Estrosi, l’homme qui a pour ordre de soigner l’image de l’industrie française
Parachuté il y a quelques mois en tant que ministre de l’industrie – ministère jusqu’alors peu médiatisé –, Christian Estrosi est sur tous les fronts : Total, Philips, Renault, Continental… A la moindre fermeture d’usine, Estrosi intervient et joue le sauveur. Mais les résultats sont décevants et remettent en question la fonction d’Estrosi : n’a-t-il pas, en réalité, pour objectif de soigner l’industrie française et de rassurer l’opinion ? Récit d’une politique de court terme sans grand intérêt. Parti pris.
« J’essaie d’exprimer moins de pessimisme que lui. Moi, je regarde les chiffres de Renault ce [mardi] matin : […] là où on me disait que la chute progressive de la prime à la casse allait avoir des conséquences, on est à +43% sur PSA et +37% sur Renault entre janvier et février. »
Nicolas Demorand finit par l’appeler le « nouveau PDG de Renault »… il est vrai qu’on avait l’impression qu’Estrosi connaissait mieux le dossier Renault de Patrick Pélata.
Estrosi, ministre hyperactif
Renault, justement. Le Nouvel Observateur évoque une « semi victoire » : Renault avait laissé entendre que la nouvelle Clio 4 serait délocalisée en Turquie. Panique générale : la CGT proteste, Estrosi intervient. Il prend vite des engagements ambitieux en ordonnant à Renault de faire construire la Clio en France, autrefois entièrement confiée à l’usine de Flins. A force de mettre la pression, Renault finit par trouver un compromis : produire la Clio « en partie » en France. Ce qui est intéressant à noter, c’est la réaction d’Estrosi après :
"Vous avez vu le volontarisme du président de la République (...) sur la volonté de Renault de délocaliser la Clio 4 en Turquie, eh bien, lorsque, là aussi, le volontarisme du président et de l’Etat est au rendez-vous, on voit bien qu’on peut inverser, éviter, empêcher un certain nombre d’initiatives".
Pourtant, volontarisme ou pas, pas de quoi crier à la victoire lorsque Renault délocalise une bonne partie de la Clio 4 en Turquie.
Le cas Philips a été laborieusement géré. La direction de l’entreprise avait envoyé une lettre à aux salariés de l’usine de Dreux pour leur prévenir de sa fermeture. C’est alors qu’Estrosi revient, prenant le parti des salariés et leur assurant la sauvegarde de leur emploi. Mais, le ministre de l’industrie s’est rapidement calmé, en reconnaissant qu’il ne pouvait rien « exiger de la direction de Philips ». Et de nouveau, il a tenté de relativiser sur le sort des salariés en expliquant aux Français que Philips avait « contribué à créer plus d’emplois à Dreux qu’il n’en avait supprimé ». Au passage, les syndicats de l’usine étaient furieux d’entendre des propos pareils.
Le dernier dossier en date : Total. Face aux grèves des salariés de la raffinerie des Flandres, Estrosi ne s’est pas gêné : « Je veux la réouverture de la raffinerie des Flandres si jamais il n’y a pas un vrai projet de substitution ». Après une convocation à Bercy, Christophe de Margerie, PDG de Total, s’est engagé à ne fermer aucune raffinerie du pays dans les cinq ans à venir… sauf celle des Flandres ! Mais, Estrosi, en bon élève, s’est de nouveau voulu rassurant en vantant les mérites de l’Etat à intervenir dans ce genre de dossiers : « Heureusement que le gouvernement est intervenu (dans le dossier Total) ».
Une politique de court terme, sans grand intérêt
Les résultats ne sont pas au rendez-vous. Pourtant, Estrosi se veut optimiste. Dans L’usine Nouvelle, le 24 février, Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT, décrivait son utilité ainsi : « Estrosi n’a que des mots, pas de ministère ». Malgré le « volontarisme » d’Estrosi, il ne parvient ni à « sauver » l’industrie française, ni à mettre les syndicats de son côté.
Il semblerait qu’Estrosi ait pour mission de soigner l’image de notre industrie et de rassurer l’opinion : les fermetures d’usines étant trop nombreuses, il doit minimiser les dégâts et médiatiser le peu de son action. Mais cette politique de court terme ne semble satisfaire ni les ouvriers ni les syndicats qui veulent changer profondément l’état actuel des choses. Le ministre de l’Industrie veut même que les grands groupes français se tiennent à son jeu : ainsi, la semaine dernière, Estrosi a joint Margerie pour qu’il soit plus « rassurant ». C’est en étant « rassurant » qu’Estrosi espère regagner la confiance des salariés, des syndicats, et des français. Mais jusqu’à présent les chiffres sont mauvais et, à force de relativiser, on ne s’occupe pas du vrai problème : les licenciements intempestifs.
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