Et la gauche perdit un allié objectif
La très lourde défaite de la gauche aussi bien aux élections présidentielles que législatives a de multiples raisons : la victoire idéologique de la droite, l’erreur de casting Ségolène Royal, le talent exceptionnel de Nicolas Sarkozy, l’instauration du quinquennat, l’inversion du calendrier... mais surtout le déclin colossal du Front national. En regardant bien les vingt dernières années, le FN fut un allié objectif de la gauche. Voyons cela de plus près :
Acte I : François Mitterrand instaure le scrutin proportionnel aux législatives de 1986
Nous sommes en 1986, Jean-Marie Le Pen et le Front national n’ont encore jamais brillé électoralement. Le président de la République de l’époque décide, de manière assez machiavélique, d’offrir une tribune politique au Front national en lui permettant d’entrer à l’Assemblée nationale, dans le but d’affaiblir la droite. Malheureusement pour lui, il échoue. Certes, le Front national obtient alors 35 députés. Mais cela ne suffira pas, et la droite sera majoritaire.
Acte II : Jean-Marie Le Pen obtient 14 % des suffrages aux présidentielles de 1988
Ce score très important constitue un événement important. Jean-Marie Le Pen est alors très controversé et isolé suite à ses dérapages bien connus. Il est décrété infréquentable. Il est hors de question pour la droite, présente au second tour avec Jacques Chirac d’appeler directement les électeurs du Frontnational à voter pour lui. François Mitterrand est réélu très nettement avec plus de 54 % des voix... (Faut-il rappeler que Mitterrand manifestait dans les rangs de ligues d’extrême droite dans sa jeunesse...).
Acte III : La gauche s’effondre complètement aux législatives de 1993
Suite notamment au scandale du sang contaminé qui ébranle l’ancien plus jeune Premier ministre Laurent Fabius, la gauche est laminée aux élections législatives. Elle n’obtient que 70 sièges, contre 472 à la droite... Le Parti socialiste pense alors qu’il ne s’en relèvera jamais. C’est sans compter sur l’aide du Front national...
Acte IV : Jacques Chirac remporte les élections présidentielles de 1995
Comme prévu, Lionel Jospin échoue face à Jacques Chirac, avec un score néanmoins honorable de 47,36 % des voix. Jean-Marie Le Pen confirme son ascension avec 15 % des voix, à la surprise générale. Alain Juppé est nommé Premier ministre.
Acte V : Chirac décide de dissoudre l’Assemblée nationale...
Chirac démontre ici tout son génie politique (...) en choisissant de dissoudre l’Assemblée nationale sur le précieux conseil du non moins génial Dominique de Villepin, secrétaire général de l’Élysée. Cette décision intervient à cause de l’échec total d’Alain Juppé, complètement désavoué par l’opinion publique. Mais contre toute attente, la gauche plurielle gagne les élections de justesse. Merci qui ? Le Front national, pardi ! La gauche remporte 320 sièges contre 256 à la droite : pourtant, au deuxième tour, la gauche rassemble 46,64 % des voix contre 46,03 % pour la droite. Que s’est-il donc passé ? En fait il y a eu 25 duels gauche/FN et 46 triangulaires gauche/droite/FN. La droite aurait dû gagner.
La montée du FN a offert à la gauche une position très confortable. D’un côté, elle adopte la posture esthétique de l’antifascisme et de la défense des valeurs républicaines en diabolisant le FN, de l’autre elle profite des performances électorales de ce dernier pour prendre le pouvoir. Quel comportement vertueux !
Acte VI : Le Pen se venge en éliminant la gauche du 2nd tour
En 2002, tandis que Le Pen a des difficultés à récolter ses parrainages, quelques mois avant l’élection, la gauche crie au scandale en disant que ce serait un déni de démocratie, et la droite fait profil bas. En coulisse cette dernière fait tout pour qu’il n’ait pas ses signatures et encourage la candidature de Bruno Mégret. La droite envisage en fait un second tour gauche/FN, tout comme la gauche. Mais voilà, les choses ne se passent jamais comme prévu. C’est la gauche qui est éliminée, et la droite qui se retrouve face à Le Pen. En somme, c’est l’arroseur arrosé, et c’est bien mérité. La gauche crie au scandale, proclame que la présence de Le Pen est antidémocratique, organise des manifestations de jeunes endoctrinés, et certains socialistes (Mélenchon, Emmanuelli) réclament même l’invalidation du scrutin et l’interdiction du Front national (cf. tribune du Monde), excusez du peu ! La gauche est décidément bien ingrate avec son compagnon électoral...
Ultime perfidie votée par la gauche (PS, PCF et aussi l’UDF) : l’inversion du calendrier électoral en mettant les législatives après les présidentielles. Lionel Jospin, modeste parmi les modestes, est persuadé de gagner les présidentielles face à Chirac. Il se dit que les législatives placées juste après lui donneront une majorité. Manque de chance, il perd et la droite empoche la mise aux législatives de 2002 (le FN ayant perdu du terrain). Mais quinquennat oblige, les prochaines législatives (2007) tomberont aussi après les présidentielles : la droite, portée par le talent de Nicolas Sarkozy rafle encore la mise. Le FN s’effondre. Et ça risque de continuer.
La gauche réclame maintenant la proportionnelle. Ce qui est dommage, c’est qu’elle avait tout le temps de la mettre en place entre 1997 et 2002. Si elle ne l’a pas fait, c’est qu’elle sait très bien que sa victoire en 1997 était due au scrutin majoritaire qu’elle stigmatise aujourd’hui. Et honnêtement, avec la proportionnelle, le PS n’aurait jamais de majorité. Ce pseudo-débat n’est qu’une nouvelle diversion de la gauche.
Acte final : le FN disparaît, et les succès du PS aussi
Résumons. Encouragement de la montée du FN, vote du quinquennat, inversion du calendrier : avec ces trois mesures franchement sournoises, la gauche, qui croyait garantir ses positions au pouvoir, s’est tirée une balle dans le pied... et accuse la droite de tout mettre en œuvre pour accaparer tous les pouvoirs. C’est l’hôpital qui se fout de la charité. Comme dirait Le Pen, on récolte toujours ce que l’on sème...
La droite a de beaux jours devant elle.
Désormais, le FN (4 %) ne volera plus au secours de la gauche...
Je dis cela avec d’autant plus de distance que je suis au MoDem.
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