Gauche-droite : un clivage sous perfusion
Le clivage gauche-droite est un clivage artificiel, et qui survit sous perfusion. Le véritable clivage est entre le camp de l’ouverture et celui de la protection.
Pour le second tour de la présidentielle, le score de François Bayrou a obligé les candidats de l’UMP et du PS à faire campagne sur le thème du rassemblement. Ceci, alors que pendant tout le premier tour, ils avaient péniblement essayé de créer une ambiance « gauche contre droite ». Ils l’ont tenté sur le thème du patriotisme, et dans une moindre mesure sur le thème de la sécurité et de l’immigration.
Très logiquement, le fait qu’ils éprouvent tous deux des difficultés à mettre en scène un tel affrontement bloc contre bloc montre que ce clivage ne correspond plus à la réalité politique du pays. Il n’est pas question ici d’en déduire qu’il n’existe plus de clivages politiques dans notre pays, puisque par définition toute société démocratique est traversée par de grands courants d’opinions qui divergent les uns des autres. En revanche, il serait intéressant de chercher quel nouveau clivage a remplacé le clivage droite-gauche.
Or, par un heureux hasard, nous avons justement vécu très récemment en France un affrontement politique bloc contre bloc, affrontement que les citoyens ont arbitré dans les urnes. C’était en mai 2005, lors du référendum sur la Constitution européenne, et ce combat opposait la France du Oui à la France du Non. Ces deux camps trouvaient chacun sa cohérence idéologique dans la réponse apportée au contexte de la mondialisation, thème central de la campagne. Nous trouvions, d’un côté, la France du Oui, qui acceptait de se projeter dans la compétition mondialisée, et de l’autre, la France du Non, qui le refusait. Plus largement, l’on a vu alors s’opposer un camp qui donnait la priorité à l’ouverture, que ce soit celle des frontières ou celle des marchés, et un camp qui donnait la priorité à la protection, que ce soit celle des travailleurs ou celle de l’identité nationale. Ce clivage ouverture-protection, à l’inverse du clivage gauche-droite, correspondait à un réel affrontement bloc contre bloc.
Il est d’ailleurs instructif de constater que parmi les principaux courants politiques français actuels, les seuls à ne pas connaître de lourdes tensions internes sont ceux qui ont fait un choix clair entre le camp de l’ouverture et celui de la protection. Dans le camp de l’ouverture, l’UDF ne connaît pas de tensions internes, et d’être seul sur ce positionnement très clair a ouvert un boulevard à son candidat. Dans le camp de la protection, le FN et l’extrême gauche ne connaissent pas non plus de tensions internes, ayant clairement choisi leur réponse à la mondialisation. En revanche, l’UMP et le PS, pour n’avoir toujours pas apporté de réponse nette, sont de facto traversés de tensions internes : le PS est toujours déchiré entre sociaux-démocrates et socialistes, tandis que l’UMP ne trouve de cohérence interne entre ses clans que dans le suivisme autour de l’homme providentiel (grande tradition de la droite pour surmonter ses dissensions internes).
Parce qu’en son sein le choix entre ouverture et protection a déjà été fait, la défaite du candidat de l’UDF ne provoquera pas l’éclatement d’une crise interne post-électorale dans ce parti. Même chose pour le FN, qui ne connaîtra qu’une crise de succession due à l’âge du capitaine et au faible score obtenu par ce dernier. En revanche, faute de choix net entre ouverture et protection à l’UMP, une défaite de son candidat déclencherait une crise interne post-électorale dans ce parti. Même chose pour le PS.
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