, très sensible à la cohérence des idées et à l’image du parti qu’il incarne désormais. Il devra également expliquer pourquoi le bureau national a opté pour l’opacité dans la consultation des listes électorales, alors que l’élection était des plus controversées.

Mais au fait, pourquoi des électeurs congolais ?

Le lecteur attentif a probablement du se poser la question suivante : « mais pourquoi des électeurs congolais ? » C’est vrai, pourquoi pas une autre nationalité ou pourquoi pas un mixte de plusieurs nationalités ? Il serait imprudent d’avancer une raison officielle mais on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec l’activité d’avocat qu’exerce Manuel Aeschlimann lorsqu’il ne se rend pas sur les bancs de l’Assemblée nationale. Car ce dernier, prêt à tout pour attirer l’attention des médias, défend actuellement Jean-Pierre Bemba, jugé à La Haye devant la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au… Congo. De là à insinuer que les faux-électeurs congolais de Manuel Aeschlimann sont en réalité de redoutables criminels à la solde de Jean-Pierre Bemba est un pas que l’on se refuse de franchir… avant que l’UMP nationale accepte de fournir la liste des électeurs inscrits à cette désormais célèbre élection interne.

Liste des références :

· Le Canard enchainé du 10 novembre 2010, « les Congolais d’Asnières »

· bakchich.info du 27 octobre 2010 « Adhérents UMP, Naterre bande les yeux d’un huissier  », Xavier Monnier

· Le Parisien du 19 novembre 2010, édition des Hauts-de-Seine, « Manuel Aeschlimann encore contesté », Mathieu Pelloli


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13 réactions à cet article    


  • Senatus populusque (Courouve) Senatus populusque 10 décembre 2010 18:52

    Il ne faut pas faire d’un cas individuel exceptionnel la ligne politique interne de l’UMP. Cette affaire ne concerne que le député Manuel Aeschlimann.

    Les arguments contre le vote étranger vont bien au delà de ; "le vote des étrangers aux élections locales concernent également les élections nationales, autrement dit l’élection de conseillers municipaux a une incidence sur celle des sénateurs car ces derniers sont élus par les premiers."

    Voir mon article :

    http://courouve.wordpress.com/2010/01/11/contre-le-vote-etranger/


    • Senatus populusque (Courouve) Senatus populusque 10 décembre 2010 18:58

      Manuel Aeschlimann, né le 22 octobre 1964 à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), membre de la Commission des lois, maître de conférences à l’IEP - Paris.


    • phillibert 10 décembre 2010 19:26

      Cette affaire concerne au contraire l’UMP nationale car, comme l’a souligné l’auteur, pourquoi l’UMP est-elle intervenue pour valider l’élection de M. Aeschlimann ?

      En réalité le sujet est bien plus large que celui du droit de vote des étrangers : il faudrait l’étendre au fonctionnement des partis politiques en France qui sont souvent bien trop laxistes avec certaines têtes d’affiche locale, pour qui apparement tous les coups sont permis pour se faire élire !!!

      Combien de fraudes du même genre - ou d’un genre différent - aux élections internes des partis pour investir un candidat qui va se présenter au suffrage universel ? La question posée par l’auteur est très intéressante : les partis politique, et l’UMP en particulier devraient avant toute chose appliquer en interne les positions qu’ils prennent par la voix de leur porte-parole ou secrétaire général. Sinon, on retombe dans le « tous pourris » qui fait le jeu des extrêmes...


      • Senatus populusque (Courouve) Senatus populusque 10 décembre 2010 19:42

        Que dire alors des municipalités qui organisent des référendums illégaux sur le vote des étrangers ?

        Merci à l’auteur de se soucier de la cohérence de l’UMP ; le message a été transmis, et nul doute qu’une bonne suite y sera donnée.


      • Senatus populusque (Courouve) Senatus populusque 10 décembre 2010 19:45

        "la commission des conflits de l’UMP nationale a retoqué le recours de Cyrille Dechenoix, selon les propos de Philippe Pemezec, secrétaire national de l’UMP 92 (Le Parisien du 19 novembre 2010, édition des Hauts-de-Seine, « Manuel Aeschlimann encore contesté », Mathieu Pelloli).« 

         »secrétaire national de l’UMP 92" : c’est contradictoire ; on dit secrétaire national, ou secrétaire de l’UMP 92.


        • phillibert 10 décembre 2010 20:11

          très juste, c’est même « secrétaire départemental de l’UMP » qu’il fallait lire... ou écrire ! Philippe Pemezec au passage bien impliqué dans les pressions exercées sur les délégués UMP du 92 pour barrer la route à P. Devedjian !!! Encore une élection interne truquée ? smiley


        • Senatus populusque (Courouve) Senatus populusque 10 décembre 2010 20:22

          Je lui ai signalé cet article ; je suppose qu’il répondra ; je n’aime pas trop les procès médiatiques.


        • DANIEL NAESSENS 11 décembre 2010 01:05

          L’incident illustre ce que serait l’intrusion du droit de vote aux étrangers aux élections locales....

          La situation n’est déja pas brillante. Voir en particulier ce qui se passe déja en certains endroits avec l’instrumentalisation de certaines population.

          http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2010/10/06/97001-20101006FILWWW00588-remous-autour-d-adhesions-a-ee.php


          • Senatus populusque (Courouve) Senatus populusque 11 décembre 2010 09:38

            « Le maire écologiste de Sevran, en Seine-Saint-Denis, Stéphane Gatignon, a dénoncé des »rumeurs diffamatoires« suite à des remous provoqués par un afflux d’adhésions de la communauté tamoule du département à Europe Ecologie.

            Dans une lettre du 5 octobre 2010 adressée à la secrétaire nationale des Verts, Cécile Duflot, Stéphane Gatignon estime que »le discrédit jeté sur (ces) adhésions est indigne« , et il se dit victime d’une »rumeur infondée« .

            Révélées par Le Monde du 5 octobre, ces adhésions massives, dont près de 200 provenant de la communauté tamoule, ont été enregistrées juste avant la clôture, le 2 octobre, des listes d’inscription pour participer au vote sur la création du nouveau parti fusionnant EE et les Verts.

             »Tu seras, j’en suis certain, d’accord avec moi pour dire qu’il est scandaleux de jeter le discrédit sur les adhésions de 200 tamouls comme s’il s’agissait d’une masse indistincte« , écrit Stéphane Gatignon à Cécile Duflot. »

            Réaction 1 : le communisme a toujours prônée ce genre d’adhésion « SPONTANÉ et GROUPE » Maintenant la question est de savoir s’ils se réclament du Stalinisme ou pas ...
            Le 6/10/2010 à 17:48 Alerter Répondre

            Réaction 2 : Ça me rappelle ma circonscription où le bruit courait que le député PS du coin avait payé les cartes de nombreux nouveaux (ou pas) adhérents pour obtenir l’investiture des militants !


          • victoire 11 décembre 2010 15:20

            Bravo pour cet article, je découvre une pratique que j’étais loin d’imaginer.
            C’est souvent comme cela, il y a ce que disent les partis politiques officiellement, et puis il y a la dure réalité de leurs pratiques.

            Ces incohérences entre le discours semblent en plus assez courantes d’après les commentaires.

            Pour ma part, je suis plutôt en phase avec la position de l’UMP (vidéo de X.Bertrand), mais bon le cas Aeschlimann est quand même déconcertant, et dé-crédibilise X.Bertrand.

            Qui faut -il croire ? peut-être que J.F.Copé éclairera le débat.


            • gregoire 12 décembre 2010 12:32

              intéressant article qui illustre bien la politique « bananière » de nos élus qui n’hésitent pas à frauder pour obtenir une élection non pas à des fins utiles pour le peuple mais à des fins purement personnelles.
              serait il temps de songer à durcir les périodes inéligibilité lors d’une utilisation où d’un détournement de pouvoir ?


              • Jean 14 décembre 2010 22:10

                Merci pour cet article qui montre la fragilité de nos démocraties. Au delà d’être pour ou non de la vote des étangers, cet article illustre surtout l’instrumentalisation d’une population déjà fragile avec un discours un marketing communautaire pour les exploiter à des fins électoraux. 


                • Ann O’Nymous 15 décembre 2010 09:43

                  Les différents blogs aniérois ont décortiqué de longue date les pratiques douteuses de Manuel Aeschlimann depuis son entrée en politique. La liste de ses proches déjà condamnés à un titre ou à un autre est déjà longue.


                  S’il est reconnu coupable et déclaré inéligible, cette « victoire » ne lui sera guère utile.

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