DSK le retour : J’ai manqué mon rendez-vous avec les Français
Il n’avait pas grand chose à dire mais il avait besoin de s’expliquer franchement auprès des Français, notamment de ceux qui lui avaient fait confiance pendant de nombreux mois. Retour sur une interview somme toute courageuse et lucide.
Introduit par Claire Chazal dès vingt heures, Dominique Strauss-Kahn est apparu le dos droit, sans sourire, comme une statue du commandeur désaffectée. Il a fallu attendre la neuvième minute du journal télévisée de TF1 de ce dimanche 18 septembre 2011 pour entendre les vingt-quatre minutes d’interview de l’ancien directeur général du FMI qui est revenu sur ces quatre derniers mois d’une vie bien secouée.
Exit le sourire presque triomphateur de son retour à Paris, exit les nouilles aux truffes hors de prix, et place à la gravité, une gravité qui inspirait la sincérité au contraire de celle, feinte, de François Hollande.
Car c’est un homme blessé qui parade ce dimanche soir devant les Français. Et il a montré beaucoup de lucidité, et finalement, beaucoup de courage à exprimer par des mots simples son état d’esprit et sa réflexion intérieure.
Certes, dès les premières réponses, on peut être complètement étonné, voire agacé, de passer autant de temps sur une affaire de mœurs finalement bien misérable, et heureusement malgré tout que DSK a pris un peu de temps à parler de la crise des dettes souveraines et des carences des gouvernements des pays européens, mais toute l’émission restait bien sûr centrée sur sa personne.
Ni délictueuse contrainte, ni violente ni tarifée, sa relation avec la femme de chambre de la suite 2806, sans vraiment affirmer qu’elle fût consentie (le mot n’a pas été prononcé), mais Dominique Strauss-Kahn a reconnu clairement qu’elle fut inappropriée et surtout une faute, pour ses proches (Anne Sinclair avant tout) et pour les Français, une faute dont il n’est pas fier.
Pas d’excuse, certes, mais une reconnaissance d’une faute grave qu’il a mise sur le compte d’une légèreté qu’il voudrait définitivement révolue : « Cette légèreté, je l’ai perdue pour toujours. ».
Cela explique ainsi qu’il n’a souri qu’une seule fois pendant toute l’interview, un sourire d’ailleurs quasi-mitterrandien (voir photo). Comme fut mitterrandienne sa réponse, à la question sur ses intentions de candidature avant le 14 mai 2011 : « Oui, je voulais être candidat ! ». Un "oui" aussi clair et direct que celui de François Mitterrand qui annonça à Henri Sannier dans le journal télévisé d’Antenne 2 du 22 mars 1988 sa décision de se représenter à l’élection présidentielle d’avril et mai 1988.
Une candidature à laquelle il a dû renoncer à la suite de la secousse politico-judiciaire du 14 mai 2011 en avouant très lucidement : « J’ai manqué mon rendez-vous avec les Français. » même si j’aurais tendance à dire que Dominique Strauss-Kahn avait manqué son rendez-vous avec les Français dès le lendemain de l’élection présidentielle de 2002. En s’exprimant publiquement ce dimanche soir, il a également conforté l’esprit de la Ve République qui veut que l’élection présidentielle soit une rencontre entre une personne et le peuple, même quand la rencontre est ratée !
Reconnaître une faute grave, c’est très rare en France dans la vie politique. Beaucoup de personnalités ont au contraire soutenu le contraire du bon sens pour avoir l’air de ne pas perdre la face. Et il a honnêtement affirmé que cette faute, « je crois que je n’ai pas fini de la regretter ».
Cela n’empêche pas que DSK a été très combatif, au risque de choquer toutes les femmes victimes de violences sexuelles, en ne donnant jamais sa version personnelle des faits mais, par sophisme, en relisant à plusieurs reprises le fameux rapport du procureur Vance chargé de l’accusation. Habile communication de se réfugier derrière un rapport qui le blanchit de toutes les accusations initiales.
Il est même allé plus loin puisque s’il a exclu, pour le moment, l’hypothèse d’un complot, il est convaincu que cette affaire fut un « piège » et que la direction de l’hôtel aurait aidé l’avocat de son accusatrice. Une impression qui laisserait entendre que la direction d’Accor, le groupe propriétaire du Sofitel, serait impliquée dans sa mésaventure new-yorkaise...
Sur l’affaire Tristane Banon, il n’a pas non plus mâché ses mots ; il a rejeté en bloc une « version imaginaire » et a confirmé qu’il avait déposé une plainte pour diffamation. Il est vrai que lorsqu’il s’en est expliqué auprès de la police il y a quelques jours, il avait affirmé qu’il avait cherché à embrasser la jeune romancière. Encore une légèreté qu’il regrettera peut-être dans quelques temps.
La situation a bien changé. Maître des sondages, DSK est aujourd’hui derrière Marine Le Pen en popularité. Réaliste de sa situation actuelle, il a renoncé à toute activité politique dans l’immédiat, refusant de s’immiscer dans la primaire socialiste et veut d’abord… se reposer !
L’immense gâchis ne peut être que ressenti lorsqu’on voit à quel point les problèmes financiers et monétaires vont être l’enjeu principal de la prochaine élection présidentielle.
Car, si Dominique Strauss-Kahn a montré bien des légèretés sur ses relations avec les femmes, et plus généralement, ses relations parfois arrogantes avec certaines personnes, il n’a jamais perdu ses solides compétences en matière économique et financière qui l’ont amené à devenir l’un des rares hommes d’État capables d’assumer pleinement un destin national en temps de crise mondiale.
Sa prestation télévisée n’a donc eu d’autre but que de vider l’abcès d’incompréhension qui a enflé depuis plusieurs mois et de remettre ses "compteurs politiques" à zéro. Probablement pas pour un ministère après 2012, mais peut-être une nouvelle responsabilité internationale. Mais quel responsable politique osera sérieusement lui proposer une nouvelle mission, avec tout ce fâcheux précédent ? La mémoire réussira-t-elle à s’effacer ? J’en doute…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (19 septembre 2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Le premier débat de la primaire socialiste.
DSK, un immense gâchis.
Où vont les strauss-kahniens ?
Les rendez-vous manqués de DSK.
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