François Bayrou : avec panache a fait le choix de ses valeurs démocrates chrétiennes qui ont prévalu sur les questions économiques et budgétaires
Hier au soir François Bayrou a accompli un acte politique majeur en annonçant qu'à titre personnel il voterait François Hollande. Un geste politique qui est tout sauf anodin.
On se souvient qu'en 2007, il avait dit seulement qu'il ne voterait pas pour Nicolas Sarkozy, plus tard il avait avoué avoir voté blanc. Mais hier, il a expliqué son choix, par un réquisitoire sans appel sur les outrances extrémistes de Nicolas Sarkozy, dans sa campagne entre les deux tours.
Il faut, je pense, pour comprendre pourquoi il appelait à voter contre Nicolas Sarkozy, relire sa déclaration. Un appel républicain, sincère et personnellement risqué qui expliquait combien Sarkozy avait rompu avec la conception européenne et républicaine que ce faisait François Bayrou de notre avenir collectif.
"Nicolas Sarkozy, après un bon score de premier tour, s'est livré à une course-poursuite à l'extrême droite dans laquelle nous ne retrouvons pas nos valeurs, dans laquelle ce que nous croyons de plus profond et de plus précieux est bousculé et et nié dans son principe. L'obsession de l'immigration dans un pays comme la France, au point de présenter dans son clip de campagne un panneau "Douane" écrit en Français et en Arabe, qui ne voit à quels affrontements, à quels affrontements entre Français, cela mènera ? L'obsession des "frontières" à rétablir, comme si elles avaient totalement disparu et que nous y avions perdu nôtre âme, qui ne voit que cela conduit à la négation du projet européen auquel le centre et la droite, autant que la gauche modérée, ont donné des décennies d'action et de conviction ? Et quand à l'idée que l'école, ce devait être l'apprentissage des frontières, qui ne voit que cette déviation même de l'idée d'école, qui est faite au contraire pour que s'effacent les frontières entre les esprits, entre les consciences, entre les époques ?"
François Bayrou ne pouvait renier ses convictions jusqu'à avaler des couleuvres du discours sur le repli , les frontières, les douanes et droitisation outrancière vers le Front National.
Le moment qu'il a choisi pour déclarer sa position à la toute fin de la campagne présidentielle, indique qu'i a mûrit le risque qu'il court. Par cette déclaration, il s'adresse à tous ceux du centre droit, héritiers de la démocratie chrétienne et d'un humanisme républicain, qui ont été choqué par la campagne très très à droite du candidat de l'UMP sous influence de son conseiller préféré, Patrick Buisson, ancien journaliste de "Minute" un journal d'extrême droite.
Il veut regrouper autour de lui tous ceux qui sont choqués par la dérive droitière de Nicolas Sarkozy et notamment ses attaques contre les immigrés et contre l'Europe. Il faut rappeler le livre de Bernard Stasi, une grande figure centriste, qu'il a publié en 1984 sous le titre "L'immigration une chance pour la France". Bernard Stasi a été le premier vice-président du centre démocrate sociaux (CDS), puis de Force démocrate avec François Bayrou, qu'il a soutenu pour la présidentielle de 2007.
Concernant l'immigration, on est bien loin du discours sarkosyste. Quand à la critique de Shengen et de l'Europe, elle ne peut que heurter les partisans de Bayrou qui sont les héritiers de Robert Schumann, l'un des pères fondateurs de,la construction européenne.
Mais François Bayrou n'entend pas renier son engagement politique : "Je ne suis pas et je ne deviendrai pas un homme de gauche. Je suis un homme du centre et j'entends le rester, et je suis certain que le jour venu il faudra aussi qu'une partie de la droite républicaine soit associée à ce qu'il faudra faire pour que la France s'en sorte", a-t-il dit dans sa déclaration.
Il a, je pense, pris acte qu'une recomposition de la droite allait s'avérer nécessaire, les courants au sein de l'UMP allaient se reformer, et que le centre avait une autre carte à jouer, que celle d'être la caution humaniste d'une droite républicaine en cours de dérive droitière.
Peut-être qu'il envisage une redéfinition plus large du paysage politique, et qu'il pense que Hollande aura besoin un de ces jours d'un centre capable de passer des alliances ponctuelles sur les sujets chers à François Bayrou que sont la dette et la réduction des dépenses publiques.
Comme actuellement toute la droite, François Bayrou joue le coup d'après. L'UMP qui avait réussi à fédérer sous sa bannière, le centre, la droite gaulliste, le centre droit et une droite plus radicale, va exploser suite à la dérive extrême-droitière prise pas son leader. Avec l'instauration d'une part de proportionnelle dès 2017, le Front National va s'installer dans la vie politique durablement. Alors le centre va pouvoir jouer à nouveau, comme sous le IVe République, une fonction de charnière qui lui permettra d'imposer son réalisme économique et sa dimension sociale aux autres formations.
C'est un coup de poker, il a pris de gros risques avec ce choix. Réussira-t-il son pari ? Nul ne le sait. Mais il n'a pas pris cette décision tout seul. Le journal "Le Monde" nous révèle que jeudi matin, il a réuni son comité stratégique de campagne, pour prendre une décision. Après un tour de table, il s'est avéré qu'une large majorité a choisi un vote en faveur de François Hollande. Pas un des trente membres n'a exprimé un choix en faveur de Nicolas Sarkozy. Il faut dire que les sénateurs Jean Arthuis et François Zocchetto qui avaient pris position antérieurement en faveur du candidat-président étaient absents. L'affaire était pliée.
François Bayrou est un homme courageux, qui a fait ce choix par conviction et de cela nul ne peut en douter. Mais sous cette prise de position morale, on peut déceler une obstination de constituer une force indépendante et centrale dans la vie politique Aujourd'hui il a décidé de forcer le destin.
Pour ma part, j'estime que François Bayrou, a pris de la hauteur et a réagit comme un grand républicain, il a senti que la nation était en danger avec Nicolas Sarkozy qui prône la division et ne cesse de monter les français les uns contre les autres, et qui se cache derrière le drapeau bleu blanc rouge, en invectivant les syndicalistes qui brandissent le drapeau rouge.
Il a oublié l'histoire de France, et pourquoi il y a du rouge dans ce drapeau qu'il distribue (pas gratuitement !) à tous ces sympathisants dans ses meetings.
Ces sympathisants qui agressent les journalistes de Médiapart et de BFMTV ainsi que d'autres. Les responsables de cette haine et de ce déchaînement de violence sont Nicolas Sarkozy et ses lieutenants, à cause de leurs discours haineux contre la presse dans leurs meetings.
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