France : de la démocratie à la théocratie
Prémices pour une réflexion sur l’avenir du régime de gouvernement de la France. La gouvernance de l'ère macronienne interroge sur le devenir de la démocratie voire de la république en France. N'y a-t-il pas les signes avantcoureurs d'un régime à la "Napoléon III" ?
Pascal Ory écrivait en conclusion de « Nouvelle histoire des idées politiques[1] », en 1987 : « Ce panorama, à bien des égards convenu, demande cependant à être nuancé. Et d’abord par cette simple précaution d’usage qui recommande de se garder d’extrapoler des courbes et d’interpréter des tendances aussi courtes. À cet égard l’évolution politique récente des principales démocraties est suffisamment ambiguë, ou contradictoire, pour engager à la prudence. » Or il me semble que les politologues et plus encore les journalistes « experts » demeurent dans des analyses prospectives pour le moins incertaines qui ne reposent que sur des paradigmes déjà anciens ‑ or l’histoire ne peut pas être prospective – et sur des données trop récentes et insuffisamment répétées pour constituer un embryon de paradigme. Ainsi, au lieu de nous soumettre une tentative d’analyse prospective on nous assène de pseudo-vérités qu’on colore de « science ». Ainsi, continue-t-on, dans un ersatz de science, d’expliquer que « le nouveau monde politique » d’après mai 2017 serait un renouveau de la démocratie.
Certes la démocratie est à réinventer en permanence aussi rien de surprenant à ce qu’elle puisse prendre une forme ou, plus simplement, une image nouvelle. C’est dire que la démocratie n’est pas pérenne : c’est donc reconnaître qu’elle peut disparaître et être remplacée. C’est dans ce chemin possible, sinon probable, que se situent ces prémices. Il s’agit donc d’un texte court, imparfait qui traduit une réflexion en cours. Chacun excusera les inexactitudes, les hésitations, les hypothèses insuffisantes.
Il m’a semblé qu’à une période d’incertitude politique, longtemps après que les religions et les idéologies ont disparu en tant que modèle de l’organisation politique, il se pourrait bien que l’on revînt à une forme de gouvernement proche de ce que fut celle où le pouvoir du prince était de droit divin, avec une légitimité indiscutable quelle que soit l’adhésion que pouvait en avoir le peuple.
Reprenons quelques définitions. Parler de théocratie c’est vouloir dire que l’agir humain reçoit sa norme de Dieu, plus généralement du divin ; dans cette définition première et classique Dieu gouverne. Ainsi, l’homme peut se détourner de la politique. Si globalement les avancées de la Sciences ont écarté les Hommes de la croyance suivant laquelle tout phénomène naturel (la vie, la mort, les orages, le temps…) serait la conséquence de la volonté d’un ou de plusieurs dieux, on voit bien que cette idée du fonctionnement de la nature et, en conséquence, de l’agir humain sous la volonté divine demeure voire se développe comme chez les créationnistes. Mais, dont acte, Dieu ne gouverne plus aux destinées de l’humanité. Toutefois dans une acception plus moderne la théocratie désigne un régime politique fondé sur des principes religieux ou gouverné par de religieux ; il en existe encore comme la République Islamique d’Iran, le Dalaï‑Lama au Tibet). L’école de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, propose une définition moins restrictive de la théocratie qui est alors envisagée comme régime politique dont l’autorité est exercée par les leaders d’une religion ou par un souverain considéré comme le représentant de Dieu.
Chacun voit bien à travers ces définitions qu’en France il n’est pas question de principes religieux ni de représentant de Dieu dans le mode de gouvernement du pays. Toutefois, creusons les notions : qu’est-ce qu’un principe religieux, qu’est-ce que Dieu et qu’est-ce représenter Dieu ?
Dans notre monde moderne ce ne sont ni la vie ni la mort qui organisent la pensée sociale. Depuis l’avènement de la Science l’humanité maîtrise, ou croit maîtriser, la vie et la mort. Ce qui organise aujourd’hui la vie sociale c’est, autour de l’individu, la réponse à ses désirs au-delà de ses besoins. La vie sociale se construit donc autour du concept de croissance économique avec son corollaire : la consommation. Une nouvelle forme de religiosité, voire de religion, se construit dans les hypercentres commerciaux plus que dans des temples. Faut-il voir là un retour des « marchands du temple » ? Aussi, dans ce contexte, n’est-il pas étonnant que les nouvelles Évangiles s’écrivent avec des termes comme modernité, innovation, changement…
On comprendra alors que Dieu se nomme économie ou finance, où les deux à la fois. Alors qui peut être son représentant sinon un adepte du développement économique prêt à sacrifier père et mère pour satisfaire la finance.
Dieu et son représentant sur terre qui par définition promeuvent une Loi qui ne se discute pas, une Vérité absolue, ont besoin de prêtres qui organisent et éduquent suivant le principe de « la bonne parole ». Après que Dieu ait écrit devant son représentant les Tables de la Loi, à charge pour ses ministres d’organiser leur mise en œuvre. Dans un « vaste monde » il faut aussi instruire le peuple, c’est une charge dévolue à un essaim de prêcheurs qui vont, marchant par les chemins de France, dire aux gens ce qu’est la « pensée bonne », la « pensée efficace ». Il n’y a pas de place, le Chef de groupe R.F. l’a récemment martelé, pour quiconque penserait autrement dans les rangs des prêcheurs. Les VRP de Dieu ne sont que les porteurs de la parole divine, hors de question pour eux d’avoir une quelconque pensée personnelle ; on les appelle des Godillots (du nom de A. Godillot qui inventa, sous le Second Empire, les chaussures des soldats français). En somme leur mission c’est « marche ou crève ».
Toutefois, rappelons, à l’instar de la définition donnée à théocratie par l’École de politique appliquée de l’université de Sherbrooke, qu’une théocratie peut conduire à une restriction des droits pour les personnes qui ne sont pas de la religion de l’État.
[1] Ory P., Nouvelle histoire des idées politiques, Hachette (Pluriel), 1987.
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