Fillon : de la vertu en politique
Lorsqu’on joue les pères la vertu il faut avoir une conduite irréprochable. Qui peut se prévaloir d’être ainsi ? La question n’est pas de savoir si on est, si on peut être irréprochable, la question est de savoir sur quoi peut porter le reproche.
Le reproche c’est le blâme que l’on formule à l’encontre de quelqu’un pour exprimer un jugement défavorable ou une forte désapprobation. Dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler « l’affaire Pénélope Fillon » l’objet du reproche se constitue autour de salaires qu’a perçu Madame Fillon suivant deux axes : l’un juridique, l’autre moral.
Je laisserai de côté l’axe juridique dont les médias, avides de donner du sang et des larmes mais c’est leur mission, sauront nous rendre compte. Ils nous diront si les chefs d’accusation formulés par le parquet financier sont fondés ou si, au contraire infondés, ils amèneront à un classement sans suite de l’affaire.
L’axe moral est plus intéressant à regarder car il se construit dans un contexte où le droit n’interdit pas l’action initiale de François Fillon : rémunérer son épouse en tant qu’assistant parlementaire. Là on s’aperçoit que l’axe morale est bifide : est-ce moral de mal faire ce qui est autorisé, est-ce forcément moral de faire ce qui est autorisé ?
Est-ce moral de mal faire ce qui est autorisé ? C’est là une tautologie car d’évidence si on ne fait pas les choses en conformité avec la règle ou la norme on sort du cadre du droit, du cadre de ce qui est autorisé ; ce n’est donc pas moral. Si rémunérer son épouse pour un poste d’attaché parlementaire est autorisé, le faire sans qu’elle fournisse un travail effectif est interdit donc ce n’est pas moral ? Je renverrai le lecteur vers une étude plus approfondie de la relation entre droit et morale : http://www.philolog.fr/droit-et-morale/ .
Dans le cas de « l’affaire Pénélope Fillon », je trouve plus pertinent d’interroger le deuxième volet : est-ce forcément moral de faire ce qui est autorisé par le droit. C’est bien à ce niveau que se porte le jugement du « peuple ». Ce qui choque le peuple, le « petit », l’humble, celui qui galère tous les jours pour gagner un maigre salaire, c’est que le quidam donne l’impression de n’avoir partagé le gâteau qu’avec sa famille. Pour autant est-ce amoral ?
La morale est un ensemble de règles de conduites et de valeurs fondamentale qui, dans une société, déterminent les comportements à adopter (ou au contraire à éviter) en fonction de ce que l’on considère comme désirable pour l'individu ou le groupe. La morale détermine ce qui est acceptable pour mettre en œuvre le bien public et, se faisant, elle cerne un espace de confrontation avec ce qui est désirable pour l’individu. Alors, ce que je désire, acceptable en droit, est-il moral si, sans s’opposer au bien public, il heurte les conceptions du peuple quant à ce qu’il attend de moi ? Là se pose l’essence de la politique et de l’action politique.
Depuis la Révolution nous attendons de politiciens qu’ils mettent tout en œuvre pour le Bien public, reléguant si nécessaire leur Bien propre. En somme nous souhaitons que les politiciens sachent se sacrifier, qu’ils soient vertueux. C’est sans doute ce que nous appelons « avoir le sens du devoir ». Mais, le devoir qui s’inscrit dans une pureté de l’intention à agir ne peut pas être autrement qu’imparfait en morale puisqu’il ne tient pas compte de la perfection interne du sujet (de l’acteur) et du donné extérieur juridique, il ne les rassemble pas. Machiavel : « A bien examiner les choses, on trouve que, comme il y a certaines qualités qui semblent être des vertus et qui feraient la ruine du prince, de même il en est d'autres qui paraissent des vices et dont peuvent résulter néanmoins sa conservation et son bien être (...) Que le prince songe donc uniquement à conserver son état et sa vie. S'il y réussit, tous les moyens qu'il aura pris seront jugés honorables et loués par tout le monde. Le vulgaire est toujours séduit par l'apparence et le vulgaire ne fait‑il pas le monde ? » Alors, le parlementaire n’a de cesse que de tenter de « conserver son état de vie », son pouvoir. Mais, pourquoi le fait-il dans une prise de risque insensée ? Car c’est insensé, au regard de ce que le quidam attend d’un politicien, d’embaucher son épouse comme attachée parlementaire ; inévitablement, et cette histoire le confirme, les loups passeront à l’attaque dès lors qu’on apparaître au sommet de l’affiche, qu’on empêchera quelqu’un d’y arriver ou que quelqu’un souhaite entraver notre route vers le succès. Les loups attaquent toujours quand l’adversaire est en état de faiblesse, qu’il devient une proie facile. John Locke expliquait qu’il y a une loi de nature claire et intelligible pour tous les hommes rationnels, mais que ceux-ci se laissent égarer par leurs propres intérêts. Et, écrivait-il, les hommes ignorent cette loi et ne souhaitent pas la reconnaître comme une loi parce qu’elle les contraint trop lorsqu’il s’agit de leur propre cause.
François Fillon comme la plupart des émus (locaux et nationaux) n’a pas su ou n’a pas voulu séparer la sphère personnelle de François Fillon de celle de l’élu toute faite de sacrifices et de vertu. Aujourd’hui, devenu une proie pour tellement de gens du microcosme politique il ne pouvait qu’être attaqué sur ce que chacun, dans le microcosme, connaît tellement chaque membre du microcosme l’applique. Le premier ennemi est sans doute la gauche au pouvoir dont le chef de file, François Hollande, c’était exercé aux coups tordus lors de son passage auprès de François Mitterrand : « ne fut-il pas, entre autres, le pourvoyeur de renseignements et la voix de Caton l’auteur « invisible » de ‘’La Reconquête’’ ce pamphlet contre la droite voulu par Mitterrand » (dans François Hollande : le rêve n’a pas été au rendez-vous, ed Dictus Publishing, https://www.amazon.fr/s/ref=nb_sb_noss?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&url=search-alias%3Daps&field-keywords=Frn%C3%A7ois+Hollande+le+reve+n'a+pas+%C3%A9t%C3%A9+au+rendez-vous&rh=i%3Aaps%2Ck%3AFrn%C3%A7ois+Hollande+le+reve+n'a+pas+%C3%A9t%C3%A9+au+rendez-vous ). Ce qui laisse penser que le coup est venu de la gauche c’est la promptitude avec laquelle le Parquet Financier s’est saisi de l’affaire et a ouvert une enquête préliminaire, et aussi l’apparente bêtise du commanditaire qui n’aurait même pas calculé que pour que François Fillon soit juridiquement empêché de se présenter à l’élection il faudrait qu’il soit mis en examen avant le 6 mai, ce qui est techniquement impossible. Mais, on peut donner un peu de crédit à cette gauche qui compte plus sur les ennemis de droite qui pourraient soit, c’est le plus simple, se détourner de François Fillon, soit, mais c’est plus compliqué, lui demander de ne plus être le candidat du LR. Mais, le coup a aussi pu venir des ennemis de droite car il ne manque pas de gens qui souhaitent régler des comptes avec François Fillon ; cependant, compte-tenu de la difficulté à lui substituer un autre candidat, on ne voit pas bien l’intérêt de la manœuvre.
Nonobstant les analyses, cette affaire montre une fois de plus que la vertu n’est pas une qualité première chez les politiciens. Elle montre aussi que les médias qui sont à l’affût de tout ruisselet de sang comme le sont les hyènes, s’acharneront sur leur proie jusqu’à nous laisser penser que François Fillon paye peut-être sa charge contre les journalistes lors d’un des débats de la primaire. Le peuple rassemblé dans le « Parlement des Invisibles » attend autre chose que du fumier pour engraisser sa réflexion. Mais, pour autant ne blâmons pas la presse de nous alerté ; demandons-lui simplement de tout dénoncer et avec équité de traitement. Nous informe‑t-on de la façon dont Manuel Valls se procure des revenus depuis qu’il n’est plus ministre et comment il finance sa campagne ? Pourquoi le Canard, et les autres, ont abandonné l’affaire de gestion de fait qui implique B. Cazeneuve, S. Royal et JY ? Le Drian ? Quand la presse a-t-elle rappelé que Le Drian, contrairement à la charte éthique qu’il a signée, cumule sa place de Ministre avec celle de président du conseil régional de Bretagne ? etc.
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