Enquête : les dessous de l’adhésion politique


L’UMP, première formation militante de France
Forts d’un réseau de 200 000 adhérents, le Mouvement Populaire s’impose très clairement comme la première formation militante de France. Ce statut s’en retrouve d’autant plus renforcé que ce chiffre ne prend pas en compte les autres composantes de la Majorité Présidentielle : le Nouveau Centre (11 000 adhérents), le Parti Radical (10 000 adhérents), le Parti Chrétien-Démocrate (8500 adhérents) et la Gauche Moderne (2000 adhérents). Au final, avec 230 000 adhérents, la Majorité Présidentielle représente plus du tiers des adhérents politiques en France !
Mais derrière cette apparente vigueur des rangs de la majorité, se cache un certain nombre d’éléments troubles. Tout d’abord, lorsque je les ai contacté, le secrétariat national de l’UMP m’avait assuré recenser entre 350 000 et 400 000 adhérents...quand le chiffre officiel est de 277 000 ! Mais même ce chiffre nourrit de nombreux doutes. Il faut effectivement savoir que l’UMP comptabilise l’ensemble des adhérents ayant renouvelé une cotisation durant les deux dernières années. Ainsi, ceux qui, enthousiasmés par le début de mandat dynamique et prolifique de Nicolas Sarkozy, mais aujourd’hui déçus et n’ayant donc pas renouvelé leur cotisation en 2008 sont encore comptabilisés.
En outre, le Mouvement Populaire avait, à l’aube de l’élection de Nicolas Sarkozy lancé une formule d’adhésion quinquennale sur la période 2007-2012. Nombre d’enthousiastes ont souscrit à cette formule, séduisante par son coût et l’originalité de son concept. Or, l’enthousiasme du début de mandat a désormais perdu de sa superbe et cette formule permet aujourd’hui d’enrayer une défection d’adhérents trop importante.
En outre, le canard enchaîne assurait à l’été 2007 avoir piraté l’équivalent du fichier ROSAM du Mouvement Populaire et ne reçensait guère plus de 135 000 adhérents. Qui croire ? La police ou les syndicats ? La moins pire des solutions étant d’établir une moyenne, 200 000 adhérents semble être l’estimation la plus recevable...
Les formations radicales dans l’ombre du Parti Communiste Français
Si la gauche radicale représente le quart du militantisme politique, 130 000 des 156 000 adhérents recensés par le NPA, le POI, le PCF et LO sont issus du Parti Communiste Français. Fort de cet important vivier militant, le PCF s’impose comme le deuxième parti de France en nombre d’adhérents, un statut qui fait mouche au vu de la modestie des scores obtenus par le parti de Marie George Buffet (1,94% aux présidentielles, 4,29% aux législatives, 2,62% aux municipales et 6,05% aux européennes).
Loin derrière, le Nouveau Parti Anticapitaliste peine à tirer profit de la crise sociale et ne revendique que 10 000 adhérents. Les deux formations trotskistes que sont Lutte Ouvrière (8200 adhérents) et le Parti Ouvrier Indépendant (8000 adhérents) présentent un réseau non négligeable mais très loin de celui du Parti Communiste.
Malgré son inexorable déclin, dont les prémices sont à mettre sur le dos de l’Union de la Gauche de 1974, le PCF conserve son âme militante, que, certes, bon nombre de mouvements politiques envient mais qui ne sont guère plus compatibles aux 700 000 adhérents revendiqués après la Libération.
Cet important vivier militant, en discordances avec les performances électorates du PCF, se justifie certainement par le militantisme historique qui a marqué le Parti Communiste Français, et quelques résidus de la grande époque sont toujours présents. Ce dernier reste également une plateforme d’échanges et débats internes au sein de la gauche radicale, ce qui séduit nombre de partisans de la mouvance radicale à adhérer au PCF plutôt qu’à d’autres formations tels que le NPA.
Le Parti Socialiste, ou la loi des fédérations
Difficile d’établir l’estimation d’une donnée dont nul ne connaît la valeur exacte... Le nombre d’adhérents recensés par le Parti Socialiste s’élève officiellement à 203 000 mais officieusement, il ne dépasse pas 120 000... La décentralisation des pouvoirs internes au profit des fédérations (une fédération correspond à un département, ce sont elles qui enregistrent les adhésions transmettant ensuite leurs données locales au Bureau des Adhésions qui établit le chiffre national) assure, certes, l’implantation locale du PS mais entrave la transparence du fichier ROSAM qui recense l’ensemble des adhérents.
Ainsi, sachant que leur poids au sein de l’appareil socialiste est subordonné à la vigueur des rangs de leur fédération, certains barons locaux n’hésitent pas à communiquer à Solférino des données anormalement élevées. Des enquêtes du Point et du Canard Enchaîné ont ainsi émis des doutes sur la véracité du listing de la fédération du Pas de Calais, vraisemblablement jonché de militants fantômes et autres doubles noms. Au sein même de l’appareil socialiste un élu assurait au Point, sous couvert d’anonymat, que "la fédé du Pas de Calais édite ses propres cartes ou les commande par paquets entiers à Solférino sans aucune justification" les attribuant par la suite à adhérents fantômes dont seul Jean Tibéri avait le secret.
Un autre responsable socialiste émettait quant à lui de sérieux doutes quant aux 50 000 nouvelles adhésions qui avaient précédé le Congrès de Reims, les mettant sur le dos des fédérations, soucieuses de conserver leur position au sein de l’appareil socialiste.
En outre, le PS, à l’instar de l’UMP, continue de considérer comme militant un adhérent ayant renouvelé une cotisation durant les deux dernières années écoulées : ainsi, sur 203 000 adhérents officiels il faut en soustraire 65 000 qui ne ne sont pas à jour de cotisation ! Si l’on soustrait à cette différence une quantité non négligeable de tripatouillages locaux, 120 000 adhérents s’apparente à une estimation proche de la réalité. Encore faudrait-il que Martine Aubry elle-même soit tenue au courant de cette réalité...
Le socle solide et constant de la droite nationale
Si le Front National (60 000 adhérents) et le Mouvement pour la France (15 000 adhérents) se classent respectivement 4ème et 6ème du classement, c’est que leur socle militant se distingue par sa fiabilité et sa constance. Effectivement, tandis que les performances électorales du Front ne cessent de chuter (0,94% aux municipales, 10% aux présidentielles contre 16 en 2002, 4% aux législatives contre 7 de plus en 2002), moins de 15 000 des 75 000 adhérents recensés en Avril 2007 ont quitté le Paquebot. Le Mouvement pour la France, lui aussi, en dépit du revers des européennes et des présidentielles est parvenu à conserver son rang, n’enregistrant que 7000 défections sur les 22 000 recensés sur la période précédant les échéances présidentielles.
Le rapprochement opéré avec l’UMP risque cependant d’enrayer cette relative constance. Il y a fort à parier que la branche orthodoxe de l’électorat viliériste se repliera sur Debout la République ou le Front National tandis qu’au sein de l’UMP, le MPF n’est pas encore assuré de ratisser les conservateurs ! Il doit effectivement affronter la concurrence du Parti Chrétien Démocrate de Christine Boutin.
La longue marche vers la transparence
Au-delà des données que cette enquête tente, le mieux possible, de hiérarchiser et d’estimer , elle lève le voile, et elle est loin d’être pionnière dans le domaine, sur l’absence de transparence des formations politiques quant aux adhérents qu’ils revendiquent. A quoi bon surévaluer ces données ? A quand l’établissement d’une autorité chargée d’établir la transparence dans le domaine ? Le nombre d’adhérents revendiqués par les formations politiques ne devrait-il pas être une donnée informative accessible à tous ? Sinon, comment donner du crédit aux élections internes, où la fraude s’est généralisée ? La route vers la transparence sera longue...et semée d’embûches.
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