Gaullistes demi-soldes
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La décision de N.Sarkozy du retour de la France dans dans le commandement intégré de l’OTAN a soulevé une vaste polémique et a permis de remettre au centre du débat le Général De Gaulle et l’héritage qu’il a laissé à notre pays. Tous les opposants d’hier en appellent désormais à ses mânes afin de combattre cette décision en se découvrant gaullistes alors qu’ils ont toujours combattu le gaullisme.
En effet, en 1966, les socialistes et les centristes avaient déposé une motion de censure, votée par F. Mitterrand et J. Lecanuet, contre le départ de la France de la structure militaire intégrée de l’Otan, décidée par le Général de Gaulle. Hier, pour Mitterrand : « la sortie de l’OTAN trahit une volonté d’isolement fondée sur l’idée que le nationalisme est la vérité de notre temps » ; aujourd’hui, pour M. Aubry « rien aujourd’hui ne justifie de rentrer dans le commandement militaire de l’Otan. Il n’y a pas d’urgence ni de raison fondamentale, si ce n’est un atlantisme qui devient une idéologie ». Pour les socialistes, l’opposition s’oppose, semble être le sommet de la réflexion stratégique et je me dis que plus rien n’est possible pour eux, qu’ils passeront toujours à côté de « l’intérêt supérieur de la France » pour ne faire que de la politique politicienne. Des conseils municipaux et généraux, c’est tout ce qu’ils méritent de diriger...
Hier pour Lecanuet, l’Europe sous protectorat américain était le seul horizon possible pour la France ; aujourd’hui F. Bayrou qualifie le projet de « défaite pour la France et l’Europe…qui porte atteinte au patrimoine historique et diplomatique de la France » tout en continuant à ne jurer que par l’Europe, l’Europe, l’Europe et la Commission Européenne, sous domination anglo-saxonne depuis quelques années déjà et encore plus depuis l’entrée des pays de l’Est en 2004. Gaulliste à contretemps, en retard de 40 ans…qui déplore en plus les conséquences de ce que sa famille politique a toujours défendu : un alignement de la France sur le reste de l’Europe (presque tous les autres pays européens étant membres de l’Otan et heureux de l’être). A moins que lui aussi ne concoure au titre de meilleur opposant. Le pire étant que malgré ces virulentes critiques, il dit qu’il ne remettrait toutefois pas en cause cette décision s’il arrivait au pouvoir. Comme quoi, le gaullisme n’est pas très profond chez les centristes...
Quant à la droite dite gaulliste, il apparait de plus en plus évident que son gaullisme ne sert que de paravent à son conservatisme et son renoncement à penser un grand destin pour la France. L’ancien premier ministre D.de Villepin a estimé « que ce retour constituerait une faute, une erreur en termes d’image et de stratégie ». Quelle image perdrions-nous ? Celle d’un pays capable d’incarner la 3ème voie ? Cette politique a échoué et les circonstances ont changé. Celle d’un pays ami du Moyen-Orient, du Tiers-Monde, de quelques dictateurs en mal de reconnaissance ? Cette politique aussi a échoué. Le gaullisme de D.de Villepin se résume à ne rien faire, ne rien changer, comme lorsqu’il était premier ministre, dans un souci de ne pas modifier les équilibres de ce vieux pays sur son vieux continent. Vous avouerez que le Général avait un projet un peu plus audacieux pour la France que le conservatisme avancé...
Alors beaucoup comme A. Juppé ou H. Védrine nous disent que « le seul intérêt est un intérêt symbolique ». Mais dimanche matin sur Europe 1, H.Morin, s’est très justement étonné de l’opposition manifestée par F. Bayrou, A. Juppé et D. de Villepin. Il a rappelé les responsabilités exercées par les trois hommes entre 1995 et 1997, lorsque J. Chirac avait tenté un rapprochement avec l’OTAN. « A l’époque, nous avions négocié notre éventuel retour dans les structures intégrées de l’OTAN pour un poste à Naples. Qui était Premier ministre ? Alain Juppé. Qui était secrétaire général de l’Elysée ? Dominique de Villepin. François Bayrou était ministre de l’Education nationale ». On pourrait aussi rappeler les responsabilités d’H.Védrine, secrétaire général de l’Elysée, quand Mitterrand s’essayait à un retour complet dans la structure au début des années 90. Tous ces rappels sonnent comme des casseroles aux oreilles des donneurs de leçons.
Tous ces gaullistes demi-soldes passent à coté de l’essentiel de l’œuvre du Général : la doctrine des circonstances et sa capacité à prendre des décisions fortes pour s’adapter aux nouvelles réalités de l’époque. Toute sa réflexion était basée sur un double socle : des valeurs, des principes forts qui guident la réflexion stratégique et des analyses fines et réalistes des circonstances. Ceux qui se revendiquent gaullistes aujourd’hui ne retiennent que les actes du Général De Gaulle et oublient sa réflexion, ses principes, ses analyses, ses valeurs. La palme étant à décerner aux gaullistes historiques qui ont abandonné depuis 30 ans la politique étrangère et plus particulièrement européenne aux adversaires de toujours, l’UDF, et font mine aujourd’hui de vouloir défendre un gaullisme intransigeant.
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