Vous êtes jeune et né après la mort du Général de Gaulle. Et pourtant, vous vous revendiquez du gaullisme. Comment donc êtes-vous devenu gaulliste ?
Mon éducation, mon expérience et les différents environnements dans lesquels j’ai pu évoluer m’ont fait comprendre l’intérêt et la nécessité de certaines valeurs sociales, libérales et patriotiques. Le gaullisme représentant pour moi une sorte de synthèse de ces valeurs tout en y apportant des améliorations à la lumière des événements historiques qui ont secoué le XXe siècle. Je me suis petit à petit naturellement intéressé à cette doctrine .
Entrer dans un parti politique ou soutenir une doctrine politique est un choix, mais je pense que ce choix vient progressivement, nous y sommes dirigés naturellement par notre éducation, notre expérience et notre envie de faire évoluer la société vers un idéal auquel nous croyons.
Ce n’est pas une attaque de ma part, mais certains l’affirment. Par méchanceté ou après réflexion, je ne sais pas. Tout dépend de la personne qui le dit, peut-être. En tout cas, il y a de fortes chances pour que les lecteurs d’AgoraVox aient entendu ce genre de propos, je vous pose donc la question : le gaullisme n’appartient-il pas à l’Histoire, au passé ? Le gaullisme n’est-il pas mort avec le Général de Gaulle ?
Cette question revient régulièrement. Je pense que cette interrogation vient du fait que le gaullisme, courant politique à part entière comme le marxisme, le socialisme ou le libéralisme, est une doctrine politique récente. Charles de Gaulle étant mort il y a quarante ans, sa forte personnalité en a fait oublier d’autres se réclamant de ce courant. De fait, les gens confondent souvent la personne du général avec la doctrine politique qui, elle, est intemporelle comme n’importe quel autre courant de pensée.
De Gaulle défendait certaines valeurs, certains principes comme celui de l’indépendance nationale, d’une vision sociale et fraternelle de la patrie ; même après sa mort, on peut encore se réclamer de ces valeurs et de ces principes, c’est cela être gaulliste.
Le socialisme date du XIXe siècle, pourtant des gens s’en réclament encore. Que l’on soit d’accord ou non avec ce courant de pensée politique, il semble à tous absurde de dire qu’il est mort avec ses théoriciens ou qu’il appartient au passé. Il en est de même pour la plupart des courants politiques définissant un idéal de société.
L’affirmation que le gaullisme est mort avec le général de Gaulle ne soutient donc pas l’exercice d’une réflexion politique élémentaire.
Qu’est-ce qu’être gaulliste aujourd’hui ?
Être gaulliste aujourd’hui, c’est penser que la France a un rôle à jouer sur la scène internationale en se faisant le porte-parole d’un modèle français, imprégné de valeurs républicaines, sociales, libérales et patriotiques.
L’économie libérale est nécessaire, mais ses excès doivent être empêchés par la défense d’une justice sociale, ce qui se traduit par la réalisation et la protection d’un service public puissant dans des domaines ciblés et indispensables aux Français ainsi que la présence d’un État pour réguler l’économie et le marché.
Être gaulliste aujourd’hui, c’est également défendre une Europe construite autour des nations et non contre les nations. Il est aberrant de constater qu’une grande partie des pouvoirs européens résident actuellement dans les mains d’organismes non élus et donc non représentatifs des peuples européens. Les organes actuelles de l’Europe pensent pour les différents peuples sans même prendre actes de leur volonté (les référendums en France, aux Pays-Bas et en Irlande en sont un exemple), n’est-ce pas une négation totale de la notion même de citoyenneté ?
Il y a des gaullistes dits de Gauche. J’en conclus qu’il y en a de Droite, bien que le gaullisme se soit toujours voulu social. Et vous ? Nicolas Dupont-Aignan a déclaré reconnaître venir de la Droite. Et vous ?
Le gaullisme constitue une synthèse des idées socialistes et libérales, gommant les excès de chacune de ces doctrines politiques en y apportant une certaine vision de la France et de son indépendance nationale. Comme dans tous les mouvements politiques, il y a des courants, on peut donc trouver des gens qui se sentent plus attachés à la défense des idées sociales et d’autres à la défense des idées libérales, mais quel que soit le courant, il va de soit qu’un gaulliste défend un socle de valeurs sociales, libérales et patriotiques, autrement, si vous ne vous attachez qu’à certaines notions, vous n’êtes pas gaulliste, mais socialiste, libéral ou conservateur.
Nicolas Dupont-Aignan a déclaré reconnaitre venir de la Droite et cela ne lui enlève en rien son "identité" gaulliste puisque son programme actuel défend cette synthèse que j’évoquais des idées socialistes, libérales et patriotiques.
Pour ma part, étant assez jeune, je n’ai pas d’expérience politique précédente au sein d’un autre parti, de plus je suis attaché à maintenir un équilibre entre ces différentes idées politiques qui font l’originalité et la force du gaullisme sur les autres doctrines.
Le Général de Gaulle a été considéré comme le sauveur de la France parce qu’il a permis de vaincre l’Occupant, ce nazi qui gazait des gens dans des camps. Aujourd’hui, les camps ont disparu, mais des gens sont expulsés dans des pays qu’ils avaient quittés pour échapper à la mort. La France, patrie des Droits de l’Homme qui, dans ses lois, par deux fois (1981 et 2007), a aboli la peine de mort, est un État qui renvoie des gens se faire tuer. Est-ce un échec dans la victoire sur le III° Reich ? Le rôle d’un gaulliste aujourd’hui n’est-il pas de rappeler que ce n’est pas parce que le nazi est allé très loin dans la barbarie que toute politique peut être menée tant qu’elle n’égale pas le degré d’horreur et d’injustice de ce dernier ?
Je pense que la situation actuelle et celle de 1940 n’ont rien de comparable. C’est un parallèle souvent utilisé et je le pense dangereux. C’est nier le caractère exceptionnellement barbare de l’idéologie nazie. Faire ce parallèle, c’est banaliser cette idéologie et nous savons tous les dangers que peut représenter la banalisation des extrémismes en politique.
La situation n’est pas comparable, en effet, le IIIe Reich renvoyait à une idéologie de la pire espèce, raciste, xénophobe et haineuse. Nos différents gouvernements qui se sont succédés n’ont jamais prôné une telle politique, le montant des aides internationales que la France a débloqués tout au long de la Ve République le prouve. Les gouvernements français successifs ont mené des politiques d’aide au développement des pays en difficultés et des politiques d’intégration des immigrés arrivés légalement sur le territoire, plus ou moins réussies certes, mais qui ont eu le mérite d’exister.
Si des personnes ont été expulsées de France, pour des raisons administratives et non racistes ou xénophobes, vers des pays dont les régimes menacent les libertés individuelles et les droits fondamentaux, c’est un tragique écueil d’une loi qui n’était pas parfaite, nous en portons tous la responsabilité puisque c’est le parlement qui nous représente qui l’a votée, c’est à l’ensemble des citoyens de se mobiliser politiquement pour faire modifier ces lois afin d’empêcher de telles situations de se reproduire.
Tout constitue les rouages du système républicain dont la survivance même est une victoire sur le nazisme. On peut critiquer les mesures prises par un gouvernement, mais il ne faut pas oublier que celui-ci exerce son action dans un cadre légal strictement défini par le citoyen lui-même.
Le Général de Gaulle était marié à une femme très catholique. Yvonne était très conservatrice. Et vous ? Votre gaullisme est-il débarrassé de toutes ces pensées qui sont qualifiées par certains d’arriérées ?
Je pense qu’une idéologie politique se doit de ne pas intervenir dans les choix d’un individu tant que ces choix n’affectent pas la communauté que forme le peuple français.
Cette liberté est nécessaire afin de ne pas étouffer l’individu. Étouffez l’individu et cela se retournera tôt ou tard contre le pouvoir. Le peuple demandera plus de liberté et empêchera celui-ci de mener à bien ses actions les plus importantes.
Mai 68 en est une illustration cinglante, la classe politique française, dans sa grande majorité a étouffé l’individu en maintenant des mœurs individuelles dépassées qui n’avaient rien à voir avec le fond de la pensée gaulliste, le gouvernement fragilisé n’a pu maintenir dans la continuité des actions plus importantes qui auraient été nécessaires à la France, alors qu’une évolution en douceur des cadres moraux de la société aurait permis de maintenir des repères essentiels et indispensables (comme le respect de l’autorité de l’État), que les événements de mai 68 ont fait disparaitre.
Quelles revendications de ce mouvement-là (Mai 68) reprenez-vous à votre compte ?
Mai 68 fut l’élément révélateur de nombreux mouvements qui ne sont pas nés avec les manifestations. Je pense que les revendications en faveur d’une égalité du statut entre les hommes et les femmes dans nos sociétés fut une avancée, ce mouvement était d’ailleurs bien antérieur à mai 68.
Je suis plus perplexe sur les autres revendications, dont les résultats n’ont pas été maitrisés et qui nous ont conduit à un individualisme à outrance, entrainant, de fait, un retrait de la morale dans les milieux économiques, une exclusion des couches les plus populaires de notre société et une crise de l’autorité de l’État. Nous sommes sans doute passés d’un État qui étouffait trop l’individu à un individualisme qui étouffe l’État, et donc l’intérêt général.
Vous vous réclamez du Général de Gaulle. Un homme qui a dû fuir son pays pour échapper à une condamnation à mort avant d’échapper à un attentat lorsqu’il était le chef de l’État. Faire de la politique, c’est dangereux. Vous y pensez souvent ? Vous avez eu le malheur de le vérifier par vous-même ?
La dangerosité n’est plus la même, heureusement. Elle n’est plus physique, mais elle reste morale. Il faut faire attention à ne pas dévoyer les idées politiques défendues par des ambitions et des intérêts personnels. Le gaullisme, c’est le service de la communauté nationale, pas le service de soi-même.
Aujourd’hui, je pense que le danger en politique vient plus du monde politique lui-même que d’une quelconque menace physique.
Vous êtes un militant de Debout la République et non de l’UMP. Ce dernier parti n’a rien de gaulliste ? Vraiment ? Quand ses adhérents se réclament du Général de Gaulle, ce sont des menteurs ? Quelle est votre différence avec l’UMP ?
Il y a des militants UMP qui sont sincères lorsqu’ils se réclament du gaullisme. Ils restent dans ce parti, bercés par l’illusion que seul un parti de cette taille sera à même de défendre leurs valeurs. Ils n’osent pas s’engager dans des partis plus jeunes et donc plus modestes dans leurs effectifs.
Ils sont trompés par des dirigeants se réclamant du gaullisme, mais dont les actions sont en totale contradiction. Le gaullisme des dirigeants de l’UMP n’est qu’un gaullisme de façade, théorique et commercial. Ces derniers expliquent qu’ils ne peuvent agir autrement, qu’ils ne peuvent conduire qu’une politique de libéralisme économique par résignation, mais que serait le gaullisme sans le volontarisme politique ? Le fatalisme n’est pas une valeur gaulliste.
Ils escamotent volontairement les valeurs sociales et patriotiques du gaullisme comme la défense des service public, du modèle social français ou l’indépendance nationale. Or, sans ces valeurs essentielles, le courant politique mis en application n’est plus du gaullisme, c’est du libéralisme économique pur et dur, sans garde-fou.
Debout la République défend l’ensemble des valeurs qui forme la doctrine gaulliste : une moralisation de la politique, une économie libérale raisonnée par une défense du modèle social français et des services publiques, la défense du rôle de la France sur la scène internationale... Surtout tous ces points, et ils se traduisent par de nombreuses différences, DLR se distingue de l’UMP.
L’exemple révélateur reste celui de la politique européenne des gouvernements UMP, comment prétendre défendre les valeurs gaullistes lorsque l’on sacrifie l’une des plus importantes, l’indépendance nationale, sur l’autel des différents textes et traités européens de ces dernières années ?
Pourquoi avez-vous choisi Debout la République ?
Comme expliqué à la question précédente, DLR est le seul parti politique actuel défendant l’ensemble des valeurs gaullistes et les inscrivant dans son programme. Le gaullisme de DLR est donc un gaullisme réel, d’action et non un gaullisme de discours maquillant une politique de libéralisme économique restreignant de plus en plus le rôle régulateur de l’État.
On peut retrouver des valeurs gaullistes dans d’autres partis comme le parti socialiste, les différents centres ou l’UMP, mais là encore, l’ensemble des valeurs gaullistes n’y est pas défendu, je pense notamment à la place de la France dans l’Europe.
Et vos proches, que pensent-ils du gaullisme ? Comment vivent-ils votre engagement ?
De nombreuses sensibilités peuvent se retrouver dans les valeurs gaullistes, mes engagements sont donc généralement bien vus de mes proches.
L’engagement politique étant l’un des fers de lance de l’idéal républicain, je pense que les proches des jeunes s’engageant en politique ne peuvent être que favorables à cela.
Propos recueillis par Richard Patrosso