François Fillon et les fonctionnaires
« Pour pouvoir engager tous nos projets, l’État doit, en parallèle, faire des efforts d’organisation et de gestion. Il faut être plus rigoureux sur nos finances publiques afin de pouvoir investir pour les Français. Je veux restaurer une administration efficace et respectée. J’assume de vouloir réduire de 8% environ le nombre d’emplois publics sur le quinquennat. La France était-elle sous-administrée en 2002 ? Évidemment non ! C’est le niveau d’emplois que je propose d’atteindre en 2022. » (Poitiers, le 9 février 2017).
Le psychodrame continue chez Les Républicains et la détermination ou obstination de François Fillon a rendu tout "plan B" impossible. Je reviens sur le fond des programmes en reprenant le second point qui a fait beaucoup discussion sur le projet présidentiel de François Fillon depuis sa victoire à la primaire LR. Le premier point concerne sa réforme de la sécurité sociale déjà abordée ici.
Le second point porte sur la réduction du nombre d’emplois publics. L’idée de François Fillon est assez simple : depuis une trentaine d’années, il y a eu une hausse vertigineuse des effectifs, due notamment à la décentralisation et aux transferts de compétences de l’État aux collectivités locales, et également aux doublons (socialement difficiles à supprimer au cas par cas) lorsqu’un service intercommunal est créé.
Il faut rappeler que l’objectif de réduire de 500 000 le nombre de postes est très ambitieux. En ne renouvelant qu’un départ à la retraite sur deux, Nicolas Sarkozy avait réduit de 150 000 postes la triple voilure de l’État (fonction publique, territoriale, hospitalière), ce qui a fait une économie de quelques milliards d’euros par an, ce qui reste assez faible en comparaison avec la dette publique (plus de 2 000 milliards d’euros).
Parallèlement, c’est ce qui a rendu la proposition assez impopulaire, c’est que dans tous les domaines régaliens, il y a une véritable demande de nouveaux postes : armée, police, justice, santé et même éducation.
Comment François Fillon compte-il atteindre son objectif ? Dans son meeting à Poitiers, le 9 février 2017, François Fillon l’a expliqué : « Pour cela, il faudra passer aux 39 heures dans la fonction publique pour que l’État et nos services publics restent forts. Nous devrons retrouver l’équilibre des finances publiques d’ici cinq ans ; l’effort sera réparti sur l’ensemble de la sphère publique. Et nous devons rendre aux agents publics leur fierté blessée par le discrédit de l’État bureaucratique. Ils servent la collectivité avec dignité, avec professionnalisme, et souvent avec abnégation. Ils ont droit à un projet réaliste et ambitieux pour les services publics qu’ils animent. Mais rien de tout cela ne sera vraiment efficace si nous ne redressons pas les piliers de la République. ».
L’argumentaire de campagne de François Fillon sur la réduction du nombre de fonctionnaires tient en sept points :
1. Aucun fonctionnaire ne perdra son emploi (ce qui est une évidence mais qu’il faut rappeler face à la désinformation et à la caricature ambiantes). La réduction des emplois se fait à partir des départs à la retraite (bien plus nombreux dans la décennie prochaine que précédente en raison du baby-boom).
2. Aucune suppression de poste n’interviendra dans la police, la justice et l’armée. Au contraire, dans ce domaine, 12 milliards d’euros supplémentaires seront consacrés pour augmenter les effectifs (ce que proposent beaucoup de candidats).
3. La qualité du service public sera maintenue par une augmentation du temps de travail (en particulier dans les hôpitaux où la mise en place des 35 heures a durablement désorganisé les équipes médicales).
4. Le nombre de 500 000 fonctionnaires (un demi million) peut paraître énorme. Pourtant, il faut le comparer aux 5,6 millions de fonctionnaires que compte la France au total. Cela fait une réduction de moins de 9% étalée sur cinq ans.
5. L’idée est aussi de comparer avec les autres pays. David Cameron a réduit de 5000 000 fonctionnaires au Royaume-Uni en moins de cinq ans, et pendant cette période, le chômage a baissé de 8,3% à 5,4% de la population active. Et le pays a retrouvé la croissance au contraire de la France.
6. La comparaison avec la plupart des pays voisins montre que la France compte beaucoup plus de fonctionnaires à population équivalente : 80 fonctionnaires pour 1 000 habitants en France au lieu de 50 ou 60 en moyenne chez nos voisins.
7. Les fonctionnaires trouveront leur intérêt dans cette politique puisque leur rémunération sera augmentée et leur évolution de carrière accélérée.
Réduire le nombre d’agents publics est une mesure qui va dans le sens d’un assainissement des finances publiques : la souveraineté nationale dépend aussi de notre niveau d’endettement. L’absence de déficit public renforce la maîtrise de la destinée de notre pays.
C’est pourquoi François Fillon n’est pas le seul à proposer une telle mesure, le tout étant une question de "réglage" du "curseur" : Alain Juppé, pendant la campagne de la primaire LR, avait proposé une réduction de 300 000 emplois publics. Aujourd’hui, Emmanuel Macron a repris la mesure, d’une manière un peu plus timorée puisqu’il souhaite réduire de 120 000 fonctionnaires.
Le candidat du PS tendance Henri Emmanuelli (autre ancien cadre de chez Rothschild), Benoît Hamon, reste vague sur ses intentions à propos de la fonction publique mais selon sa tendance dépensière (qu’il faudra bien payer un jour), il propose, au contraire d’une réduction des effectifs, de créer un "service public de la petite enfance".
Enfin, la candidate de l’extrême droite, Marine Le Pen, qui cherchait à séduire l’électorat de la fonction publique, est retombée dans sa tendance naturelle à vouer aux gémonies les fonctionnaires.
En particulier, lors de son meeting à Nantes le 26 février 2017, Marine Le Pen a carrément menacé, de manière très claire, les fonctionnaires qui ne la ménageraient pendant la campagne électorale : « Je veux dire ici publiquement aux fonctionnaires à qui un personnel politique aux abois demande d’utiliser les pouvoirs d’État pour surveiller les opposants ou organiser à leur égard des persécutions, des coups tordus ou des cabales d’État, de se garder de participer à de telles dérives. Dans quelques semaines, ce pouvoir politique qui n’a plus rien à perdre, ni de compte à rendre, aura été balayé par l’élection, mais ces fonctionnaires devront assumer eux le poids de ces méthodes illégales, car elles sont totalement illégales et mettent en jeu leur responsabilité personnelle. ».
François Fillon peut au moins être rassuré : il n’arrivera jamais à égaler Marine Le Pen dans l’outrance verbale et dans le populisme !
Notons pour terminer que François Hollande avait lancé une menace du même genre, un peu plus vague, à la même période de la campagne, lorsqu’il était candidat à l’élection présidentielle de 2012.
En effet, le 19 février 2012 sur BFM-TV, François Hollande avait expliqué à la journaliste Sylvie Pierre-Brossolette : « Aucun de ceux qui aujourd’hui exercent des responsabilités et qui sont loyaux n’ont à s’inquiéter, mais en revanche, ceux qui sont liés à ce système auront forcément à laisser la place à d’autres. ». Dans l’esprit du futur Président de la République le plus impopulaire de l’histoire de France, il y avait deux catégories de fonctionnaires, les "bons" fonctionnaires et les "mauvais" fonctionnaires. Les "bons" devaient être évidemment honorés, comme il l’avait indiqué le 10 janvier 2012 : « Je sais que certains d’entre vous sont aussi là parce qu’ils cherchent des postes. Ils ont raison, car des postes, il y en aura. ».
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (07 mars 2017)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
François Fillon et les fonctionnaires.
Sondage IFOP du 28 février 2017 sur les fonctionnaires et la présidentielle (à télécharger).
François Hollande et les fonctionnaires (1er mars 2012).
Discours de François Fillon le 6 mars 2017 aux entrepreneurs (texte intégral).
François Fillon l’obstiné.
Programme présidentiel complété de François Fillon (à télécharger).
Discours de François Fillon le 5 mars 2017 au Trocadéro (texte intégral).
Discours de François Fillon le 2 mars 2017 à Nîmes (texte intégral).
Le grand remplacement.
Liste des parrainages des candidats à l’élection présidentielle au 3 mars 2017.
Sondage Odoxa du 3 mars 2017 : Juppé devant Macron et Le Pen éliminée !
Campagne en état d’urgence.
Assassinat politique ?
Liste des collaborateurs parlementaires des députés français (à télécharger).
Conférence de presse de François Fillon le 1er mars 2017 (texte intégral).
Propositions pour une meilleure santé.
Discours de François Fillon sur la santé le 21 février 2017 à Paris (texte intégral).
Communiqué de François Fillon le 26 février 2017 inquiet des violences électorales (texte intégral).
Discours de François Fillon le 24 février 2017 à Maisons-Alfort (texte intégral).
Tribune de l’avocat Arno Klarsfeld le 20 février 2017 dans "L’Express" (texte intégral).
Discours de François Fillon le 15 février 2017 à Compiègne (texte intégral).
Discours de François Fillon le 12 février 2017 à Saint-Pierre de La Réunion (texte intégral).
Discours de François Fillon le 9 février 2017 à Potiers (texte intégral).
Comptes à débours.
Même pas mal ?
Lettre aux Français de François Fillon le 8 février 2017 (texte intégral).
François Fillon se met à nu : transparence des données financières (à télécharger).
Conférence de presse de François Fillon le 6 février 2017 (texte intégral).
Sondage Elabe du 1er février 2017 (à télécharger).
PenelopeGate : la valse des François.
Discours de François Fillon à la Villette le 29 janvier 2017 (texte intégral).
François Fillon combatif.
Et si… ?
L’élection présidentielle en début janvier 2017.
Boule puante.
François Fillon, gaulliste et chrétien.
Qu'est-ce que le fillonisme ?
Second tour de la primaire LR du 27 novembre 2016.
Quatrième débat de la primaire LR 2016 (24 novembre 2016).
Premier tour de la primaire LR du 20 novembre 2016.
Troisième débat de la primaire LR 2016 (17 novembre 2016).
Deuxième débat de la primaire LR 2016 (3 novembre 2016).
Premier débat de la primaire LR 2016 (13 octobre 2016).
Programme de François Fillon pour 2017 (à télécharger).
Discours de François Fillon à Sablé le 28 août 2016 (texte intégral).
Discours de François Fillon à Paris le 18 novembre 2016 (texte intégral).
François Fillon, pourquoi est-il (encore) candidat en 2016 ?
Débat avec Manuel Valls.
Force républicaine.
Discours du 30 mai 2015 à la Villette.
Philippe Séguin.
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