EELV guillotiné par l’arrivisme
Petite leçon de cynisme et d'immoralité pour édifier les générations futures
Le dernier remaniement du gouvernement Valls est, on le sait, un acte sans importance autre que politicienne dans le cours du quinquennat de M. Hollande, qui a choisi dès 2012 la stratégie du désastre politique, optant à peine élu pour la trahison de ses engagements. L' « ennemi de la finance » en est l'agent le plus dévoué, et ce n'est pas M. Macron, banquier de son état avant de devenir ministre, qui démentirait ce propos (quoique... !)
On est ainsi en droit de considérer que tous ceux qui ont suivi depuis son élection le Président de la République, quitte à l'abandonner (volontairement ou non) plus tôt que ne l'a fait une autre ancienne patronne des « Verts » Mme Duflot, ne sont des gens « de gauche » que sur le papier si l'on en juge par la politique de droite conduite sous les auspices de M. Ayrault et de M. Valls.
Le quinquennat Hollande donne aujourd'hui très clairement à « la gauche de gouvernement » actuelle sa vraie dimension, celle de l'arrivisme, du carriérisme et de la compromission. On pourrait ajouter que cela s'était aussi vérifié avec les deux septennats Mitterrand de triste mémoire.
On va risquer que M. Hollande, pas plus à gauche, mais pas plus à droite que M. Mitterrand, est un centriste (un homme de droite donc) comme son mentor, l'habileté politicienne en moins, dans la bonne tradition des sociaux démocrates français depuis 1945. Il aime d'autant plus jouer avec les symboles sociétaux que sa politique économique et sociale reste systématiquement à l'écoute du MEDEF et de ses réclamations incessantes contre les salaires et le droit du travail.
Ce cacique de la politique n'a même pas réussi à revêtir durablement le costume d'un chef de l'Etat solide et structurant après les attentats islamistes du 13 novembre 2015. Soyons juste, il a essayé. Supposons qu'il s'est trompé de job, en croyant que l'ENA donne un statut dans la fonction publique et parallèlement l'épaisseur politique qui sied à un leader. Notre grande école aurait de nombreux défaut, mais elle a au moins celui, évident, de ne pas faire d'un esprit doué un grand esprit.
Soyons cependant assuré que si M. Hollande peut se tromper dans le choix d'un métier (ou alors, illustre-t-il parmi d'autres le « principe de Peter » ?), il ne se trompe jamais d'amis. On parle ici des oligarques qui détiennent aujourd'hui grâce à lui et aux « grands médias » qui leurs appartiennent, les leviers de commande.
Le départ de Mme Taubira, au prétexte fallacieux qu'elle ne transige pas sur certains principes ( les attaques contre le droit du travail ou la politique salariale par exemple ne l'ont guère émue, ce qui laisse supposer que pour elle, ils n'ont rien à faire avec les grands principes), a été une tragi-comédie, sinon une farce ubuesque tout juste susceptible d'animer les salles de rédaction pendant quelques jours.
Tous ces gens étaient d'accord sur le fond, l'UE, l'Euro, l'austérité, et l'atlantisme. Rappelons que le chef de l'Etat, comme quelques uns de ses ministres telle Mme V. Belkacem, fait partie des « young leaders », structure d'influence des Etats Unis en Europe qui recrute beaucoup aussi chez les journalistes.
Les Verts ont pourri par la tête
Admettons à présent que des professionnels de la politique, fussent-ils dans le bain jusqu'au cou comme Mme Cosse, n'aient pas bien mesuré les dérives de l'équipe Hollande, qui sont trop nombreuses pour être listées ici, tout comme d'ailleurs le bilan de M. Fabius au Quai d'Orsay ne saurait être qualifié en quelques lignes, tant la France sort amoindrie de ses choix de politique extérieure, qui sont en gros ceux des Etats Unis, parfois en pire.
Mais voilà : il est impossible de trouver l'ombre d'une excuse au reniement de la patronne de EELV, du moins si l'on se réfère à certaines de ses récentes déclarations répercutées par Libération sous le titre : « Quand Emmanuelle Cosse s'opposait fermement à la déchéance de nationalité dans la Constitution ». Attristons-nous donc d'un tel naufrage moral en lisant ce bref communiqué :
« Remaniement.
En novembre, Emmanuelle Cosse, nouvelle ministre du Logement mais alors secrétaire nationale d'Europe Ecologie-Les Verts, estimait dans un entretien à Libération que l'inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution serait un fait « scandaleux et extrêmement inquiétant » :
« Si nous faisons ça, nous tombons exactement dans le piège que veut nous tendre Daech. Ce serait inefficace voire contre productif pour lutter contre le terrorisme, car cela installerait l'idée qu'il y a un problème avec les personnes qui ont une double nationalité. (...) »
Et elle rejoint le gouvernement qui vient de faire adopter cette mesure par l'Assemblée nationale. Si au moins le Chef de l'Etat lui avait téléphoné avant qu'elle fasse semblant d'avoir un avis politique tranché sur un fait politique ! Mais non, tel n'est pas le cas.
Elle est suivie (ou précédée ?) dans sa honteuse équipée par deux brillants collègues dont, n'en doutons plus, l'écologie est le premier souci, même si ils n'appartiendrait plus à EELV :
« - Jean-Vincent Placé est nommé secrétaire d'Etat chargé de la réforme de l'Etat et de la simplification.
-Barbara Pompili est nommée secrétaire d'Etat chargée des relations internationales sur le climat »
Mme Pompili et M. Placé ont paraît-il beaucoup oeuvré dans l'ombre depuis un bon moment pour accéder « au maroquin », en l'occurrence un demi maroquin, (à la mesure de leurs talents ?), ce qui paraît être la marque d'un mépris affiché par MM. Hollande et Valls pour ces deux « gagneurs » à la petite semaine. Perdre sa dignité pour si peu, voilà qui est dommage. A moins que cette dernière, de guerre lasse, ait seulement pris des vacances bien méritées devant ce misérable ralliement « téléphoné » à un gouvernement en plein naufrage. Comment ne pas juger cette attitude extrêmement préjudiciable à l'idée déjà fort sombre que tant de Français se font de leurs personnels politiques ?
Mais Mme Cosse a fait vraiment très fort Secrétaire nationale d'Europe Ecologie Les Verts au moment où elle a pris sa décision (forcément courageuse ?), se trahit peut-être, ce qui est difficile à croire, trahit ses idées, du moins celles qu'elle proférait abondamment, et surtout ses camarades, pour un ministère, un vrai. Si mon esprit mathématique a encore un peu de vigueur, j'en déduis qu'une planque au gouvernement vaut une vie de (fausses ?) convictions assénées à grand renfort de cris et d'indignation. En ces temps de crise monétaire, le maroquin ministériel peut donc encore acheter des consciences, dont le « juste prix » sera laissé au débat des citoyens goguenards, mais un brin ulcérés par cette mauvaise course aux bonnes places. Donc Mme Cosse peut à bon droit être soupçonnée de n'avoir, à ce jour au moins, aucune vraie conviction. Pour les années précédentes, que penser ?
Dans ce contexte lamentable qui voit des ambitions subalternes s'afficher au grand jour quand le pays vit l'une des plus grandes crises de son histoire, on est en droit de s'interroger à propos des membres d'EELV qui ont porté Mme Cosse à la tête du parti. Il est certes injuste de mettre tout le monde dans le même sac, mais nul n'empêchera les citoyens de se poser des questions : ces militants valent-ils moralement et politiquement ce que vaut cette dame, à savoir pas grand chose ? A-t-on à faire à des brigands en bande organisée sans ambition réelle, mais prêts à se vendre eux aussi pour un médiocre poste gouvernemental, quand on sait en outre que le vrai pouvoir n'est plus à Paris ? Notre pays serait donc au moins partiellement entre les mains de tels démagogues (on ne les connaît pas tous !) attendant l'aubaine dérisoire d'une nomination ? A chacun de juger.
L'écologie étant matière sérieuse à vocation universelle, on va avancer que l'écosystème de l'écologie politique en France, ses engagements, ses projets, ses faciles emportements, son image d'honnêteté bohème, ses défauts liés à ce que l'on pensait être une éternelle jeunesse fleurant bon la campagne, et la confiance que de nombreux électeurs avaient encore en elle, sont morts. Petite cause, grand effet : l'anthropocène a tué l'écologie politique en France au détour d'un remaniement de seconde main. Que la vie est dure pour les espèces inadaptées à la rude concurrence pour la survie égotiste et alimentaire !
Quel profit pour M. Hollande ?
Le pays vacille, sous la haute autorité de M. Hollande, les petites ambitions pullulent telles les symptômes d'une grave maladie. Accueillir ces gens estampillés Verts dans le gouvernement de M. Valls n'est pas forcément un bon calcul pour la « majorité ». Ils n'amèneront pas les voix escomptées en 2017, tant leur indignité va en faire des pestiférés auprès de leurs anciennes troupes. Ils sont non seulement « comme les autres », mais en pire lorsqu'on s'attarde à lire ce qu'ils ont pu nous raconter. Ils seront un handicap de plus pour la « majorité », qui l'est à présent si peu. Si un calcul électoraliste préside à ces nominations, il y a de fortes chances pour qu'il soit erroné.
On a souvent critiqué le PCF pour être devenu une machine à nourrir sa technostructure. On va pouvoir rire de ces révoltés de salon dont le seul souci paraît être l'arrivisme, et le seul honneur celui de fréquenter les aires dorées du pouvoir républicain. C'est donc un mauvais coup pour EELV, dont on voit mal comment il pourra se relever de cette monstrueuse pantalonnade. M. Hollande, qui a lui-même tourné le dos à ses engagements, a en quelque sorte détruit les trois écolos qu'il accueille dans sa galère ainsi que EELV, victime collatérale de cette magouille de bas étage dont le président lui-même ne sort évidemment pas grandi. (Espérons au moins que sur de telles bases, les trois nouveaux venus au gouvernement s'entendront bien avec le Chef de l'Etat).
L'idée écologique, dont on pense ce que l'on veut, mais qui en dehors des gens supposés la porter reste essentielle, a été insultée et abaissée. Dans son ensemble, le monde politique se retrouve sali par cet épisode minuscule, fait de petits arrangements entre amis dans une impudence assumée. Le pays vaut mieux que cela.
Allons, souvenons nous que Stendhal a peint ce déjà pitoyable univers dans « Lucien Leuwen », et a réussi à en faire un joyau de la littérature. M. Hollande pour sa part a livré à l'Histoire une nouvelle petite leçon de cynisme et d'immoralité, domaine dans lequel il excelle, pour édifier les générations futures. Pour un homme politique en fonction, n'est pas si mal. Et après tout, chacun fait ce qu'il peut à son niveau pour embellir la culture française.
Pucciarelli.fr
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