Gilets jaunes : quelle cause, quelle réponse ?
L’absence, ou le refus, de conduire des analyses systémiques des situations sociales nous entraîne à ne pas comprendre les problèmes posés par les Français. La surdité du Président de la République et de son gouvernement face à la manifestation des Gilets Jaunes montre à quel point notre mode de gouvernance repose sur un modèle technocratique de la parcellisation des questions sociales et économiques ; d’ailleurs relevons que le refus de toute analyse systémique entraîne à séparer la question économique de la question sociale comme si la première n’avait pas d’incidence sur la seconde. Une fois posé cela il faut aussi poser la question du social, de la société et là aussi on parcellise : qu’est-ce qu’une société dans le cadre de pensée technocratique ? La parcellisation de la question sociale amène à réfléchir par rapport à des catégories normées et circonscrites : les sans domicile fixe, les pauvres, les smicards, les célibataires, les parents isolés, etc... Pour ne pas se poser ces questions et de leurs articulations on se cache derrière des slogans : un nouveau monde, transformer la société, les Français sont hostiles aux réformes… Chacun comprendra qu’il faut avant tout définir les choses, surtout si on veut les transformer. Plus ou au-moins autant que chez les membres du gouvernement c’est chez les députés LREM qu’on peut relever cette absence de définition de ce qu’est la société et d’analyse systémique des phénomènes sociaux. Aussi n’est-il pas surprenant qu’ils ne comprennent pas que les gens, malgré les quelques aumônes qui leurs sont faites, soient dans la rue. Sur le plan sociologique les gens, c’est-à-dire l’agrégation ou la cohabitation de personnes, élément fondamental de la société, ne sont pas réductibles à de l’argent ; dans la vie des personnes il y a des espoirs, des besoins, des symboles et surtout de la fierté. Alors, faute d’analyse systémique, ces gouvernants ne peuvent pas entendre que l’augmentation des taxes sur les carburants va au-delà de la gestion du budget des personnes, dans cette augmentation il y a aussi du symbole et du désespoir.
Ce que montrent aujourd’hui les Gilets Jaunes qui donnent une impression de flou et d’inorganisation à leur mouvement, c’est une accumulation et une agrégation de problèmes autant financiers que symboliques. C’est pourquoi leur avoir interdit l’accès à la Place de la Concorde, lieu symbolique s’il en est, puis aux Champs Elysées a été une profonde erreur, mais une erreur qui signe à la fois un désert intellectuel et le mépris dans lequel les élites tiennent les personnes appartenant à ce qu’il est convenu d’appeler le Peuple. La seule réponse apportée à été un discours sécuritaire de fermeté accompagnée de messages de nature ou visant à discréditer le mouvement social des « gueux ». Les députés LREM et les journalistes promacroniens de BFMTV et de France Info n’ont pas cessé de répéter les chiffres, sans vrai fondement (comment les préfectures ont-elles pu compter les manifestât sur les « blocages » où aucun policier n’était présent), du Ministère de l’Intérieur, voulant ainsi montrer l’absence de légitimité du mouvement, laissant croire que les Gilets Jaunes ne sont qu’une bande d’agités, plutôt idiots, qu’une majorité de Français ne suit pas voire, au contraire, désapprouve. Allant plus loin dans la tentative de discréditassions du mouvement, le Ministère de l’Intérieur, avec les journalistes et quelques experts en sécurité, ont porté la focale d’analyse sur les casseurs dont personne n’est capable de nous montrer la réalité de leur appartenance à une quelconque mouvance idéologique, et d’insister sur le besoin d’encadrer les manifestations par les forces de l'ordre bien sûr. C’est tout le travail qui a été confié par BFMTV à un « expert en sécurité » qui démontrait toute la bienveillance des forces de l’ordre, la qualité rassurante des grenades lacrymogènes et surtout l’erreur qu’avaient commise les manifestants en refusant que leur mouvement soit parqué au Champ de Mars et encadré par les policiers mettant ainsi leur « santé en danger ». N’alla-t-il pas jusqu’à ajouter que la méconnaissance par les manifestants de ce qu’est depuis 20 ans une manifestation les avait amenés à négliger la présence de « casseurs idéologisés ». Donc à l’écouter les manifestants auraient dû accepter d’être parqués au Champ de Mars : c’est une conception un peu particulière de la Démocratie, de la liberté d’expression et du droit de manifester. Mais, cet ignorant, tant de l’histoire que de la sociologie ne parlons pas de la philosophie, ne déclarait-il pas à 16h sur BFMTV qu’il avait été écœuré par le défilé des « politiques », s’étonnant qu’une opposition « qui n'excite plus, qui a été effacée » puisse venir s’exprimer sur les plateaux des télévisions et aux micros des radios. Mais, c’est le rôle des opposants au gouvernement que de venir porter une parole contradictoire ! Ce faisant, bien sûr, les partis d’opposition semblent vouloir récupérer le mouvement spontané que sont les Gilets Jaunes, et alors dirai-je ?
Ce monsieur Expert, fin politologue et savant sociologue, nous expliquait que les Gilets Jaunes se trompent en cherchant à faire payer à Emmanuel Macron 30 ans de mauvaise gestion du pays, même si bien des choses sont à reprocher aux prédécesseurs du président de la République qui appartint en tant que ministre à ces « 30 ans ». Monsieur Expert, parce qu’il parcellise à son gré les situations, se trompe grossièrement ou tente de « blanchir » le gouvernement, car aujourd’hui les Gilets Jaunes disent leur désespoir face à des gouvernants, des politiciens et une politique qui les méprisent, face à un président de la République et à une partie des Français qui les humilient. Faire porter sur la seule « bagnole » le poids d’une transition énergétique est une erreur monumentale, et taxer ceux qui n’ont pas d’autre possibilité que de l’utiliser est une insulte à leur endroit. Ces Français du « beau Paris », des startups, de la société numérique qui veulent donner des leçons d’écologie sont ceux qui sont à l’origine de l’usage des canons à neige, du besoin croissant d’électricité, qui vont polluer sous prétexte de tourisme les plus beaux endroits du monde… en un mot les donneurs de leçons, empreints d’une écologie idéologique et sectaire, sont les plus gros pollueurs. En somme ceux qui gagnent très bien leur vie voudraient couper les vivres aux plus humbles ; sans doute rêvent‑ils comme leur mentor Emmanuel Macron, d’asservir le peuple.
Répondre à l’injustice par le mépris et par la force n’a jamais grandi une société pas plus qu’elle ne la fait avancer ; les manifestants finiront par rentrer chez eux comme le firent les suiveurs de Spartacus et ensuite qu’y aura-t-il à part la gloire pour les élites d'avoir une fois de plus soumis le peuple. Puis on proposera, sans réduire les injustices, un comité « bidule » chargé de réfléchir à la transition énergétique qui fera bien sur la plaquette des communicants mais qui ne réglera rien, d’autant moins s’il réunit des syndicats parmi lesquels on retrouvera celui qui, sous prétexte de réformisme, a accepté la Loi Travail, le démantèlement de la SNCF, et des ONG sectaires intégristes de l’écologie. Là, dimanche matin, je reprends mon texte laissé en jachère samedi soir, au moment où une journaliste de France Info nous explique que le président de la République va mettre en œuvre un « haut conseil pour le climat » pour, disait-elle, expliquer et mieux faire comprendre ce qu’est la transition énergétique. Quel mépris pour les personnes qui ont manifesté, ce propos montre la distance entre l’élite (qui se veut intellectuelle) et ceux qu’elle considère comme étant des demeurés incultes. Les personnes qui sont dans la rue aujourd’hui n’ont pas besoin qu’on leur explique ce qu’elles savent très bien, elles attendaient des réponses pratiques et immédiates pour gérer leur vie de tous les jours. Une fois encore ce ne sont que des promesses de discours qui sont avancées. Quand une personne a une jambe écrasée on ne lui dit pas qu’on va se concerter entre médecins pour savoir ce qu’on fera à cette j'ambre, on agit. Là, il eut été judicieux de suspendre les taxes, au-moins de renoncer à leur augmentation future ; le gouvernement aurait ainsi témoigné de ce qu’il avait compris les Gilets Jaunes. Que nenni le président de la République visite des musées en Belgique, reçoit dans un immense « pince fesses » des élus locaux désormais reconnus comme étant des traites à la cause du Peuple, montrant par là le côté dispendieux de l’Etat. Finalement, en guise de dialogue, on envoie la force pour leur certifier qu’ils ont tort et que leur manifestation est illégitime. D’ailleurs on pourrait s’étonner de ce que ces services de sécurité tellement performants n’aient pas empêché, comme ils ne l'avaient pas non plus fait le 1er mai 2018, la venue des groupes idéologisés alors qu’ils avaient si bien réussi au moment de la COP21 ; quels ordres ont reçus les policiers ? On pourra aussi s’étonner de la présence « massive » sur les antennes de représentants des cadres de la police venus nous ratiociner les problèmes de sécurité. Chez moi on appelle ces pratiques « noyer le poisson ».
Dans cet amas où disparaissent les personnes et leur douleur, les perroquets enrubannés de LREM viennent nous expliquer que le gouvernement ne fait qu’appliquer le programme d’Emmanuel Macron et qu’eux votent les lois idoines pour son application. Mais ils ont oublié que le parti majoritaire à l’Assemblée nationale n’a pas été élu par la majorité des Français et ils sont incapables aujourd’hui de comprendre que les abstentionnistes d’hier se font entendre aujourd’hui parce qu’une politique qui ne repose que sur la quantification, qui plus est seulement économique, oublie que la politique s’adresse à des Femmes et des Hommes de chair et de sang. Quand on augmente, à des fins vraisemblablement de marketing politique, l’AAH et qu’en « même temps » on en retire le bénéfice à un nombre très important de handicapés sous prétexte que leur conjoint dispose de revenus convenables, on attente à la dignité de ces personnes outre leur « statut » conféré par l’AAH qui leur signifiait la reconnaissance sociale par une capacité à une certaine autonomie financière. Gouverner ce n’est pas appliquer un programme, gouverner c’est mesurer au jour le jour les problèmes des personnes et y répondre dans le respect de leur dignité, c’est mesurer, au-delà des statistiques et de la comptabilité, les impacts y compris symboliques qu’entraînent les décisions que l’on souhaite prendre ; faute de cette analyse systémique on s’aperçoit souvent que le traitement peut être pire que le mal. Ainsi, revenons aux taxes sur les carburants, faute d’analyse systémique on ne voit même pas qu’elles coûteront à chacun bien plus que la suppression des cotisations sociales n’apporte en augmentation du pouvoir d’achat : les charges sociales pour un salaire de 1200€ net par mois s’élèvent (ou ne s’élèvent) qu’à 14,25€ ! Cette espèce d’orgueil des « marcheurs » que de vouloir transformer seuls la société sans tenir compte des autres est une insulte faite au Peuple qui galère tous les jours et pour lequel chaque décision de la Macronie ajoute de la douleur dans la vie des gens faute d’avoir, dans une analyse systémique, mesuré tous les impacts.
Aujourd’hui, après la cassure entre le Peuple et les politiciens, le Peuple et les médias, nous constatons une cassure entre une France qui galère et une élite à hauts revenus salariaux, habitant plutôt les grandes villes et bénéficiant d’un maximum d’infrastructures publiques et qui polluent par d’autres façons que l’usage de la « bagnole », cette élite « du centre » veut faire porter aux seuls usagers, le plus souvent contraints, de la bagnole le prix de la pollution. En sommes les mieux nantis voudraient s’enrichirent sur le dos des humbles. Les députés LREM les confortent dans cette démarche, répétant le discours présidentiel comme le ferait un perroquet enrubanné, cette répétition en boucle leur tient lieu de pensée. Les uns comme les autres ont oublié de lire Camus qui écrivait : « la démocratie n’est pas la loi de la majorité mais la protection de la minorité. »
Face à cette fronde, je préfère insurrection, et en présence du fossé entre 84% des Français (chiffre du soutien aux Gilets Jaunes) et la représentation nationale, la seule solution en ce dimanche 25 novembre c’est de renvoyer le gouvernement et dissoudre l'Assemblée nationale pour redonner la voix au Peuple par la voie du vote.
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