En déplorant la nomination possible de Malek Boutih à la présidence de la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité), le président du groupe UMP au Sénat, Gérard Longuet, a précisé que, pour lui, il vaudrait mieux à ce poste quelqu’un de représentatif du "corps traditionnel français", par exemple un bourgeois de vieille tradition protestante comme l’actuel président de la Halde, Louis Schweitzer, qui se frotterait aux problèmes posés par les discriminations, et non quelqu’un qui, comme M. Boutih, serait déjà accoutumé à de tels affronts.
En posant le problème des discriminations et, de fait, de l’identité nationale, telle que recherchée actuellement par le Gouvernement sous la forme d’un débat national en France, sous l’égide du ministre de l’Identité nationale et de l’Immigration, Eric Besson, Gérard Longuet ne nous ramènerait-il pas à 732, quand Charles Martel, maire du palais d’Austrasie, arrêta des troupes arabes musulmanes, dit-on, devant Poitiers ?
Quoi qu’il en soit, M. Longuet ne fait pas les choses à moitié, et, pour ne pas faire dans la dentelle, certains lui emboîtent le pas, comme l’ancien Premier ministre et aujourd’hui sénateur M. Jean-Pierre Raffarin, qui vole à son secours en affirmant que Gérard Longuet pose une question utile (parmi deux, l’autre étant de savoir si l’ouverture à gauche est une bonne chose), celle de savoir "si une personne discriminée est la mieux placée pour réduire les discriminations".
Il faut donc poser le problème clairement : un(e) Français(e), quelle que soit son origine, est-il(elle) égal(e) à un(e) autre pour accéder à un poste qui a justement pour visées de... favoriser l’égalité, et réduire les discriminations voire si possible les annihiler ?
La Constitution même nous affirme que oui : nous sommes tous égaux. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, un de ses préambules, suffit à s’en assurer, tout au moins en droit.
Donc il s’agit ensuite d’une appréciation, que la Constitution respecte aussi en tant que croyance, et qui peut faire pencher la balance plutôt en faveur de tel ou telle.
Mais, en la matière, et de fait, M. Longuet n’est-il pas fidèle à son propre patronyme (pourtant, on avait dit pas les affaires, gag !) ? N’est-il pas un peu long à la détente, un peu "longuet"... ? Car cela fait belle lurette que des immigrés de tout poil et de tout acabit ont contribué à forger la France, et M. Schweitzer lui-même doit bien avoir quelque ascendance germanique, par exemple, pourtant ? Allons, on voit bien qu’en tirant sur la grosse ficelle des origines supposées ou réelles des uns ou des autres, on exacerbe ce qui est contraire à la liberté : le joug des présupposés, des préjugés et, pis peut-être encore, des ostracismes de toutes sortes, qui nous feraient aller dans le sens contraire à celui recherché, à savoir, en l’occurrence, trouver un bon président pour la Halde.
Car c’est bien aussi risquer de faire le lit de tous les extrémismes que de "tirer" sur M. Boutih à boulets rouges ainsi, faisant de lui une sorte de martyr conditionnel de la cause égalitaire, ce dont rien ni personne n’a besoin, à notre humble avis.
Laissons les institutions faire leur œuvre, et jugeons sur pièces, en temps et en heure. A la limite, à la rigueur, tout citoyen digne de ce nom est en mesure d’occuper un tel poste : "(...) Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux [ceux de la Loi] sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents." (Art. 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.) Qui dit mieux ?