François Hollande ou la stratégie du boxeur
Ceux qui attendaient un président accablé par la conjoncture économique et les courbes croisées de popularité et de chômage en sont pour leurs frais. La meilleure défense étant l'attaque, François Hollande a tenté de briser son image d'éternel indécis pour s'affirmer en chef décidé. Avec un objectif déjà atteint. Faire passer le message qu'il y a un pilote dans l'avion.
Il plie mais ne rompt pas. Particulièrement décontracté, c'est un président serein qui a répondu aux questions de la presse ce 16 mai. Suffisamment à l'aise pour transformer le boulet de sa cote de popularité en faire-valoir d'un président courage.
La grande force de François Hollande c'est d'être un boulimique de travail. "Il ne sait que travailler" dévoile dans un entretien accordé au Monde Pierre Favier, ancien chef du service politique de l'Agence France Presse (AFP), coauteur du documentaire Le Pouvoir avec Patrick Rotman. C'est cette machinerie intellectuelle qui lui a permis de faire un sans faute dans les réponses apportées aux nombreuses et diverses questions posées par les journalistes lors de la conférence de presse organisée à l'Elysée.
Pierre Favier permet de comprendre le tournant du quinquennat qui s'opère sous nos yeux. "Entre le début du tournage, en mai 2012, et la fin, en janvier 2013, avez-vous vu François Hollande changer ?" l'interroge Thomas Wieder le journaliste du Monde.
La réponse est éclairante : " En mai-juin, il était encore tel que je l'ai connu quand il était premier secrétaire du Parti socialiste : souriant, aimable, détendu, à l'écoute, tutoyant ses collaborateurs. Au retour des vacances d'été, il est devenu très différent : plus ferme, plus autoritaire, plus distant. Quelque chose a changé chez lui pendant l'été, peut-être à cause des critiques déjà très dures dont il a commencé alors à être l'objet, ainsi que de la dégradation du climat économique et social. Tout a rejailli sur l'atmosphère à l'Elysée. On a vu alors un président plus sévère, parfois cassant, souvent agacé, voulant montrer qu'il est le patron. Un sujet peut le rendre particulièrement dur : ses discours, qui ne correspondent pas à ce qu'il a en tête, et qu'on lui rend trop tard, à son goût, pour qu'il puisse les retravailler. On a découvert alors un François Hollande très différent de celui qu'on dépeint d'habitude. Un homme beaucoup moins rond et conciliant qu'on ne l'imagine. Quelqu'un qui peut être assez froid, dur, exigeant, impatient".
Un patron qui aime mettre en concurrence ses collaborateurs mais aussi ses ministres pour mieux les jauger. Un vieux réflexe conservé du PS où l'art de diviser pour régner lui a assuré une décennie de pouvoir mais aussi tiré de son passé de conseiller à l’Élysée sous François Mitterrand. Une période riche pendant laquelle, comme le notent Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, "de l'antichambre, le jeune Hollande avait suivi les ballets de courtisans, les jeux de chausse-trappes, toutes ces personnalités qui prenaient la lumière et parlaient à la place de Mitterrand".
Le contraste entre ces lumières passées et la grisaille actuelle est frappante. Pauvreté en figures politiques, absence de flamboyance, casting un peu terne les équipes de François Hollande sont à l'image de leur patron, bosseuses mais sans cette étincelle qui accroche l'œil et marque les esprits. Un peu somme toute comme si la folie de la politique avait cédé le pas à la morosité, aux énarques en costumes sombres aussi sérieux qu'ennuyeux.
Le député- socialiste Pascal Cherki avait le 25 mars dernier traduit ce sentiment dans une charge aussi violente que caricaturale. "Quand on est président de la France, on n'est pas conseiller général d'un canton".
Pourtant, derrière ses rondeurs, François Hollande serait un faux mou mais un vrai dur. Un profile qui explique pourquoi ce président socialiste se coule si bien dans la trace de Nicolas Sarkozy après avoir fustigé l'omniprésidence. A trois différences majeures près. Tout d'abord le respect de la fonction de Premier ministre. Ensuite une incapacité à imposer le tempo médiatique tel que son prédécesseur l'avait fait dans sa première partie de mandat. Enfin, une maîtrise de soi hors du commun qui tranche avec l'extrême nervosité du précédent locataire.
Gérard Courtois, toujours pour Le Monde s'est interrogé un temps sur le fait de savoir si Hollande, ce n'était pas finalement "du Jospin à l'envers". Les quatre années brillantes de Lionel Jospin et de sa dream team gouvernementale de 1997 portés par le grand dessein de la mise en oeuvre de l'euro se sont soldées, contre toute attente, par un calamiteux 21 avril 2002. A l'inverse note Gérard Courtois, "L'actuel locataire de l'Elysée semble prêt à endurer quatre années calamiteuses, avec l'espoir de voir, en bout de course, sa politique et sa ténacité reconnues et récompensées".
Le pari est audacieux mais il explique cette capacité à se courber sans rompre, de serrer les dents, le temps que l'orage passe. La conférence de presse du 16 mai s'inscrit dans cette stratégie. Le message est clair. Le président a fait sienne la devise de la mairie de Paris : "Fluctuat nec mergitur". Le bateau est certes balloté par les flots, il tangue mais ne coulera pas. Il a surtout à sa tête un capitaine déterminé qui tel un boxeur est dans les cordes et encaisse. Mais ce n'est que dans l'attente de décrocher au moment opportun, dans une ouverture rapide, l'uppercut de la victoire.
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