Financement de la Sécu : un peu de franchise SVP !
La méthode utilisée aujourd’hui par Nicolas Sarkozy et François Fillon, pour tenter de résorber le déficit de la Sécurité sociale, est la même que celle employée pour compenser les baisses d’impôts consenties aux plus fortunés, dans le cadre de la loi Tepa.
En vue de réduire le déficit annoncé de 11,7 milliards d’euros en 2007, de financer le plan Alzheimer (2 milliards), de rembourser les emprunts de la Sécu (1,2 milliard en 2008), il s’agit de faire appel en priorité à la fiscalité indirecte par le biais de forfaits divers, de la TVA ou autres impôts indirects.
C’est ainsi que trois nouvelles franchises médicales verront le jour à compter du 1er janvier 2008 (médicament, analyse médicale, transport sanitaire) à la charge exclusive des assurés sociaux.
Ce recul du niveau des remboursements constitue une remise en cause des principes de solidarité de la Sécurité sociale car ces mesures ont toutes la particularité de toucher de la même manière les personnes aisées comme les plus modestes...

Un énième plan d’économies pour la branche maladie
Au
cours de la dernière campagne électorale, Xavier Bertrand se félicitait
de la diminution du déficit de la branche maladie avec « seulement 3,9
milliards d’euros ». A peine la campagne terminée, le déficit devenait
aussitôt « abyssal » et Frédéric Van Roekeghem, le directeur de la Caisse
nationale d’assurance maladie (CNAM), dans une interview au Figaro
économique, en juillet dernier, ne prévoyait pas de retour à
l’équilibre avant 2010...
Le
conseil d’administration de CNAM a ainsi proposé seize « axes structurels »
qui doivent permettre de dégager 300 millions d’économies en 2008 parmi
lesquels une meilleure maîtrise de la consommation de médicaments, une
meilleure répartition des médecins, ou encore l’assurance de trouver un
médecin pratiquant des tarifs sans dépassement !
Les nouvelles franchises médicales devraient rapporter « environ
850 millions d’euros selon la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot
et les assurés sociaux devront payer 50 centimes d’ euros par boîte de
médicament, 50 centimes pour chaque acte paramédical, et 2 euros pour
chaque recours à un transport sanitaire...
Ces
trois franchises viendront s’ajouter au forfait d’un euro sur chaque
consultation ou acte médical à la charge des assurés sociaux depuis
2004 et aux autres forfaits comme le forfait de séjour hospitalier ou
la participation de 18 euros pour les actes médicaux dits "lourds".
Ce
sont toujours les mêmes remèdes et économies de bout de chandelle qui
sont proposés au fil des années : plus de médicaments non remboursés,
plus de franchises, plus de restriction budgétaire pour les hôpitaux,
des taux de remboursement moindre pour les médicaments encore à la
nomenclature...
Dans
le même temps, la CNAM surestime les économies pouvant être réalisées
avec les médicaments génériques, s’interroge peu sur l’opportunité et
la réalité de la cotation de certains actes médicaux facturés à la
Sécurité sociale par certains établissements privés et fait toujours
preuve d’autant de bienveillance au sujet des établissements facturant
des journées complètes d’hospitalisation alors que le malade est entré
ou sorti en cours de journée !
On
voit mal également, comment les médecins libéraux pourraient
effectivement participer à cet énième plan d’économies alors que le
tarif de la consultation des généralistes passera à 23 euros en 2008.
Quant
au plan hôpital 2007, il pousse à la privatisation de pans entiers de
l’hôpital public et à l’adoption des critères de gestion du privé,
comme le soulignent les syndicats de médecins et d’hospitaliers. La
« tarification à l’activité » favorise les établissements hospitaliers
privés à travers un financement public et pousse à une sélection accrue
des malades.
Quant
à l’industrie pharmaceutique, tant qu’elle pourra fixer librement ses
prix, notamment pour les médicaments qualifiés « d’innovants », elle
répercutera immédiatement sur ces derniers tout effort qui lui sera
demandé.
Mais
pour la presse et les médias « bien pensants », c’est d’abord le salarié
qui abuse d’arrêts de travail, l’assuré social qui retourne voir
plusieurs fois son médecin traitant ou le chômeur qui réclame ses
prestations familiales qui sont responsables du déficit de la Sécurité
sociale !
Rien
n’est dit, naturellement, sur le mode actuel de financement de la
Sécurité sociale, complètement inadapté, qui ne permettra pas de sortir
de la situation de déficit chronique dans laquelle se trouvent le
régime général, le régime agricole et les autres régimes spéciaux.
De nouvelles atteintes au pouvoir d’achat des retraites
Les pensions de vieillesse ne sont pas épargnées, elles aussi, par cette politique de restriction tous azimuts. Outre
Faite
en pleine période estivale, à l’été 1993, cette réforme, passa
complètement inaperçue, y compris des organisations syndicales et
produira pleinement ses effets à partir de 2008 :
Les
règles de calcul du salaire annuel moyen (SAM), qui était calculé sur
les 10 meilleures années de salaire, est calculé maintenant sur les 25
meilleures années. Le passage des 10 meilleures années aux 25
meilleures s’est déroulé progressivement sur les quinze années après
1993.
L’indexation
automatique des pensions, qui était basée sur l’indice d’augmentation
du salaire moyen, est basée maintenant sur l’indice des prix datant de
1946 et qui ne reflète pas la réalité de l’évolution des prix !
Des négociations vont bien s’ouvrir en 2008, mais elles ne concerneront que la réforme Fillon de 2003. Les propositions
qui seront faites par le gouvernement s’inscriront, à n’en pas douter,
dans la même logique que les réformes Balladur et Fillon : les salariés
devront travailler plus longtemps, et si ce n’est pas suffisant, les
cotisations sur salaires seront augmentées et le montant des pensions
diminué.
Le nombre d’annuités pour une retraite à taux plein pourrait donc dépasser 42 ans en 2020, voire plus puisque
Avec
la réforme des régimes complémentaires Arrco et Agirc, le conseil
d’orientation des retraites (COR) a prévu une baisse de 14 points du
taux de remplacement du salaire net par la retraite nette entre 2000 et
2030, soit une diminution de 78 % à 64 % !
Quand l’Etat entretient lui-même le déficit de la Sécurité sociale...
L’Etat
a toujours cherché à ponctionner le budget du régime général de la
Sécurité sociale pour financer d’autres projets n’ayant rien à voir
avec la protection sociale. On se souvient par exemple de ces 89
milliards de francs nécessaires en 2001 pour payer les aides aux 35
heures, qui ont été prélevés sur les taxes sur le tabac et les alcools
et sur des allégements de charges non compensés par l’Etat. Mme
Elisabeth Guigou nous expliquait alors à l’époque qu’il était tout à
fait normal que la Sécurité sociale contribue au financement des 35
heures au motif que le dispositif créait de l’emploi et améliorait donc
les comptes des régimes sociaux par une rentrée accrue des cotisations !
Aujourd’hui, l’Etat a accumulé, à l’égard de la Sécurité sociale une dette impressionnante. Dans une note de janvier
Cette nouvelle augmentation de la dette de l’Etat est liée principalement à :
- des exonérations de cotisations que l’Etat s’était engagé à prendre à sa charge : contrats d’apprentissage et de professionnalisation, exonérations dans les DOM, etc. ;
-
des prestations sociales versées pour le compte ou prises en charge par
l’Etat sans que les budgets votés suffisent à couvrir la dépense (AME,
API, etc.).
Chose
curieuse, typiquement française en matière de comptabilité publique,
cette dette n’apparaît ni dans le déficit budgétaire (les sommes
n’étant pas effectivement versées par l’Etat), ni dans le déficit de la
Sécurité sociale (qui, elle, intègre ces créances dans ses comptes).
Les coûts de trésorerie associés à la dette ont représenté, quant à
eux, plus de 160 millions d’euros en 2006 !
Auditionné
le 10 juillet dernier par la commission des Finances de l’Assemblée
nationale, le ministre du Budget et des Comptes publics a précisé son
intention "d’engager l’apurement de la dette de l’Etat dès cette année".
Ce
n’est pas la première fois que l’Etat promet « d’engager l’apurement de
la dette » à l’égard de la Sécurité sociale. Cette nouvelle promesse est
à prendre à nouveau avec prudence car autour du 5 octobre prochain,
échéance pour le versement des pensions de retraite, l’ACOSS risque
d’être virtuellement en défaut de paiement. Son plafond d’avances de
trésorerie, fixé par la loi à 28 milliards d’euros, devrait être
dépassé !
Si
la résorption du déficit du régime général suppose le paiement de la
dette de l’Etat, elle passe aussi par la mise en place d’un autre type
de financement de l’ensemble de la protection sociale.
Il
convient d’en finir avec ce qu’il est convenu d’appeler tantôt des
cotisations (maladie, vieillesse, allocations familiales, accidents du
travail, etc.), tantôt des contributions (CSG, CRDS, etc.), tantôt
déductibles de l’impôt sur le revenu, tantôt non déductibles !
Depuis
de nombreuses années, ce mécano, compliqué, demeure. Rien n’est fait
véritablement pour trouver une solution durable, mis à part la création
de commissions qui délivrent régulièrement des rapports comportant une
multitude de considérations générales et peu de solutions crédibles
pouvant être mises en œuvre immédiatement.
Pourtant,
un autre financement est possible aujourd’hui pour sortir de cette
situation de déficit chronique. Déjà adopté partiellement ou en
totalité par plusieurs pays, il consisterait dans le versement d’une
contribution financière en pourcentage, pour tous les assujettis sans
exception, qui serait basée sur l’ensemble des revenus fiscaux au lieu
et place des cotisations basées sur les seuls salaires.
Michel
Rocard avait bien en son temps créé la CSG avec une assiette de
cotisations un peu plus large que les salaires, mettant à contribution
l’ensemble des revenus des personnes physiques (revenus salariaux,
revenus de remplacement, revenus financiers). Mais la CSG repose encore
fortement sur les salaires et ne taxe donc pas les foyers fiscaux selon
leur faculté contributive, comme pourrait le faire une contribution
universelle basée sur la même assiette que celle de l’impôt progressif
sur les revenus.
Un
financement de ce type est à la fois plus juste et plus conséquent (1
point de cotisation sur l’ensemble des revenus rapportant beaucoup plus
qu’un point de cotisation sur les seuls salaires). Les salariés
seraient les premiers gagnants de ce nouveau système avec des salaires
nets en progression car non amputés des cotisations sociales.
Autre
avantage non négligeable, favorisant la transparence, tous les
Français, sans exception, seraient dans l’obligation de déclarer leurs
revenus à l’administration fiscale afin de verser cette contribution,
même en cas de non-imposition fiscale.
C’est
donc avant tout un choix fondamental à faire pour en finir avec le
déficit de la Sécurité sociale, encore faut-il en avoir la volonté
politique en décidant de faire appel dorénavant à la solidarité
nationale plutôt qu’à une nouvelle ponction sur les seuls salaires
et/ou à une baisse du montant des prestations.
C’est
également un choix de société car la solution à l’allemande consistant,
pour la banche vieillesse, à reculer l’âge légal de départ à la
retraite à 67 ans est en fait un recul social sans précédent dans
l’histoire contemporaine.
Une
vraie réforme suppose aussi d’en finir avec les argumentaires qui ne
sont que des opérations de communication dont la dernière est l’annonce
faite par Nicolas Sarkozy visant à affecter le produit des franchises à
la recherche sur certaines maladies, dont la maladie d’Alzheimer, alors
que ce ne sera même pas suffisant pour combler le déficit de la seule
branche maladie du régime général !
Faute
d’un financement plus juste de la protection sociale, c’est encore sur
les assurés sociaux, salariés ou retraités, que va peser l’essentiel du
fardeau de la solidarité...
22 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON