En Asie, les crises s’aiguisent !
L’Asie est le plus peuplé des continents de la planète. C’est aussi celui où sont apparues récemment des économies occupant des places « significatives » dans le monde. C’est aussi celui où les crises en cours ou en gestation sont les plus dangereuses pour l’avenir de la planète. Petit coup d’oeil en forme de synthèse... Et une invitation à ne plus ignorer ou minorer ce qui est la réalité.
En termes économiques et démographiques, l’Asie est le continent qui, et de loin, pèse aujourd’hui le plus lourd. Chacun connaît ses géants qui s’inscrivent dans le marché mondial : Japon, Chine, Inde, et, derrière et plus modestement, la Corée du Sud, Taïwan, Singapour, la Malaisie.
Dans les actualités quotidiennes, les événements graves et sanglants qui s’y déroulent sont souvent relégués dans les pages intérieures des journaux ou dans les "sujets" secondaires de l’audiovisuel. Et pourtant, une vérité se fait jour pour les plus perspicaces : si l’avenir du monde se discute "apparemment" à Washington, voire à Bruxelles, c’est à l’Est que le destin de l’humanité est en train de se forger, donc de se dessiner.
D’où la nécessité de se pencher, sous forme d’un tableau de synthèse des réalités, sur les processus en cours dans ce continent gigantesque, considéré à tort comme "secondaire" par certains, encore trop nombreux à ce jour.
L’Asie occidentale s’embrase lentement
Il importe de commencer notre étude par les régions asiatiques les plus proches de l’Europe. Tout de suite, on comprendra que la situation qui y apparaît est non seulement agitée, mais potentiellement fort inquiétante.
Tout d’abord, nous avons les tensions en Turquie même, au sein du pays, tensions qui s’expriment sous des formes politico-religieuses de plus en plus violentes. En dehors, nous trouvons le conflit interne poursuivi avec les séparatistes kurdes. Ce dernier problème nous amène directement à la situation catastrophique des populations en Irak, conséquence directe de l’invasion américaine en 2003, qui se poursuit aujourd’hui par une occupation sanglante du pays, générant des conflits politiques s’exprimant là aussi sous des couverts religieux et/ou ethniques.
Au bord de la Méditerranée, le Liban souffre et sombre dans une nouvelle guerre qui n’a pas encore trouvé son nom officiel pour l’Histoire, mais qui est bien une guerre avec son lot de morts et de destructions. Au sud, le conflit entre l’Etat d’Israël et le peuple palestinien se poursuit et s’accentue, ou, c’est selon, se radicalise avec la montée en force du Hamas qui fait pièce à l’intransigeance israélienne. Là aussi, l’avenir semble être à la violence, et non à la concorde et à la paix.
Les pays du Golfe arabo-persique sont en apparence des Etats stables, mais aucun observateur ou analyste politique sérieux n’ignore que, sous la dure loi des monarchies archaïques, la situation est explosive dans les profondeurs des sociétés en question. Ces Etats peuvent être comparés, pour ce qui est de leur statut politique, à des "grenades dégoupillées" dont on ne sait pas quand elles éclateront, mais dont on est sûr qu’elles vont exploser, avec des conséquences mondiales incalculables à cette heure sur tous les plans.
En Iran, la dictature théocratique est toujours divisée et instable, sous des apparences de dureté renforcée. La corruption gangrène le pays, la répression entrave tout développement réel de l’économie, et la pression internationale y développe une situation matérielle quotidienne de plus en plus difficile, le tout dans un pays qui sort d’une longue et épuisante guerre avec l’Irak. En un mot, l’Iran est un Etat tout sauf stable !
Plus à l’Est, l’Afghanistan est en guerre : forces liées aux talibans, chefs de guerre locaux connectés aux trafics en tout genre, corruption massive, occupation militaire étrangère, affrontements interethniques ou tribaux, la situation y est confuse, la population vit dans des conditions de pauvreté accrue et l’avenir a la couleur du sang quotoidien versé par les bombes des uns et des autres.
Le Pakistan vit, notamment depuis 2003 - date de l’appui du gouvernement Musharraf à l’attaque américaine contre l’Irak - à l’heure des émeutes, des manifestations, des grèves et des crises politiques qui nen finissent plus. A l’évidence, cet Etat est dans la tourmente de violence qui embrase l’ensemble de l’Asie occidentale.
L’Asie Centrale et l’Inde : entre instabilité et croissance
En Asie centrale, la situation peut sembler, au moins en apparence, un peu plus sereine qu’à l’Ouest du continent.
C’est oublier que le conflit en Tchétchénie n’est pas encore terminé, que les Républiques caucasiennes et d’Asie centrale, issues de l’effondrement de l’URSS, sont pour leur quasi-majorité, au pire des dictatures, au mieux des Etats instables et volatiles, victimes de tensions internes et externes dont le caractère inflammable ne peut échapper à aucun observateur sérieux. Cette définition est surtout applicable aux pays de la région riches en pétrole et en gaz naturel. Chacun de leur côté, Moscou et Washington y poussent les pions de leurs intérêts respectifs, pas toujours contradictoires d’ailleurs entre eux, au détriment des peuples de la région et de leur développement économique pérenne. Au-delà de cette "compétition", les autorités de Pékin commencent aussi à tisser leurs liens, patiemment, mais solidement...
L’Inde est un de ces géants asiatiques, dont le développement récent, largement passé inaperçu pendant la dernière décennie - tous les yeux des observateurs étaient alors exclusivement tournés vers la Chine -, est aujourd’hui une donnée incontournable. Le pays est toujours traversé de crises politiques rampantes, de mouvements séparatistes et interconfessionnels violents, jusqu’ici contenus par les autorités centrales, lesquelles se sont appuyées pour atteindre cet objectif sur la croissance rapide de l’économie du pays et des réformes modestes, mais réelles, créant une classe moyenne nationale. La question qui peut se poser ici est la suivante : que se passera-t-il si l’économie indienne subit un krach destructeur ou si le pouvoir central se disloque ? D’un certain point de vue, l’Inde est à la croisée des chemins : tout va se jouer sur l’usage social, donc politique, que les autorités vont faire de leurs moyens financiers nouveaux en faveur des populations défavorisées, de toutes les Etats, de tous les groupes ethniques ou religieux du pays.
Bien évidemment, un survol de cette région ne peut éviter la situation de guerre larvée qui existe et se développe au Sri-Lanka entre le pouvoir central et les rebelles tamouls. Là aussi, la situation est hautement inflammable.
L’Asie du Sud-Est : corruption, incompétence, guerres civiles
Au Népal, le situation est celle d’une quasi-guerre civile entre les rebelles maoïstes et la monarchie au pouvoir. Au Bhoutan, la pauvreté est telle que le gouvernement est aussi instable. Au Bangladesh, un pouvoir militaire a déstabilisé en profondeur le pays qui est menacé d’éclatement. La Birmanie ou Myanmar est une dictature incapable de s’ouvrir et de se démocratiser, où le pouvoir militaire en place semble largement soumis à la seule défense de ses propres intérêts matériels, et refuse de même s’intéresser aux problèmes urgents de la société et de la population. Ce pays est en ébullition.
La Thaïlande est aussi en crise et la corruption des responsables politiques est son plus grand problème car il est intrinsèquement relié à leur profonde incapacité à donner une impulsion véritable au développement du pays, occupés qu’ils sont à profiter des mannes financières qui ont plu sur ce pays, notamment via le tourisme, ces dernières années. Incompétence et corruption sont les deux maux de la Thaïlande. Le pays est, de plus, maintenant menacé par des mouvements islamistes séparatistes qui utilisent la violence afin d’atteindre leurs buts politiques. Le pays peut s’embraser à tout moment.
Le Laos végète dans sa pauvreté sous son actuel régime, proche de celui de Pékin. Le Vietnam a connu ces dernières années, en confluence avec son puissant voisin chinois, une expansion économique certaine, bien que là aussi, la corruption manifeste au sein du régime dictatorial n’ait pas permis que les investissements étrangers dans le pays profitent à la quasi-majorité de la population. Les révoltes sociales et les grèves s’y multiplient, comme en Chine.
Le Cambodge semble stagner depuis sa "démocratisation", là aussi, la question de la responsabilité profonde des dirigeants dans cette situation d’immobilisme est posée.
La Malaisie est un cas d’exception : elle a maîtrisé jusqu’ici les menaces de séparatisme de partis islamistes et a, en parallèle, développé une économie dynamique. Sa stabilité future repose, comme pour l’Inde, sur la pérennité de cette expansion et sur la distribution égale des profits que celle-ci génère, dans la population, particulièrement en direction des couches défavorisées et dans toutes les régions du pays.
L’Indonésie est dans une situation permanente d’instabilité politique, embrasée avec régularité par des violences religieuses et/ou ethniques. Son avenir, dans le contexte actuel, paraît très incertain.
Asie orientale : sous la surface paisible, le volcan bouillonne
Il nous reste à examiner les cas de la Chine, du Japon, des deux Corées, de Taïwan et des Philippines.
C’est en Chine à coup sûr que la situation générale, sociale, économique et politique est, sous une apparence trompeuse de calme, la plus grosse de dangers potentiels. Tous les observateurs sérieux connaissent les faiblesses du régime qui a assis sa politique économique et sa gestion de celle-ci sur le massacre du 4 juin 1989, fait patent que la fille de Deng Xiao Ping vient encore de souligner récemment dans la presse chinoise.
La dictature de Pékin est en effet d’une terrifiante et menaçante instabilité pour le monde entier : elle jugule de moins en moins des situations explosives croissantes dans tous les domaines. Elle est gangrenée par une corruption dont la presse fournit chaque jour des exemples multiples, et ce à tous les niveaux. Le pays vit dans le mensonge permanent, la dissimulation ou la négation des réalités, d’où une incapacité totale à apprécier, anticiper et gérer les menaces qui se multiplient. La Chine est au bord d’une immense explosion sociale et politique inévitable dont les effets seront très dévastateurs pour l’ensemble de la planète.
La Corée du Nord est toujours sous domination aussi d’une dictature de même nature, mais avec une capacité d’influence sur la situation mondiale bien moindre. Elle recherche, par la pression militaire, des capitaux étrangers pour sortir l’économie du pays de son bourbier ancien. De ce point de vue, elle semble obtenir quelques succès dans cette voie avec 2 milliards de dollars contre la fermeture de sa centrale nucléaire de Yongbyon.
La Corée du Sud souffre aussi de la corruption, y compris au sein de ses dirigeants économiques comme l’a démontré le très médiatique scandale Samsung voici peu. Sa vitalité économique a fortement décru en proportion ces dernières années, et le mécontentement social y croît fortement. C’est un pays aussi en grande effervescence sociale.
Taïwan continue toujours, mais à vitesse ralentie depuis quelques années, son développement économique, mais la société doit faire face aux problèmes dits "ethniques" et surtout à la création d’un vrai système social permettant de redistribuer les richesses de manière plus égale, garantie de sa pérennité et de l’unité du pays.
Aux Philippines, si la rébellion séparatiste islamiste semble bien en déclin, suite à des mesures qui ont lié l’assistance économique, le développement de l’ïle de Jolo et l’action militaire, le pays souffre toujours de sa pauvreté massive et de l’incapacité de ses dirigeants à assurer un vrai décollage économique, en partenariat avec ses voisins plus aisés. Faute de cela, le pays va droit à des crises plus profondes et violentes.
Enfin, au Japon, là aussi, sous les apparences de la stabilité et de la prospérité, les signes d’une crise profonde de la société se multiplient : les différenciations sociales s’accentuent, l’instabilité politique, en partie générée par une large corruption des dirigeants politiques, s’aiguise, le rejet encore silencieux du système social actuel est en phase de mûrissement actif. Le Japon semble ausi à la veille de possibles fortes secousses sociales et politiques.
Une situation d’ensemble que personne ne peut plus ignorer
Cette étude en survol rapide de la situation générale en Asie n’est pas, à l’évdence, source d’optimisme. Il semble que là, comme ailleurs, notamment pour la Russie, la situation ouverte en 1991 par l’effondrement de l’URSS, marquée par une politique internationale fixée ou déterminée en rapport exclusif avec les seuls intérêts américains, a amené nombre d’observateurs et d’analystes internationaux à sous-estimer les processus en cours ou à en diminuer les risques induits, voire à carrément s’aveugler eux-mêmes.
En Asie, manifestement, les impacts négatifs continentaux et mondiaux, de l’éclatement de l’URSS en août 1991 d’un côté et du maintien d’une dictature corrompue de plus en plus impuissante à Pékin de l’autre avec le massacre du 4 juin 1989, n’ont pas été compris, ni surtout anticipés dans toute leur ampleur réelle.
Si l’on excepte la situation aux Proche et Moyen-Orient, qui relève en majeure partie de la seule responsabilité de la politique américaine, les processus à l’oeuvre en Asie, ces guerres et ces crises, ces menaces de conflits ou de renversements violents des régimes en place, sont le fruit des deux événements majeurs vus ci-dessus, accentués par la politique américaine, marquée par la courte vue et l’incapacité à comprendre les réalités des terrains régionaux, surtout depuis 1989-1991.
Pesronne ne peut plus ignorer la gravité de ce qui se passe et se prépare en Asie. Personne ne pourra dire qu’il ignorait ce qui se prépare et mûrit en profondeur dans ce continent.
Philippe
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