François Hollande à contre-temps
François Hollande mène une campagne « façon Jospin ». Il commet les mêmes sortes de fautes, dans un moment historique radicalement différent.
Analysons d'abord la situation actuelle. Nous vivons un changement de paradigme géostratégique, un de ces moments rares dans l'histoire de l'humanité, un de ces moments où le temps se contracte, où des semaines valent des décennies.
Ce moment est caractérisé par plusieurs idées structurantes :
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la prise de conscience générale d'un mur écologique, de la finitude de notre planète et de la nécessité de sauver notre écosystème qui est la condition de la survie de l'humanité ;
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le rejet d'un modèle économique qui, à l'instar du communisme du XXe siècle, ne tient pas les promesses qu'il avait annoncées et s'avère n'être qu'une religion économique de plus, qui de surcroît détruit notre écosystème, creuse les inégalités et s'appuie sur une oligarchie qui dévoie nos démocraties ;
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le rejet des puissances qui ont porté ce modèle économique (principalement les États-Unis, la Grande Bretagne, et l'Europe) et l'émergence de puissances alternatives telles que les BRICS, ou la CELAC.
Ce changement de paradigme dont les signes avant coureurs sont apparus à la fin des années 90 est entré dans sa phase de transition rapide. Les indices de la perte de puissance des États-Unis et de l'Europe s'accumulent, depuis le rejet du FMI et de la Banque mondiale par la Russie, les pays asiatiques et d'Amérique latine au début des années 2000 jusqu'au récent veto russo-chinois à l'ONU contre la proposition américano-européenne de résolution sur la Syrie en passant par la chute régulière du dollar en tant que monnaie d'échanges internationaux.
Le tableau étant brossé à grands traits, il apparaît alors que deux visions sont possibles : celle attachée aux structures du monde ancien en train de finir ou celle qui s'inscrit dans les structures du monde en train de naître.
Or, à l'évidence, François Hollande raisonne relativement aux normes du monde ancien.
Sur un plateau de télévision, il se prononce en faveur des banques, du FMI et de l'ordre libéral contre le peuple grec. Sait-il ce qu'ont endurés les peuples russe, asiatiques, argentin et latino-américains ? Sait-il que c'est la même mécanique qui est à l’œuvre aujourd'hui en Europe ? Sait-il que les jours du FMI et autre Banque mondiale sont comptés. La Banque du Sud créée par l'ALBA est la première alternative au système actuel. Sait-il que ce système qui structure sa vision du monde et de la politique est en train de mourir ?
A un média britannique il veut rassurer les pauvres banquiers de la City. Sait-il que la City est moribonde, à l'instar de sa cousine américaine, et qu'elle va s'effondrer dans les proches années à venir ?
Si l'on ajoute à ces deux fautes stratégiques, des fautes de communication telle que s'afficher avec BHL dans un restaurant parisien chic et y consommer une salade à 140 €, ou encore se faire représenter au meeting de la CGT et participer quelques jours plus tard au dîner du CRIJF, association communautaire, et y danser avec Sarkozy, on mesure à quel point François Hollande est est à contre-temps. Il ne perçoit pas se qui est en train de se passer dans le monde et en france.
Il doit probablement s’imaginer que le premier tour est gagné d'avance et il fait la campagne du deuxième tour, au centre droit, comme Lionel Jospin en 2002. Sauf que nous sommes dans le temps des transitions brutales de phase, le temps des tempêtes disent certains.
Pour l'instant, la peur de voir Sarkozy réélu est telle à gauche que François Hollande bénéficie encore d'un réflexe de vote utile parmi l'électorat de gauche. Mais jusqu'à quand ?
Il risque fort de se passer à l'échelle de l'électorat de gauche se qui se passe à l'échelle du monde : une transition de phase. Si François Hollande continue à dévoiler le fond de la politique qu'il compte mener s'il est élu en mai, c'est-à-dire une politique libérale de centre-droit, il va se produire un basculement rapide et brutal de l'électorat de gauche vers Jean-Luc Mélenchon. Peut-être même les soubassements de cette bascule sont-ils déjà en place à l'heure qu'il est. Nous risquons fort d'assister, dans les mois qui viennent à ce basculement, car les phénomènes complexes n'évoluent pas de façon linéaire.
Rira bien qui rira le dernier...
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