Faillite Nationale
L’ économie Française est en panne. Malgré les efforts du gouvernement qui ont ralenti sa progression, le chômage continue de monter. Les déficits budgétaires baissent, mais moins vite qu’espéré et les objectifs du début de mandature ne seront pas atteint, ou alors avec retard. Le panier de la ménagère continue de se vider et l’option choisie par le gouvernement de favoriser l’offre plutôt que la demande interdit tout espoir de hausse notable des revenus des Français à court et moyen terme.
Si on y ajoute une incapacité chronique à éviter les couacs, les bisbilles, les tirs dans le dos de la majorité actuelle envers elle-même couplée à un parti d’opposition toujours vu comme divisé et incapable, il n’est pas étonnant de voir le FN caracoler en tête des sondages pour les prochaines Européennes.
Ce n’est pas la première fois cependant, depuis une cantonale partielle de 1983, que le FN se porte en tête de l’actualité. Mais sa progression constante depuis sept ans et son succès aux dernières municipales ou, à défaut d’avoir conquis la majorité des villes, le parti de la famille Le Pen a réussi à faire mieux qu’ en 1995 ( ou elle avait conquis quatre cités majeures avant que des tensions internes et une pluie de condamnations pénales sur ses nouveaux élus ne plongent le parti dans une traversée du désert qui ne s’achèvera qu’avec la trahison de Nicolas Sarkozy envers ses électeurs séduits puis abandonnés ), ont mis le parti frontiste en haut des manchettes des médias.
Le parti profite, on l’a vu rapidement, d’une triple conjoncture favorable : les difficultés du gouvernement socialiste actuel, l’état de ruine médiatique dans lequel se trouve toujours l’ UMP et une ambiance euro-sceptique qui baigne l’ Europe, Bruxelles étant vu, à tort et à raison, comme étant le responsable premier de la situation économique chaotique dans laquelle l’Union baigne depuis dix ans.
Sa dirigeant actuelle, Marion Le Pen ( Marine n’étant pas son véritable prénom, mais une préférence de sa part ), porte haut les couleurs de son parti et va sans aucun doute profiter de la conjoncture pour améliorer le score de son parti.
Pourtant, est-il bien raisonnable de porter son choix sur un parti désigné comme étant extrémiste, fascisant et raciste ?
Outre les considérations politiques, ce qui pose problème avant tout, c’est le nerf de la guerre. Le clan Le Pen a fait de l’économie son grand cheval de bataille actuel, avec une grande réussite : c’est l’économie et l’emploi qui sont les principales inquiétudes des Français, et les échecs ou les demi-réussites des gouvernements précédents n’ont fait que convaincre les électeurs hésitants ou déçus de regarder d’un oeil plus tolérant un programme décrié en grande majorité par les spécialistes.
Ces mêmes spécialistes ayant également échoué dans leurs tentatives de réparer leurs propres dégâts, leurs cris d’orfraie ne sont plus entendu. Il conviendrait cependant de leur prêter une oreille attentive, tant le programme économique du Front National semble plus constituer une tombe pour l’économie Française qu’un véritable renouveau.
La pierre angulaire du programme du FN, c’est le pouvoir d’achat, et le recouvrement de la liberté économique nationale, accessible uniquement par une sortie de l’Union et de l’ Euro.
Marion Le Pen clame à qui veut l’entendre que la sortie de l’ Euro sera bénéfique pour le pays et que cela sera indolore pour les Français. Ce qui est faux, nous allons le voir.
Une monnaie est l’expression d’une Nation. Elle est gagée sur la confiance, mais aussi sur les ressources du pays qui l’utilise. Quand Marion Le Pen affirme qu’un euro et un franc, c’est pareil, elle ment.
En 1999, les monnaies qui allaient se fondre dans l’ Euro ont intégré la monnaie unique en fonction du poids respectif de leurs pays d’origine : s’il ne fallait que deux marks pour avoir un euro, il fallait plus de six francs cinquante, près de deux mille lires. Tout était en fonction des performances économiques des pays à ce moment là.
En 1999, la France ne s’en sortait pas mal : son PIB montait de près de 3 %, l’inflation était à 0,4 %, sa dette publique était de 1,8 % ( à mettre en relation avec les 3 % exigés par les critères de Maastricht ) et sa dette extérieure un peu inférieure à 60 %.
Sa balance commerciale est excédentaire, mais le bénéfice est faible, à 19 milliards d’euros, signe d’une grande fragilité économique : le secteur industriel français est lentement détricoté depuis près de vingt ans par l’exil en Asie et en Afrique du Nord des industries qui fournissaient des emplois aux personnes les moins qualifiées, celle là mêmes qui se trouvent au chômage de nos jours.
Ce facteur, ainsi que d’autres, impose au Franc un taux de change médiocre avec l’ Euro : 6,55957 francs quand le Mark se contente d’un rapport de un pour deux.
Or que se passerait-il avec un retour au Franc ?
Le PIB, en 2013, a progressé de 0,3 %. Après une année 2012 stable au sortir de la crise de 2010 ou il avait reculé de 3 %.
L’inflation est à 0,9 %, ce qui reste sage.
En revanche, la dette publique est encore de presque 4 % et l’endettement du pays est désormais de 93 %.
Rien qu’avec ces indicateurs, on comprends que ce Nouveau Franc ne peut espérer une parité de 1 pour 1. Il ne peut même pas espérer retrouver sa parité d’origine : la balance commerciale du pays est déficitaire depuis dix ans, la situation de l’emploi industriel s’étant considérablement dégradée depuis 2002 : il ne représente plus que 15 % des emplois (contre 23 % en Allemagne par exemple).
Les économistes tablent ainsi sur un rapport de 9 pour 1 : 9 francs pour un euro, soit une dégradation de plus de 30 % de la valeur de la monnaie. Voici une indépendance qui coûte cher.
Les répercussions ne se font pas attendre : à moins de compter sur un miracle lourdesque, une sortie de l’ Euro ne va pas ramener immédiatement les emplois industriels dans le pays en l’espace de quelques jours. Les produits d’importation ( c’est à dire pratiquement toute l’énergie fossile, les deux tiers des biens de consommation courante, mais aussi la nourriture : engrais et machines outils sont en partie importés aussi ) doivent s’attendre à une hausse des prix de cet ordre par effet mécanique.
Il est toujours possible, pour le gouvernement, de jouer sur les taux de TVA pour en amortir l’impact pour le public, mais dès lors ce sera de l’argent en moins qui rentrera dans les caisses de l’ Etat : l’ Etat FN devra donc choisir entre réduire ses dépenses de façon drastique, encore plus sévère que maintenant ( en gelant les rémunérations des fonctionnaires, en en révoquant un grand nombre, ce qui augmentera le chômage ) et laisser filer les déficits publics et commerciaux, ce qui de façon automatique fera baisser encore plus la monnaie, et renchérira encore plus les prix des produits importés.
Il ne faut pas oublier non plus que même dans l’hypothèse, peu vraisemblable, d’un retour massif des capitaux et des emplois délocalisés dans un court laps de temps, le pays manquera toujours de matières premières : pétrole, gaz, charbon ne se trouvent pas ou plus dans notre sol et leur importation restera incontournable.
Le FN compte aussi, pour « compenser les coûts pour l’ Etat de sa dette résiduelle en Euro », instaurer une « taxation exceptionnelle des actifs extérieurs libellés en euro détenus par les banques » . Ceci pour amortir le choc financier qui pèserait sur les ménages.
On voit vite cependant la faille : si les banques se défont de ces actifs, cette taxe ne rapportera rien, et n’amortira donc rien du tout.
Le FN aura néanmoins une dernière carte à jouer : son programme prévoyant l’indépendance de la Banque de France, l’ Etat pourra toujours utiliser la planche à billet our inonder le marché de liquidité.
Mais cette « solution » n’est, vous l’avez compris si vous avez des notions élémentaires d’économies, qu’une illusion : la multiplication de la masse monétaire est toujours compensée par une forte inflation, et pénalisée par une perte de confiance des places internationales qui feront baisser là aussi le cours de la monnaie, renchérissant encore plus les prix de l’énergie.
Si le FN choisissait de cumuler ces options, le litre de sans plomb 98, à 1,50 euros en moyenne, passerait de façon automatique à 2 euros environ. Le FN pourra toujours essayer de jouer sur les taxes, cela se fera au détriment de ses possibilités d’action comme nous l’avons vu plus haut : en moyenne, la baisse de dix centimes par litre prive l’ Etat de près de 3 milliards d’ euros de revenus. Manque qui devra être compensé par des restrictions budgétaires ou de nouvelles taxes.
Si vous êtes patron d’une entreprise dont le résultat dépends du prix du carburant, je vous laisse faire vos comptes.
Comme on le voit, rien que l’étude d’une partie du programme économique du FN nous montre l’inanité de ses positions : la simple logique nous fait comprendre la fausseté des raisonnements portés et les risques encourus par l’économie du pays et l’emploi.
Un des autres aspects du programme économique concerne l’emploi. Il est intéressant de voir que sur ce plan là également, le FN marche quelque peu sur la tête.
Afin de sécuriser l’emploi industriel en France, le FN veut « la mise en place de protections intelligentes aux frontières face à la concurrence internationale déloyale », la Chine étant expressément visée.
A priori, l’établissement de barrières douanières semble une bonne idée. mais le FN oublie un peu vite que les barrières fonctionnent dans les deux sens !
Le poids économique le la Chine est sans équivalence avec celui de la France. Le déséquilibre entre nos économies n’est pas en notre faveur : - 25 milliards d’euros annuels. Si la France veut pratiquer la politique du bâton avec l’empire du Milieu, elle doit se souvenir que la Chine possède un bâton bien plus gros.
Le développement industriel de ce pays, qui quitte peu à peu le marché du bas de gamme et de la copie, impose une approche plus saine que celle de l’affrontement direct : les ventes françaises en Chine progressent d’années en années, la dernière avancée étant l’exportation de charcuterie française dans un pays qui raffole de la viande de porc.
Est-ce bien raisonnable de tuer un marché émergeant dans l’oeuf qui fait travailler des milliers de travailleurs français dans un secteur encore vierge de toute concurrence ? Sans parler du reste du marché agro-alimentaire, débouché bienvenu pour les agriculteurs français, celui de la santé ou de l’aéronautique.
Jamais le marché français et ses 66 millions de personnes ne saurait compenser la perte de plus de 300 millions de consommateurs potentiels. Avec toutes les conséquences sur l’emploi qui en découleraient.
Il faut dire que le FN, en matière d’emploi, possède une vision très pétainiste de la chose.
S’il est vrai que la France se doit de développer son tissu de PME et de PMI, elle ne doit pas négliger ses grands groupes non plus : eux seuls ont la force de frappe pour s’implanter à l’international et valoriser notre production. Ils sont les Panzers alors que le FN s’imagine conquérir des marchés avec des hussards.
Cela se voit sur le programme éducatif : suppression du collège unique, apprentissage possible dès 14 ans entre autre.
Recentrer l’école sur les « fondamentaux » ( français, calcul, histoire ), c’est négliger des pans entiers de l’éducation moderne et actuelle.
La vie d’un individu ne se compose pas uniquement de ces trois piliers. Sans éducation civique, écologique, sans l’étude des sciences, un enfant se voit priver de grands pans de ses capacités de développement intellectuel.
Toutes les études le montrent ; plus un enfant est éduqué, plus il est intelligent et plus il sait se débrouiller et se comporter dans la vie active. Ce n’est pas lui rendre service que de le priver de toutes ses chances : supprimer le collège, c’est vouloir orienter l’enfant vers des tâches manuelles et peu valorisée dès ses 10 ans !
Quand on sait que le milieu social et familial ont une grande influence sur l’avenir de l’enfant, lui supprimer dès le départ toute possibilité d’évoluer vers une strate sociale plus élevée, c’est établir à terme une société de caste.
Le collège unique, si décrié par les extrémistes, donne au contraire la chance au fils d’ouvrier d’évoluer jusqu’au bac et au delà.
Mais comment espérer faire du fils du balayeur municipal un futur polytechnicien si dès ses neuf ans on l’oriente vers un CAP boulangerie ?
On pourrait, si on avait l’esprit mal placé, penser que c’est à dessein que le FN prône un affaiblissement de l’éducation : plus un peuple est cultivé et intelligent, et plus il est critique envers ses dirigeants et enclin à se révolter si besoin est.
Mais ce sont sûrement de mauvaises pensées…
Le pays connaissant une période de crise, ses extrêmes ont le vent en poupe. Le FN réussit à mieux s’en sortir que le FDG par son ancienneté, le travail médiatique de leaders charismatiques et un travail de fond mené depuis plus de 30 ans sur une population qui a perdu ses repères et ses espoirs.
Le parti réussit de jolis coups médiatiques mais il n’a pas encore réussi à se montrer comme étant une alternative crédible : des quatre villes FN prises en 1995, seule Orange est toujours dirigée par son conquérant. Et encore, ce dernier ne veut plus rien à voir avec son ancien parti.
Les trois autres maires ont perdu toute crédibilité en échouant à gérer leurs ville correctement et surtout en étant à la fin rattrapés par leurs propres malversations qui les ont tous vus condamnés pour des faits de corruptions ou d’infractions diverses.
Pour un parti portant haut les couleurs des « mains propres », cela fait tache.
Marion Le Pen affirme que les leçons ont été tirées et que la nouvelle génération se montrera à la hauteur.
Avec la décision du maire de Luc-en-Provence de s’augmenter dès son arrivée de 15 %, et de celle de Cogolin qui en plus d’une telle augmentation se fait voter des « frais de représentation » de 1250 euros mensuels après avoir fait campagne pour « réduire les coûts de fonctionnement » et alors que sa commune est endettée à hauteur de 13 millions, on veut bien la croire : le FN est au niveau moral de l’ UMP au moins !
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