Emplois fictifs : attrapez les tous !
Tandis que l’affaire (Pénélope) Fillon bouleverse la campagne présidentielle, tous les observateurs évaluent les possibles issues de ce rocambolesque feuilleton. Mais, au-delà du sort d’un homme face à son destin, cette affaire soulève une question, pas si évidente ; qu’est-ce qu’un emploi fictif ? Et on découvre alors que, selon toute vraisemblance, ces emplois sont très répandus, et pas seulement autour de quelques nababs de la République. Des emplois fictifs qu’au nom de l’Egalité, on aimerait voir les juges examiner tous avec la même célérité et sévérité.
« On parle d'emploi fictif lorsqu'une personne perçoit une rémunération pour une activité qu'elle n'exerce pas, par exemple en poursuivant des activités partisanes ou militantes au lieu d'effectuer le travail pour lequel elle est censée être rémunérée, ce qui est un délit. » (Wikipedia).
Voilà un bon point de départ pour débuter l’examen d’une question qui agite la presse, que commentent sans fin les télévisions, qu’examinent les juges, et à laquelle sûrement François et Pénélope réfléchissent sans relâche : Pénélope, la bien aimée du candidat François, a-t-elle exercé un emploi fictif à l’Assemblée Nationale, auprès de son mari ou de son successeur ?
Bien sûr nous n’avons pas de réponse formelle à cette question. Et nous sommes bien entendu d’accord qu’il ne faut pas permettre à l’argent public de financer des emplois fictifs du type de ceux évoqués ici.
Quant à la théorie du complot ou de l’acharnement sur un homme alors qu’il approche du pouvoir suprême de notre pays ? Oui évidemment, c’est possible, mais franchement les citoyens ont été écoeurés par les Cahuzac ou autres malades de la phobie administrative. Beaucoup préfèrent une élimination d’emblée des porteurs de casserole que d’avoir à supporter une pseudo justice qui va procrastiner sous prétexte d’immunité parlementaire ou présidentielle.
Ce qu’on peut regretter peut-être, c’est que les autorités du parti des Républicains n’aient pas fait une enquête plus rigoureuse des risques attachés aux différents candidats à la primaire. De ce point de vue, pas mieux que les passoires socialistes qui ont laissé nommer les scandaleux gouvernants du quinquennat finissant.
Mais, au-delà du cas Fillon, est-il si évident de qualifier un emploi de fictif ou non ? Il s’agit, selon la définition, de valider si une personne rémunérée exerce ou non l’activité pour laquelle elle est payée.
Découvrant cette définition formelle, une discussion m’est revenue en tête.
Il y a une dizaine d’années ma commune, sous la contrainte financière, rejoint une communauté d’agglomérations qui reprend le service des ordures ménagères. En un an, le service baisse en qualité et explose en coût : + 40%. Indigné de cette double peine, je finis par obtenir les chiffres détaillés, qui montrent trois points faibles évidents dans la gestion des déchets. L’un d’eux, avec un surcoût de plus de 100% par rapport à la moyenne nationale comparable, porte sur le pré tri des déchets sélectifs. Le maire, sans sourciller, me donne l’explication : « oui, c’est vrai. Il y a dans les effectifs du groupement de communes, des fonctionnaires dont on ne sait pas quoi faire, nulle part. Alors on les a mis là, en attendant leur retraite, dans 5 à 10 ans… ».
Combien étaient-ils ? Le maire ne le dit pas précisément ; peut-être une dizaine.
J’en suis encore bouche bée mais, à l’époque, cet aveu exacerbe mon indignation. Ce laisser-faire me semble inacceptable. Le devoir des élus, dans ce cas, est de trouver une tâche, quelle qu’elle soit, où ces employés publics créent du service utile pour les citoyens. Sortie des écoles, collecte de papier gras dans les jardins, nettoyage des graffitis… Tout mais pas juste rien pour un surcoût sans retour.
Mais maintenant une nouvelle dimension s’ajoute à cette anecdote : au fond ces personnes, payées à ne rien faire, ne remplissent-elles pas exactement la définition formelle de l’emploi fictif ?
Monsieur le (maintenant) député et président de la communauté d’agglomérations, mesdames et messieurs les maires des communes de l’époque, seriez vous passible d’avoir créé des emplois fictifs ?
Mesdames et messieurs les juges, cette affaire n’est pas plus ancienne que celle de Pénélope. Vous qui avez été si prompts à examiner le cas du candidat Fillon et de son épouse, pourquoi n’interviendriez vous pas ici ?
Autres cas interpellant : les mises à disposition de personnels publics dans les associations ou dans les organisations syndicales.
Il s’agit d’une situation très répandue, mais sur laquelle les chiffres sont conservés aussi secrets que possible par la puissance publique. Même les (rares) députés qui osent s’intéresser sérieusement à la question restent sur leur faim. En tout cas, pour les associations et en excluant les syndicats, cela concerne certainement, rien que pour la fonction publique centrale, des milliers de fonctionnaires et pourrait porter, selon les estimations de l’ancien député des Yvelines Pierre Morange, sur un milliard d’euros par an. À cela il faut ajouter les mêmes phénomènes dans certains opérateurs périphériques de l’Etat, dans les collectivités territoriales, les hôpitaux et autres. Peuvent en bénéficier les associations contribuant à la mise en oeuvre d’une politique publique, définition confortable et pas très contrôlable par le citoyen.
Au-delà les syndicats, ouvriers ou patronaux, en bénéficient également, dans des proportions mal connues. Ainsi le secteur public, ou les entreprises publiques ou para publiques, organisent-t-ils le système des décharges publiques, par lequel des fonctionnaires peuvent être autorisés à travailler à temps plein pour un syndicat, tout en étant payés à par leur administration d’origine.
Les experts cités par le rapport parlementaire Perruchot (2012, un rapport si explosif que l’Assemblée avait tenté d’en empêcher la publication ! ), qui se sont penchés sur ce sujet, estiment le nombre de personnels détachés vers les syndicats à 30.000 à 50.000 personnes.
Or, au sens propre, que font ces personnes ? Elles occupent un emploi public pour lequel elles sont payées mais qu’elles n’exercent pas, pratiquant à la place des activités partisanes et militantes. En un mot, elles remplissent exactement la qualification d’emplois fictifs.
Mais, aujourd’hui en tout cas, la loi l’autorise, ou le tolère (car l’application de ce droit flou apparaît très diversement mis en œuvre, de l’aveu même des contrôleurs publics, entre les différentes structures publiques).
Alors… Invoquons les sages et surtout courageux pour faire toute la lumière sur ces troubles questions…
Emploi fictif, es-tu là ?
Emploi fictif, sors de ce corps (public) !
F. Lainée
Fondateur des Politic Angels
PS : un grand merci à mon ami Z, infatigable combattant du bon sens, pour la lumière qu’il m’a fait percevoir autour de ces questions.
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