Echos de marché
Ce matin, en compagnie d’un camarade, nous étions sur le marché hebdomadaire d’Auterive (Haute–Garonne) pour distribuer des tracts du Parti de Gauche pour sensibiliser la population sur les dangers de la nouvelle « réforme » de notre système de retraite.
Michel le camarade s’adresse à une femme pour l’informer. Elle pousse un cri en voyant sur le document la photo de Jean-Luc Mélenchon œillet à la boutonnière avec le poing levé. Je l’interroge au sujet de sa répulsion et elle nous dit calmement et sourire aux lèvres que « ma sympathie va vers Marine ». Cette déclaration, fruit d’une banalisation de l’extrême droite médiatisée en bleue marine, m’interpelle. Je lui demande pourquoi ce choix. Elle répond qu’elle n’a pas le temps, mais avant de nous quitter, elle déclare « je parie que vous êtes fonctionnaires ! ». Michel retraité lui explique qu’il a travaillé dans le privé, je lui dis qu’effectivement je suis fonctionnaire et pourquoi elle nous interroge sur nos situations personnelles. Elle répond « Le fonctionnaire est un problème, il ne connait pas la vraie vie ! » puis elle s’éloigne car elle n’a pas le temps ou envie de débattre.
Régulièrement, le sujet sur les fonctionnaires (comme la Franc maçonnerie ou les étrangers) fait la une de nombreux médias en assimilant le statut de la fonction publique à un privilège. Cela entraine de vifs et nombreux débats avec les comparaisons avec le privé des rémunérations médianes ou moyennes. Sur ce sujet il serait souhaitable de comparer en fonction du niveau de qualification et d’âge pour une approche plus réaliste. Sur le deuxième point, il me semble opportun de rappeler que le privilège est un droit qui se transmet de génération en génération en fonction de sa naissance. Le fonctionnaire ne nait pas fonctionnaire, il le devient par la voie du concours, qui assure le mieux le respect de l’égalité entre candidats. La réussite à ce concours lui confère un grade et donc une rémunération liée à ce grade et à sa qualification. Ce qui gêne les « libéraux » c’est qu’il échappe au marché du travail. Après 40 années de libéralisme forcené dont les trois piliers sont la privatisation, la déréglementation et la baisse des prestations sociales, le statut de la fonction publique doit être explosé. Tout doit devenir marchand.
« Il ne connait pas la vraie vie » cette phrase résonne encore dans ma tête en pensant aux infirmiers(ères), aux policiers (ières) aux guichetiers (ières), aux personnels de service, aux enseignants(tes) à toutes les personnes qui travaillent pour l’intérêt général de notre république. Le fonctionnaire ne vit pas dans une bulle et il côtoie bien trop souvent la misère que notre société génère. Parmi les professions les plus touchées par les suicides il y a les policiers, les personnels anciennement des P.T.T., les services d'urgence… Le passage progressif au privé dans le secteur public génère un modèle managérial "basé sur la défiance". Fier d'une protection et d'une stabilité de l'emploi importantes, le secteur public représentait pourtant un modèle de protection et de stabilité pour les salariés. Aujourd'hui, le paradoxe se trouve là : « c'est parce que la stabilité de l'emploi y est très forte que le management se déchaîne ».
Mais à travers la phrase « Le fonctionnaire est un problème » c’est l’ensemble de notre système social qui est visé. Qui ne perçoit pas de revenus, d’allocations ou ne bénéficie pas d’aides de la collectivité au sein de notre modèle social (mélange d’État-providence et d’économie de marché) ? Les agriculteurs perçoivent des subventions, les retraités un salaire à vie, de nombreuses personnes bénéficient d’allocations familiales, d’aides au logement, de bourses, d’avantages fiscaux, et l’ensemble de la population est bénéficiaire de la Sécurité Sociale, chacun reçoit selon ses besoins et cotise selon ses revenus.
Ce matin en août 2013 sur le marché d’une petite ville, une femme bon chic bon genre a résumé en une petite phrase tout le programme du Front National et des « libéraux » de tout poil de droite comme de « gauche », le fonctionnaire est un problème, nos acquis sociaux sont un problème, notre république est un problème, la France est un problème, nous sommes tous des problèmes.
Elle appelle de ses vœux le retour à la page blanche avec l’élimination de tous les « problèmes » et l’avènement en France du laissez-faire. Elle ne mesure pas, malheureusement pour elle, qu’elle sera également emportée par la tourmente.
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