Fillon-le-papiste, gaulliste et chrétien ?
« Heure après heure, la campagne de François Fillon se transforme en chemin de croix. Et dans son sillage, c’est toute la droite qui vit un calvaire. » Cette phrase parue dans Le Monde est bien tout ce qu’on peut trouver d’évangélique chez le candidat de la droite.
Vérités alternatives
Cela ne faisait aucun doute : malgré les protestations vertueuses du candidat du Republican Party et ses menaces de poursuites judiciaires contre Le Canard enchaîné, il était certain que l’hebdomadaire s’était gardé quelques révélations supplémentaires sous le pied et qu’il en remettrait une couche la semaine suivante. C’est chose faite puisque, de 500 000 euros d’émoluments douteux, on est passé à 900 000 euros d’émoluments encore plus douteux, rien que pour la femme d’Ulysse. Déjà, quand M. Fillon avait pris les devants en annonçant qu’il avait rétribué ses enfants avocats du temps où il était sénateur de la Sarthe entre 2005 et 2007, je m’étais étonné de leurs qualifications professionnelles compte tenu de leur jeune âge. Or, il est avéré qu’ils n’étaient alors qu’étudiants et qu’ils ont été rétribués comme « assistants parlementaires » pour une somme de 83 735 euros sur vingt et un mois.
Les « imprécisions de langage » ensuite confessées par Fillon-le-papiste sont si nombreuses qu’elles s’apparentent fortement à des contrevérités ou, comme le dirait Donald le vilain canard US, à des « vérités alternatives ».1 Je n’ose croire que la pratique de ces arrangements réitérés avec la réalité soit prêchée lors de la messe dominicale à laquelle assiste Fillon-le-papiste.
Pourtant, combien nous avions été rassurés par les professions de foi de Fillon-le-papiste. Accusé avec une malveillance ignoble de vouloir envoyer à la casse 500 000 fonctionnaires (aujourd’hui, il dit « 8% », ce qui passe mieux) et de vouloir torpiller la Sécurité sociale, il avait déclaré sur la très vertueuse chaîne de télévision TF1, le 3 janvier : « Je suis gaulliste et de surcroît, je suis chrétien, cela veut dire que je ne prendrai jamais une décision qui sera contraire au respect de la dignité humaine, au respect de la personne, de la solidarité. »
Nous étions pleinement rassurés. De Gaulle, promoteur de la Sécurité sociale et de la fonction publique ; de Gaulle, grand catholique pratiquant, tel est l’ancêtre dont se réclame Fillon-le-papiste pour nous assurer de sa bonne… foi en dépit des périls qu’il fait peser sur la Cinquième République. Pourtant, dans l’Article Premier de sa Constitution, celle-ci énonce : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Sur l’aspect social, avec Fillon-le-papiste on a des doutes ; quant à l’aspect laïc, avec Fillon-le-papiste, on a encore plus de doutes, ainsi que l’a opportunément fait remarquer François Bayrou qui est bien plus chrétien et bien plus laïc que lui.
Deux labels contestables
Fillon-le-papiste est-il chrétien ? Je ne me permettrai pas de juger de l’état de son âme, en dépit d’un critère très simple défini par Jésus : « …un bon arbre porte de bons fruits, un mauvais arbre produit de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut pas porter de mauvais fruits, ni un mauvais arbre de bons fruits. Tout arbre qui ne donne pas de bons fruits est arraché et jeté au feu. Ainsi donc, c’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. » (Matthieu 7.17-20)
En revanche, Fillon-le-papiste n’est pas gaulliste : quand on a été pendant cinq ans le fidèle valet du sieur Sarkozy, qui ne brillait ni par ses scrupules de conscience, ni par son amour du peuple ; quand on se réclame d’un Général qui payait de sa poche tous ses frais personnels, sans même reconnaître que l’on a au moins exagérément profité de certains passe-droits, il faut comprendre que l’on ait quelque peine à être crédible.
Mais nous sommes dans l’ère des « vérités alternatives » promues par un faux blond yankee ayant récemment fait une prestation de serment sur deux bibles (une seule ne suffisant pas à nous faire avaler son subit élan vers le christianisme). Il faudrait rappeler à Fillon-le-papiste cette phrase de l’Évangile de Jean citée par Pascal : « …si la Loi nous a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ. » (Jean 1.17)
Un peu de loi pourra opportunément rappeler à Fillon-le-papiste la vérité du Christ dont il se réclame d’une manière qui déshonore les chrétiens. Certes, être chrétien n’est pas un label de perfection. Simul peccator et justus, disait Luther : « à la fois pécheur et juste », ou plutôt justifié par la grâce du Christ, parce que nul n’est à la hauteur. Donc, loin de moi de reprocher à Fillon-le-papiste d’être pécheur : je le suis aussi. Mais quand on cherche à se revêtir publiquement d’un label de vertu en se parant du titre de « chrétien », encore faudrait-il éviter de le déshonorer en s’enfonçant dans des « vérités alternatives » que même les proches n’arrivent plus à gober. Trop, c’est trop.
1- Voir l’édifiant article détaillé sur http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/01/30/la-defense-tout-en-imprecisions-de-francois-fillon_5071634_4355770.html
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