Le très controversé président du conseil régional du Languedoc-Roussillon a une nouvelle fois dit tout haut ce que certains pensent tout bas. On se souvient de ses propos fort douteux sur l’équipe de France et sa supposée proportion trop grande de joueurs noirs, propos qui lui avaient valu une exclusion du PS. Frêche revient cette fois-ci sur le devant de la scène dans un article publié dans le Midi Libre, le 8 mai 2007. Pour lui, les choses sont claires, le PS doit s’associer avec le Mouvement démocrate de Bayrou pour contrer la politique de Sarkozy.
Désormais apparenté divers gauche puisque exclu du PS en 2006, Georges Frêche se sent forcément plus libre dans ses déclarations. Bien que toujours leader de la gauche locale et soutenu par les élus PS du Languedoc-Roussillon, l’ex-maire de Montpellier n’hésite pas à critiquer le PS et certains de ses dirigeants tout en faisant l’analyse de cette défaite présidentielle. Pour lui, il ne fait aucun doute, ce n’est pas Ségolène Royal la fautive mais bel et bien son entourage, ces fameux éléphants plus enclins à se disputer le leadership interne qu’à soutenir une candidate qu’ils ne désiraient finalement pas. Les mots les plus durs sont en l’encontre du premier secrétaire, François Hollande, sur lequel il dit : "Il faut qu’il s’en aille le plus vite possible. Ce n’est pas l’homme de la situation.". Frêche n’épargne pas non plus Dominique Strauss-Khan qu’il condamne par son surplus d’agressivité, de même que le trio Mélanchon-Emmanuelli-Fabius en jugeant ce dernier "complètement largué".
Georges Frêche exclut ainsi tout repositionnement à gauche du PS, indiquant que tout ceci serait obsolète tant l’extrême gauche est stérilisée, tant les verts ne sont plus au niveau et tant le PC fait désormais parti du passé. Non, pour lui la gauche de la gauche n’a absolument plus aucun avenir, le PS doit donc opérer au plus vite un recentrage stratégique quitte donc à s’allier avec François Bayrou et son parti.
Plus précisément, Frêche espère une alliance dans l’autre sens, où Bayrou rejoindrait le PS avec son parti afin de former une sorte de pendant au parti démocrate américain. Il va en effet plus loin en affirmant qu’il est trop tard pour la social-démocratie, prenant ainsi ses distances avec DSK, mais qu’il est désormais temps de se calquer sur le système américain tant pour lui un tel bipartisme semble aujourd’hui inéluctable. Selon lui, Bayrou doit choisir. Soit "franchir le Rubicon" et permettre un recentrage de la gauche, soit s’allier avec la majorité d’ici deux semaines ; aucun avenir ne semblant possible au centre avec son nouveau parti déjà amputé de l’UDF.
Georges Frêche précise ses pensées en affirmant avoir déjà construit sa liste pour les régionales de 2010, avec 80% de gens de gauche (PS-PC-Verts-divers) et 20% de centristes qui seraient déjà prêts à une alliance MD-PS. Frêche espère ainsi faire de cet exemple une banalité nationale d’ici 2010 ou 2012, seul moyen pour lui d’empêcher "25 ans de Sarkozy et des siens", seule façon de sauver une "gauche" qui n’aurait donc de gauche plus que le nom.
Frêche précise cependant dans ses propos qu’il ne souhaite pas réintégrer le PS dans l’état actuel des choses. Il semble accepter sa pénitence et attend simplement que les choses bougent pour considérer une éventuelle demande de retour. En attendant, il espère un PS dirigé et guidé par Ségolène Royal lors de ces prochaines législatives, éventuellement secondée par un DSK plus humble et moins enclin aux règlements de compte. Il semble ainsi exclure toute possibilité de retour des Fabius ou autres Hollande, espérant même qu’ils disparaissent de la direction du PS...
De cette interview nous pouvons penser une chose : Georges Frêche est persuadé que la gauche historique n’a plus d’avenir en France. Un bipartisme "droite décomplexée" vs. "centre droit-gauche modérée" semble être sur le point de s’installer sur un modèle américain que pourtant beaucoup de ses compères socialistes rejètent en bloc. Un tel effet d’annonce, pour l’instant assez isolé mais déjà quelque peu répercuté par certaines phrases entendues le soir du 6 mai, pourrait bel et bien mener le PS vers une scission. Reste à savoir désormais ce que fera François Bayrou. Il est fort probable que le leader du nouveau MD décide de rester indépendant, histoire de voir ce qui va se passer les cinq prochaines années. Mais qui dit qu’un jour une telle alliance ne se fera pas ? Probablement pas avant 2012, mais...