Ensemble pour sauver la République
« Je suis parti à Londres en 1940, je n’avais pas 20 ans. Quand j’imagine Marine Le Pen représenter la France, quand je réalise le risque qu’elle soit élue, je trouve cela monstrueux. Le Pen, je dis non. Le Pen, dans la vie politique française, représente la négation de tout ce pourquoi nous nous sommes battus. Le Pen, c’est la France de la réaction (…). Ce retour est effrayant. La France d’aujourd’hui n’est plus du tout celle de ma jeunesse. Malheureusement, la constante, c’est la réaction. Elle a traversé l’histoire. » (Daniel Cordier, le 30 avril 2017).
J’avais beau me dire qu’il ne pouvait pas gagner, et à l’époque, toutes les forces vives s’étaient remuées pour éteindre le feu extrémiste, avec des manifestations spontanées de lycéens, de syndicalistes, etc., j’avais un peu peur. Je me disais que tout restait possible, que Jacques Chirac n’avait même pas obtenu 20% des voix au premier tour, qu’il était très impopulaire, qu’on le traitait à l’époque de "supermenteur" (rien à voir avec François Fillon), et qu’il était déjà âgé, 69 ans (mais plus jeune qu’Alain Juppé en 2017).
Jacques Chirac et Alain Juppé avaient profité de la stupeur et de la sidération du 21 avril 2002 pour verrouiller leur dispositif quelques jours plus tard, fonder l’UMP et phagocyter l’UDF qui a pu rester uniquement par la persévérance souvent solitaire de François Bayrou, déjà opposant à ce système bipartisan (et candidat au premier tour, flirtant avec les 7%).
Dans ce drôle d’entre-deux-tours, quinze ans plus tard, rien de toute cela. Certes, Emmanuel Macron est populaire, certes, il est jeune et peut aussi prétendre, d’une certaine manière, bouleverser le système, du moins le système des partis traditionnels, mais aucune mobilisation dans la rue, et aucune conscience de l’histoire qui se joue en ce moment pour beaucoup d’électeurs se sentant trahis, se sentant pas assez écoutés, se sentant exclus du jeu politique.
Alors, on entend un peu n’importe quoi. Que l’extrême droite, c’est très mal et il ne la faut absolument pas au pouvoir, mais pas question de voter pour son concurrent présidentiel. Pourtant, dans une démocratie, je ne vois pas comment on peut refuser la victoire de l’une sans voter pour l’autre : l’abstention et le vote blanc ne peuvent faire que le jeu de l’extrême droite qui veut provoquer l’indifférence et la banalisation alors que ce duel est d’une extrême gravité. Dormez tranquille, je m’occupe de tout, pourrait dire la présidente en congé du FN.
Jean-Louis Borloo a même dû sortir de sa réserve pour exprimer ce sentiment d’angoisse le 30 avril 2017 sur France 2 : « [Je suis] terrorisé [par les atermoiements de responsabilités politiques à voter en faveur d’Emmanuel Macron]. (…) Je pense que l’hypothèse d’une victoire du Front national, à la fois de Marine Le Pen et ensuite aux législatives, par l’effet mécanique de la Ve République, est parfaitement imaginable. (…) Les Français sont complètement désemparés [et peuvent être tentés par] des solutions simples de type bouc émissaire : "c’est la faute de l’autre, de l’Europe ou du monde". ».
Au "Journal du dimanche", Jean-Louis Borloo avait déclaré le 27 avril 2017 : « Je me suis tu jusqu’à présent. Aujourd’hui, j’ai décidé de parler car la situation est grave et le vote de dimanche engagera les Français sur un chemin irréversible pour une génération. (…) Je vois quelqu’un qui rassemble, qui défend un monde ouvert et solidaire, qui est transgressif, déterminé et courageux. S’il est élu, Emmanuel Macron sera un des plus jeunes chefs d’État, il est de la génération des Trudeau, Renzi… C’est une bonne nouvelle, n’ayons pas peur de notre jeunesse, de notre audace. La France est un vieux pays, mais c’est le peuple le plus jeune d’Europe. Modernité et tradition, c’est la France. (…) Face au danger, il faut sonner le tocsin. (…) Cette élection doit être un nouveau départ. On ne va pas quand même passer à côté de cet espoir-là ! ».
Conscience morale avec l’abolition de la peine de mort, l’ancien ministre Robert Badinter a pointé du doigt le 30 avril 2017 dans le "Journal du dimanche" une mesure désastreuse pour les valeurs républicaines : « Parmi tant de propositions critiquables, je considère comme la plus dangereuse l’instauration d’un principe constitutionnel de "préférence nationale". Elle ouvrirait la voie à des mesures humainement détestables, qu’il s’agisse notamment de l’école, des services de santé, des logements sociaux ou de l’emploi. Ce n’est pas en ajoutant la misère à la défiance qu’on pourra intégrer les étrangers établis légalement sur notre sol. ». Quant au silence de Jean-Luc Mélenchon, Robert Badinter l’a jugé très sévèrement : « S’abstenir aujourd’hui, c’est favoriser l’élection de Mme Le Pen. Si c’est un choix tactique, c’est une erreur politique. Si c’est l’expression d’une conviction, c’est plus grave encore. ».
Le 29 avril 2017 sur son blog, Alain Juppé a mis en garde : « Ce qui paraissait impossible il y a peu de temps encore n’est plus aujourd’hui improbable : Mme Le Pen peut devenir la Présidente de la République française ; à tout le moins, le score du Front national au second tour peut dépasser la barre des 40%, voire des 45%, ce qui serait déjà un coup de tonnerre politique. (…) La victoire de l’extrême droite en France constituerait un séisme géopolitique. L’Union Européenne qui peut résister au Brexit, et même en tirer profit, ne survivrait pas à un "Frexit". Je ne sous-estime pas le désamour de nos concitoyens pour l’Europe ; je mesure l’ampleur des changements qui seront nécessaires pour la remettre sur la bonne voie. Mais liquider la construction européenne que nous avons patiemment édifiée serait une aberration. Car l’Europe a réussi. Elle nous a apporté 70 ans de paix, ce que notre continent n’avait jamais connu depuis des siècles. Elle est aujourd’hui un espace de liberté et de prospérité comme il en existe peu au monde. (…) Ce n’est pas sans raison qu’elle attire de si puissants flux migratoires. (…) C’est la preuve d’une réussite. Comparons-nous ! ».
Et il a conclu ainsi : « Françaises et Français, je vous appelle solennellement à résister à la tentation de tout casser (..). Quand, dans une élection à deux candidats, on veut éliminer l’un, il n’y a pas d’autre solution que de voter pour l’autre. L’abstention ou le vote blanc, c’est un coup de pouce à Mme Le Pen. Je ne vous demande pas pour autant d’adhérer à la personne ou au programme d’E. Macron. (…) Il faut choisir. Après le scrutin présidentiel viendront d’autres échéances, à commencer par les élections législatives. Nous devrons alors reconstruire une proposition politique (…). Je vous adjure donc, mes chers compatriotes, de voter pour E. Macron parce qu’il est le seul, le 7 mai, à pouvoir éviter à la France le malheur du FN. (…) Je ne me lasserai donc pas de vous dire : Peuple de France, ressaisis-toi, reste fidèle à ton génie, aie confiance ! ».
C’est le message essentiel : voter pour Emmanuel Macron, ce n’est pas adhérer à son programme ni à ce qu’on peut penser de ce qu’il représente, c’est avant tout sauver la République sans exclure la possibilité de s’opposer à lui quelques semaines plus tard, lors des élections législatives.
D’ailleurs, plus le score d’Emmanuel Macron sera élevé, moins la victoire n’aura été la sienne mais plutôt celle des républicains. D’une certaine manière, l’intérêt stratégique d’Emmanuel Macron serait que Marine Le Pen obtienne au moins 45% pour ne laisser plus aucun espace politique entre elle et lui et recomposer entièrement le paysage politique sans les électeurs de François Fillon et sans ceux de Jean-Luc Mélenchon.
Sachant donner la réplique avec une pointe d’humour, Emmanuel Macron, lors de son meeting à la Villette le 1er mai 2017, n’a pas oublié de répondre mots pour mots aux attaques infamantes de sa concurrente quelques heures plus tôt à Villepinte : « Madame Le Pen a dit : c’est En Marche ou crève. Elle a raison. En Marche, c’est nous ! ».
C’est bien de cela qu’il s’agit : tout électeur qui ne glissera pas dans l’urne un bulletin Emmanuel Macron participera à l’éventualité du désastre français, à cette hypothèse folle d’un chef d’État d’extrême droite, d’un gouvernement d’extrême droite qui ferait renier au moins deux siècles sinon trois de son histoire.
C’est bien Marine Le Pen, la candidate du système, un système dont elle et sa famille, son clan, ont profité depuis quarante-cinq ans, qui ont occupé de nombreux sièges parlementaires pendant trente-trois ans mais n’ont rien fait de concret. Quel bilan ? Quel apport à la France ? Quelle contribution pour la rédaction de nouvelle loi ? Quelle proposition constructive ? Rien !
Juste la démagogie clientéliste et le rôle de pompier pyromane. Elle veut atteindre la magistrature suprême et elle n’est même pas allée à la convocation d’un juge. Elle veut du patriotisme industriel et elle fait fabriquer les T-shirts à sa dévotion …au Bengladesh ! À son meeting du 1er mai 2017 à Villepinte, elle a même plagié, mots à mots, plusieurs pages du discours de François Fillon prononcé au Puy-en-Velay le 15 avril 2017, et ce n’est pas un clin d’œil qui aurait nécessairement imposé d’indiquer la source de ce plagiat ! Ce n’est pas l’honnêteté intellectuelle de cette candidate qui va l’étouffer.
Depuis le premier tour, son père Jean-Marie Le Pen a eu le temps de sortir deux horreurs bourrées d’intolérance et d’irrespect. La première en fustigeant la sexualité du policier assassiné le 20 avril 2017 aux Champs-Élysées, rompant l’unité nationale qui devait se faire en hommage à toutes les victimes du terrorisme (hommage au capitaine Xavier Jugelé le 25 avril 2017 à la préfecture de police de Paris). La seconde en évoquant, le 1er mai 2017 sur la place des pyramides, la « tournée des cimetières » d’Emmanuel Macron qui était venu se recueillir au Mémorial de la Shoah à Paris, après Brahim Bouarram (assassiné par des militants d’extrême droite à Paris le 1er mai 1995) et Oradour-sur-Glane (le 28 avril 2017).
Marine Le Pen, c’est sa famille, son père, son compagnon, sa nièce, elle-même qui vivent confortablement des rentes que lui offre généreusement le système politique actuel, tandis qu’Emmanuel Macron, jamais élu, a même démissionné de la haute fonction publique pour être complètement indépendant.
Lors du duel télévisé du 3 mai 2017 (d'un niveau lamentablement bas), Marine Le Pen a montré son vrai visage, celui d'une punaise qui n'avait aucun programme pour les Français et qui ne savait que mentir et insulter son adversaire. Elle a montré son incompétence sur tous les dossiers économiques au point de consterner ses propres partisans et même son père. Le plus grave fut son accusation du supposé compte caché aux Bahamas : la rumeur avait pourtant démarré sur Internet seulement deux heures avant le début du débat et si elle n'en était pas à l'origine, elle n'aurait jamais pu être au courant à temps. Emmanuel Macron a eu raison de déposer plainte dès le lendemain pour mettre à jour les liens avec des médias russes.
Face aux valeurs, les 243 128 militants hystérisés de Jean-Luc Mélenchon ont répondu ce 2 mai 2017 de manière très disparate à la consultation sur leur comportement au second tour : 34,83% voteront Macron, 36,12% voteront blanc ou nul et 29,05% s’abstiendront. Quelle grave erreur pour 65% d’entre eux !
Comme disait Jean-Louis Borloo le 2 mai 2017 sur France Inter, monsieur blanc et madame abstention ne sont pas candidats au second tour de l’élection présidentielle. C’est pourtant simple et répétons-le : le seul moyen d’éviter l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, c’est de voter pour son adversaire. C’est le seul moyen. C’est le principe d’une élection à deux tours. Le discours sur le vote blanc ou l’abstention, c’est un discours de premier tour, pas de second tour.
Il ne s’agit pas de culpabiliser (chacun est libre de faire ce qu’il veut, c’est le principe heureux de la démocratie) mais de responsabiliser. Il s’agit de voir la réalité électorale en face. C’est aberrant de vouloir "doser" le score d’Emmanuel Macron : si tous les opposants à Marine Le Pen votaient blanc ou s’abstenaient, Marine Le Pen serait largement élue. Cela veut dire que ceux qui votent blanc ou s’abstiennent espèrent quand même que certains voteront Emmanuel Macron. C’est très hypocrite, comme posture.
Si l’urgence, c’est d’éviter l’arrivée de Marine Le Pen, qui serait un événement irréversible, il n’y a qu’un seul choix possible. Ensuite, il y a les élections législatives pour soutenir un programme politique, et il y aura probablement un choix large et diversifié. Les communistes n’avaient pas hésité en 2002 ; ils avaient voté massivement pour Jacques Chirac et personne n’a pu penser que 82% des électeurs avaient adhéré et à la personne et au programme de Jacques Chirac.
Il est incompréhensible qu’un électeur qui ne veut absolument pas de Marine Le Pen à l’Élysée s’abstienne ou vote blanc. C’est non seulement incompréhensible, mais c’est complètement illogique. Si Marine Le Pen était élue, cet électeur aurait bien le temps de se mordre les doigts en se disant : ah, si j’avais su…
Bien malgré lui, Emmanuel Macron se retrouve donc en ultime sauveur de la République. Ce symbole lui donnera la gravité et la hauteur pour, je l’espère, la présider dans quelques jours avec dignité et rassemblement. Le peuple français ne veut plus des discours de haine ; il veut des actes concrets pour retrouver sa prospérité et sa croissance. Ce second tour de l’élection présidentielle devra laisser provisoirement de côté les préoccupations politiques pour ne se recentrer que sur les valeurs. La politique, ce sera le tour des élections législatives.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (04 mai 2017)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Ensemble pour sauver la République.
Débat du second tour du 3 mai 2017.
Choisis ton camp, camarade !
Pourquoi Mélenchon est-il si confus pour le second tour ?
Résultats officiels du premier tour du 23 avril 2017.
Premier tour de l'élection présidentielle du 23 avril 2017.
Les derniers sondages avant les urnes depuis 1965.
Qui sera nommé Premier Ministre en mai et juin 2017 ?
La Ve République.
L'autorité et la liberté.
Un Président exemplaire, c’est…
Deuxième débat télévisé du premier tour de l’élection présidentielle (4 avril 2017).
Les propositions des cinq grands candidats (20 mars 2017).
Programme 2017 de François Fillon (à télécharger).
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Programme 2017 de Benoît Hamon (à télécharger).
Programme 2017 de Jean-Luc Mélenchon (à télécharger).
Programme 2017 de Marine Le Pen (à télécharger).
Le bilan comptable du quinquennat Hollande.
François Fillon.
Emmanuel Macron.
Benoît Hamon.
Jean-Luc Mélenchon.
Marine Le Pen.
Nicolas Dupont-Aignan.
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