Etat et patronat : les enjeux du pouvoir
Libre opinion ou un certain regard sur le paysage social qui se dessine.

Souvenez vous de l’affaire de l’UIMM qui a éclaté en 2007, la cagnotte , les fonds anti-grève et les sommes d’argent astronomiques détournées en liquide dans les valises de son patron Denis Gautier Sauvagnac (l’affaire est en cours d’instruction ...) "pour fluidifier les relations sociales bref cette affaire qui s’est étalée au grand jour alors que ces pratiques étaient connues de tous les ministères et Elysée en tête..( voir mes billets catégorie :politique honteuse clic ici)
Souvenez-vous des cris d’indignation de Laurence Parisot qui dans un premier temps a soutenu Denis Gautier Sauvagnac qui menait alors les négociations sur l’accord de modernisation du marché du travail qui a donné lieu à une loi du même nom (clic ici)
"Je n’ai pas décoléré. Tout est extrêmement choquant. Octroyer de tels avantages dans de telles circonstances, c’est méprisant et c’est méprisable, c’est une pantalonnade. Ce comportement est grossier, il signe une absence totale de respect et de sens de l’intérêt général. Il va à l’encontre de la transparence, de la modernité et de la mentalité des chefs d’entreprise qui, du coup, se sentent bafoués par certains de leurs représentants." avait-elle déclaré
- Questionnée au sujet de l’accord entre l’UIMM et Denis Gautier-Sauvagnac Laurence Parisot, 1er mars 2008 le JDD.fr, 2 mars 2008,

Avec cette affaire le Patronat Français traverse la quatrième grande crise depuis sa naissance en fin du XIX ème siècle ( création du comité des Forges 1840-1860.)
Ne perdons pas de vue que l’UIMM ( union des syndicats de la métallurgie) façonne le paysage social depuis des décennies.
Après la guerre c’est l’UIMM qui crée la CGPME condération des petites et moyennes entreprises, puis le CNPF qui devient en 1998 Le Medef ( je fais court volontairement)
L’UIMM est à l’origine de l’AGIRC ( retraite des cadres) et dans le domaine du droit du travail elle a elaboré avec les pouvoirs publics en place en 1950 le droit des conventions collectives.
Pour mettre sur la touche la CGT et le communisme elle est devenue un véritable laboratoire du social, elle tire les ficelles, depuis de nombreuses années ,du dialogue social dans tous les secteurs de l’économie.
L’UIMM a façonné donc notre paysage social d’après guerre : représentation syndicale, conventions collectives, paritarisme, sécurité sociale, caisses de retraite, assurance chômage ,1% logement etc ...
Ses ramifications sont multiples et son influence majeure
En 2007 l’UIMM représente aux environs de 20% des cotisations du Medef et participe à 12% de son budget.
Le CNPF puis le Medef et ses grands noms :
Gattaz en 1981
Périgot en 1986 dirigeant d’un grand groupe international Unilever
Gandois en 1994 président directeur général de Rhône-Poulenc puis de Pechiney
Seillière en 1997 dirigeant au sein du groupe familial Wendel, auquel il appartient. Il préside ainsi la CGIP,
"Le tueur" pour contrer les 35 heures de Martine Aubry

Tous venaient du monde de l’industrie ou de la métallurgie.
Pendant ce temps le paysage économique change, l’industrie perd de la vitesse et le poids des services grandit. les équilibres financiers au sein du Medef en sont modifiés.
En 2005, l’élection de Laurence Parisot qui a dirigé l’IFOP institut de sondage , élection qui faisait suite à une lutte sans pitié entre les prétendants à la succession de Seillière, signe la fin de la toute puissance de l’UIMM au sein du Medef.

Donner un nouvel élan au patronat, « l’entreprise au cœur de la société française » pour en faire « le moteur de l’ascension sociale »,réconcilier les français avec l’entreprise, l’éduquer à l’économie de marché voilà le grand projet du Medef et de sa présidente.
La liberté de pensée s’arrête là où commence le code du travail avait déclaré Laurence Parisot
Elle ne cesse de préciser qu’elle mettra tout en œuvre pour pousser les parlementaires à modifier le Code du travail, qui doit selon elle être modernisé. Elle veut également que les lois sur la fiscalité des entreprises soient revues.
C’est une mise à mort programmée du socle légal que constitue le code du travail , pour laisser la place au champ contractuel libéré du carcan de la législation sociale
C’est également l’annonce d’ un désengagement progressif du patronat( et des syndicats de salariés par la même occasion) au niveau du paritarisme au profit de l’état.

L’emploi est un thème majeur des élections présidentielles .
Nicolas Sarkozy avec la sécurité en a fait son cheval de bataille
Travailler plus pour gagner plus, remettre le travail au coeur de nos valeurs leitmotiv de la campagne de Nicolas Sarkozy
Pour atteindre le plein emploi encore faut-il que le patronat joue le jeu, ne délocalise pas ses activités, ne licencie pas pour améliorer les profits et non pas pour éviter les pertes, ne distribue pas à ses dirigeants des parachutes dorés alors que les comptes sont dans le rouge et que des licenciements ont été faits à la pelle, embauche la majeure partie des salariés sous contrat à durée déterminée ou à temps partiel plongeant ainsi un grand nombre de ceux-ci dans la précarité
Pendant sa campagne électorale Nicolas Sarkozy dénonce les patrons voyous qui se distribuent des avantages "pharaoniques" alors que les résultats ne sont pas au rendez vous et que les licenciements sont bien réels.( voir article clic ici)
Quant aux stock-options, il ne cesse d’affirmer que "ce qui est bon pour les uns doit être bon pour tous". "Je propose donc qu’aucun programme de stock-options ne puisse être réservé aux seuls dirigeants mais qu’il soit étendu à tous les salariés de l’entreprise",

Nicolas Sarkozy ne s’est jamais caché de sa volonté de reprendre le contrôle sur les domaines réservés au paritarisme.
Le paritarisme gère des milliards d’euros ce qui intéresse Nicolas Sarkozy qui veut mener des réformes d’envergure.
Il a d’ailleurs affirmé qu’il souhaitait " vouloir examiner sans tabou la question du financement des organisations syndicales et patronales pour engager la réforme de notre système des relations sociales"
Après le paquet fiscal il veut entamer les réformes de fonds annoncées pendant sa campagne : réforme des régimes spéciaux des retraites , création d’ un grand service de l’emploi en fusionnant ASSEDIC et ANPE , réforme de la formation professionnelle du 1% logement bref autant de réformes qui donnent de l’eczéma au patron de l’UIMM Denis Gautier Sauvagnac.
Et pour mener ces réformes il a besoin du soutien du patronat dont l’UIMM et Sauvagnac ne l’entendent pas de cette oreille
Certains ont parlé de "complot "et que l’affaire de l’UIMM serait sortie au bon moment du chapeau de l’Elysée pour lui laisser le champ libre en se débarassant d’un Denis Gautier Sauvagnac qui allait mettre tout le poids de sa fédération pour contrer les desseins du président.
Nicolas Sarkozy compte sur le soutient du patronat pour les réformes qu’il veut mettre en oeuvre et le patronat a besoin du président pour se libérer du carcan du code du travail afin de mettre en place la flexibilité nécessaire aux ajustements des effectifs des entreprises dans un contexte de concurrence internationale exacerbée.
Il est prêt à baisser encore les charges patronales, les impôts , à alléger les contraintes juridiques et administratives en matière d’emploi, toiletter le code du travail mais en revanche les entreprises doivent embaucher investir et augmenter les salaires.
Le patronat joue ses marges, le président sa crédibilité auprès de ses électeurs, et à terme sa place à l’Elysée.
Il veut aller vite mais le paritarisme est lent alors le président n’hésite pas à inciter fortement aux négociations, à donner des directives aux partenaires sociaux et à menacer de légiférer si les négociations n’ont pas abouti dans les temps.
Ce fut le cas des négociations sur la modernisation du marché du travail, de la nouvelle convention Unedic etc....
L’équilibre des pouvoirs entre l’état, le patronat et les syndicats se déplace au profit de l’état de plus en plus interventionniste
Nicolas Sarkozy intervient sur tous les fronts, impose ses vues, n’hésite pas à se mettre en première ligne et toutes les négociations qui se sont déroulées et qui se déroulent entre partenaires sociaux depuis son élection portent son empreinte sa griffe : que ce soit en matière de retraites, du logement ( voir la loi Boutin sur le 1% logement,) d’assurance chômage (voir convention UNEDIC), d’emploi (création du pôle emploi)
En contrepartie il allège les contraintes des employeurs , le code du travail pour laisser le champ libre au domaine du contractuel.

Oui mais il y a un grand mais
Le droit du travail s’est construit pour réequilibrer le poids des interlocuteurs dans une entreprise , car le lien de subordination entre employeurs et salariés entachent cet équilibre.
Le socle que constitue le code du travail est un plancher en dessous duquel un employeur ne peut pas aller c’est un garde fou
Que va t-il rester de ce socle ? j’ai bien peur qu’il ne reste qu’une coquille de plus en plus vide .....
Patronat et état main dans la main ? oui mais ce n’est pas un mariage d’amour
Ils sont pour le moment unis mais poursuivent des objectifs différents.
Les grands perdants ; les salariés, les chômeurs,les personnes vivant de minima sociaux , les retraités les accidentés de la vie.
La crise actuelle est une opportunité pour la mise en oeuvre des réformes, elle est mise en avant pour légitimer " le détricotage" du droit du travail.
Lorsqu’un grand nombre de français seront mis sur la touche devenant les victimes expiatoires du système la réaction de cette masse silencieuse et encore docile risque de balayer ceux qui en auront été les forgerons.
Les syndicats se réveilleront peut-être pour prendre en marche et récupérer un mouvement qui les submergera.
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