Election de Barack Obama : les causes (1/2)
Ce mercredi 5 novembre 2008, quelques minutes après 5 heures du matin (heure française), CNN a annoncé ce que tous ceux qui suivaient la soirée électorale minute par minute savaient depuis deux bonnes heures, sans complètement y croire encore : Barack Obama a remporté l’élection présidentielle américaine. Il y a beaucoup, beaucoup de choses à écrire sur cet événement. Dans un souci d’organisation, j’aborderai aujourd’hui ce que j’estime en constituer les causes, avant de me pencher demain sur sa portée et ses conséquences.
Les plus optimistes de ses sympathisants espéraient un "landslide" : une large victoire. Ils n’ont pas été déçus, tant c’est un véritable raz-de-marée qui a porté le sénateur de l’Illinois à la Maison-Blanche. Floride, Ohio, Iowa, Pennsylvanie, Virginie et peut-être aussi Indiana et Caroline du Nord : Obama n’a pour ainsi dire laissé aucune chance à John McCain, qui n’en avait déjà pas beaucoup. Mieux encore, des États traditionnellement plutôt républicains ont été remportés par des marges de grande ampleur : le Nouveau-Mexique avec 57 % des voix, ou encore le Nevada avec 55 %. Il s’agit donc d’une élection historique, au moins mathématiquement.
Les causes sont tellement nombreuses qu’il est difficile de les énoncer de façon exhaustive, avant même de les analyser. La terrible crise qui s’abat sur les économies du monde entier depuis la mi-septembre, et qui fait suite à une crise financière qui pointait le bout de son nez depuis plus d’un an, vient évidemment à l’esprit en premier, à égalité peut-être avec l’incroyable impopularité de George W. Bush, dont John McCain n’aura pas réussi à se dissocier malgré des divergences de vues extrêmement profondes. Dans ce contexte, le choix de Sarah Palin comme colistière a probablement constitué la goutte d’eau pour l’importante frange modérée de l’électorat républicain que le sénateur de l’Arizona devait initialement représenter.
Cependant, et même en intégrant ces circonstances favorables, comment écarter l’incontestable mérite de Barack Obama ? Mérite purement politique d’abord, puisque cet ancien professeur de droit constitutionnel n’est apparu sur la scène nationale américaine qu’en 2004, avant d’écarter de la course à la nomination démocrate rien de moins que John Edwards, le très populaire colistier de John Kerry en 2004, et surtout Hillary Clinton, que tout le monde imaginait en 2006 triompher de... Rudy Giuliani.
Mérite intellectuel aussi. Professeur au sein de la très libertarienne université de Chicago, le démocrate Barack Obama y a pourtant remporté au moins l’estime, sinon l’adhésion de nombreux de ses collègues pourtant traditionnellement habitués à préférer, faute de mieux, les représentants du Parti républicain. C’est que, pour la première fois peut-être depuis Vaclav Havel, une grande démocratie occidentale vient d’élire à sa tête un véritable intellectuel — à ceux qui en doutent encore, ou qui lui reprochent un manque de fond, il faut recommander la lecture des supports de cours du Pr Obama. C’est édifiant.
Mais il y a surtout le mérite d’avoir participé et profité d’un autre grand changement, moins visible à l’œil nu : l’achèvement de la révolution numérique. Il reste difficile aujourd’hui de prendre l’entière mesure de l’impact d’internet et des technologies de l’information sur le fonctionnement de nos sociétés, qu’il s’agisse de nos vies quotidiennes, du fonctionnement des marchés ou d’une élection présidentielle. Les faits sont pourtant là, et leurs conséquences bien réelles : lors des débats, les propos des candidats sont vérifiés en temps réel par les téléspectateurs ; les sondages ne peuvent prévoir la participation massive des jeunes électeurs parce que ces derniers n’ont pas de ligne de téléphone fixe ; sur Twitter, chacun peut reporter en quasi direct les conditions dans lesquelles il a voté.
Un seul des deux candidats a mené une campagne adaptée à cette nouvelle réalité : Barack Obama. Le futur président des États-Unis, premier candidat majeur à refuser le financement public, a ainsi levé une part considérable de ses fonds par le biais d’internet, via des donations souvent inférieures à 100 dollars. Comme le notaient hier soir les analystes, il faut sérieusement se demander si le résultat de l’élection aurait été le même sans YouTube, Facebook et consorts.
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