Guéant : un visionnaire incompris
Il ne faut surtout pas hurler avec les loups. Mais soutenir l’insoumis. Un homme de « poigne » qui, chaque matin, se fait réprimander par l’hyper président. L’enquête de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, journalistes au Monde- Sarko m’a tuer- est, à cet égard, édifiante. Le premier Flic de France a besoin de se défouler. D’avoir des boucs émissaires pour essuyer les camouflets. Mais ne convoquons pas l’antienne fasciste pour condamner Guéant. Le comparer à Pétain ? Ce serait lui faire trop d’honneur. L’homme de la Place Beauvau est d’abord et surtout, un récidiviste mandaté. Un ventriloque piloté par Élysée. La vérité vient d’en haut. Ce serviteur (que Cervantès aurait congédié pour manque de charisme) est la caisse de résonance de Patrick Buisson. Ex-transfuge du FN et dont la mission consiste à droitiser l’UMP. Quitte à siphonner le fonds de commerce des Lepénistes, racoler le chaland. Cogner sur l’islam, l’immigration, les Roms… c’est donner des gages de patriotisme aux désespérés. C’est rassurer un électorat anxiogène qui fait de l’insécurité, sa pierre philosophale. « Toutes les civilisations ne se valent pas. » C’est un truisme.
Que faisait la France à l’époque où d’autres continents, éminemment plus raffinés, élaboraient des modèles mathématiques complexes, 2000 ans avant notre ère ? Inventaient l’agriculture, l’astronomie, la physique… Ceux que l’on traque aujourd’hui, que l’on accuse de tous les maux, traduisaient Aristote, Plotin dans les mosquées ! La France, fille aînée de l’Église, plagiant l’Amérique, a découvert l’égalité et le droit en 1789 ! Ce n’est pas tout. Cette enfant « surdouée » a mis 100 ans pour instaurer la République, après Robespierre, Saint-Just, Danton, Babeuf…Poursuivons l’inventaire. Instruisons l’énarque qui, comme son mentor, exècre La princesse de Clèves. C’est sur les terres de ce « génie », la France, pays des droits de l’Homme, qu’une femme, tous les trois jours, meurt sous les coups de son conjoint. Humilié, le deuxième sexe a attendu les années soixante dix et la bienveillance du pouvoir-le pompidolisme- pour signer des chèques, avorter (manne de Giscard)… conquérir l’autorité parentale. Le Code civil parlait d’autorité paternelle. Et pour parachever « l’édifice », un décret impose (aujourd’hui) un quota de 40% de femmes dans la haute fonction publique ! Les lumières -devenues discrimination positive pour renouer avec le rêve républicain- ont bien ébloui notre culture.
Mieux vaut tard que jamais. Il faut donc juger une civilisation par le prisme de « l’égalité et des rapports hommes femmes. » Pris la main dans le sac, Guéant invoque l’éternelle « décontextualisation » de ses propos. La mauvaise foi de ses détracteurs. Cela ne suffit pas pour justifier la salve. Au lieu de jouer les anthropologues réactionnaires, de faire du « Gobineau » devant un auditoire identitariste (l’UNI) -quand il n’est pas racialiste-, il serait plus judicieux d’enrayer la délinquance. D’assouplir le droit d’asile. De lutter contre la violence au travail… L’omniprésent ministre-boulet pour les uns, « nettoyeur » pour les autres- cumule les maladresses. Endossant le costume de l’historien assermenté, celui qui n’a jamais affronté le suffrage universel, presse les Turcs de reconnaître le drame Arménien. Mais refuse au nom de l’État français de demander pardon aux Algériens jetés dans la Seine, un certain 17 octobre 1961 sur ordre de Papon ! Des sangs impurs, il est vrai, s’insurgeaient contre la colonisation, questionnaient « notre civilisation », ses principes universalistes, sa devise. Toutes les cultures ne se valent pas. Alain Finkielkraut a raison. Une paire de bottes ne vaut pas Shakespeare. Après la faute à Voltaire, la faute à Lévi-Strauss, le relativiste « subversif ». Une théorie, pour ne pas dire une « sécession », à l’origine des territoires perdus de la République. Méfions-nous des gardiens du temple. Ces donneurs de leçons, passionnés de hiérarchie, qui confondent sciemment les mots. Ils cachent toujours des cadavres dans leurs placards.
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Lettre à monsieur le ministre de l’Intérieur, de l’Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration
Monsieur le ministre,
La sous-direction de l’accès à la nationalité française du ministère que vous dirigez vient de signifier à madame S. Boujrada, ma mère, le classement de son dossier et un refus d’attribution de nationalité. « Vous ne répondez pas aux critères », est-il écrit dans un courrier sans âme que l’on croirait tout droit sorti de l’étude d’un huissier ou d’un notaire. Ma mère est arrivée en France en 1984. Il y a donc vingt-huit ans, monsieur le ministre, vingt-huit ans ! Arrivée de Casablanca, elle maîtrisait parfaitement le français depuis son plus jeune âge, son père ayant fait le choix de scolariser ses enfants dans des établissements français de la capitale économique marocaine. Elle connaissait la France et son histoire, avait lu Sartre et Molière, fredonnait Piaf et Jacques Brel, situait Verdun, Valmy et les plages de Normandie, et faisait, elle, la différence entre Zadig et Voltaire ! Son attachement à notre pays n’a cessé de croître. Elle criait aux buts de Zidane le 12 juillet 1998, pleurait la mort de l’abbé Pierre.
Tout en elle vibrait la france. Tout en elle sentait la France, sans que jamais la flamme de son pays d’origine ne s’éteigne vraiment. Vous ne trouverez trace d’elle dans aucun commissariat, pas plus que dans un tribunal. La seule administration qui pourra vous parler d’elle est le Trésor public qui vous confirmera qu’elle s’acquitte de ses impôts chaque année. Je sais, nous savons, qu’il n’en est pas de même pour les nombreux fraudeurs et autres exilés fiscaux qui, effrayés à l’idée de participer à la solidarité nationale, ont contribué à installer en 2007 le pouvoir que vous incarnez.
La France de ma mère est une France tolérante, quand la vôtre se construit jour après jour sur le rejet de l’autre. Sa France à elle est celle de ces banlieues, dont je suis issu et que votre héros sans allure ni carrure, promettait de passer au Kärcher, puis de redresser grâce à un plan Marshall qui n’aura vu le jour que dans vos intentions. Sa France à elle est celle de l’article 4 de la Constitution du 24 juin 1973 qui précise que « tout homme-j’y ajoute toute femme- né(e) et domicilié(e) en France, âgé(e) de 21 ans accompli, tout(e) étranger(e) âgé(e) de 21 ans accomplis, qui, domicilié(e) en France depuis une année, y vit de son travail ou acquiert une propriété, ou épouse un(e) Français(e), ou adopte un enfant, ou nourrit un vieillard, tout (e) étranger enfin, qui sera jugé(e) par le corps législatif avoir bien mérité de l’humanité, est admis(e) à l’exercice des droits de citoyen français« . La vôtre est celle de ces étudiants étrangers et de ces femmes et hommes que l’on balance dans des avions à destination de pays parfois en guerre.
Vous comprendrez pourquoi, monsieur le ministre, que nous ayons du mal à accepter cette décision. Sa brutalité est insupportable. Sa légitimité devient contestable. Son fondement, de fait, introuvable. Elle n’est pas seulement un crachat envoyé à la figure de ma mère. Elle est une insulte pour des millions d’individus qui, guidés par un sentiment que vous ne pouvez comprendre, ont traversé mers et océans, parfois au péril de leur vie, pour rejoindre notre pays. Ce sentiment se nomme le rêve français. Vous l’avez transformé en cauchemar.
Malgré tout, monsieur le ministre, nous ne formulerons aucun recours contre la décision de votre administration. Nous vous laissons la responsabilité de l’assumer. Nous vous laissons à vos critères, à votre haine et au déshonneur dans lequel vous plongez toute une nation depuis cinq ans. Nous vous laissons face à votre conscience. Quand le souffle de la gifle électorale qui se prépare aura balayé vos certitudes, votre arrogance et le système que vous dirigez, ma mère déposera un nouveau dossier.
Je ne vous salue pas, monsieur le ministre
Amine El Khatmi, 23 ans, étudiant en Droit (Master 2), Français
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