On parle communément des chômeurs. Or, il y a chômeurs et chômeurs. Les gouvernements successifs se sont appliqués à créer différentes catégories de chômeurs pour saucissonner et bidonner les statistiques.
L’Observatoire des inégalités qui porte bien son nom a écrit :
D’après la mesure la plus utilisée, on comptait en janvier 2008 1,9 million de chômeurs selon le ministère de l’Emploi. Mais il s’agit de la définition la plus restrictive : les personnes qui n’ont pas travaillé plus de 78 d’heures le mois précédent l’enquête et qui ne recherchent ni un emploi à temps partiel ni un contrat à durée déterminée. Le nombre total de demandeurs d’emploi est en réalité de 3,1 millions et encore, sans comptabiliser les chômeurs des DOM (environ 200 000) et les personnes dispensées de recherche d’emploi car âgées.
Ainsi :
Les chiffres du chômage les plus souvent commentés ne portent que sur une partie des demandeurs d’emplois. Qui s’en soucie vraiment au fond ? Cela permet certes d’afficher moins de deux millions de chômeurs. En pratique, pour la très grande majorité, ce ne sont pas les chiffres qui importent, mais la situation réelle face à l’emploi...
On apprend également que le chômage est plus important selon :
- le sexe,
- l’âge,
- la nationalité,
- le niveau d’études,
- la catégorie sociale.
Pour tordre le cou à l’image d’Epinal, véhiculée par l’UMP et le Medef, l’Observatoire des inégalités remarque que :
Lorsqu’un homme devient chômeur, cinq ans après, il a trois fois plus de risques de décéder qu’un homme actif occupé. Les femmes chômeuses, elles, n’ont "que" deux fois plus de risques de mourir que les actives occupées.
Pourquoi ? D’une part, il s’avère qu’il y a davantage de personnes au chômage qui ont une santé fragile (handicaps, dépressions). D’autre part, le chômage a des effets directs sur la santé :
Les faibles revenus, l’exclusion sociale, s’ajoutent aux angoisses, à la dépression, et freinent le recours au soin des personnes au chômage, et ce d’autant plus que la période d’inactivité s’allonge.
Ces simples faits démontrent que le chômage est une situation subie, et non choisie. Ce rappel semble évident. Pourtant, les choix politiques du gouvernement tendent à nier ces faits. Non pas par méchanceté naturelle, ne soyons pas manichéens. Le discours néolibéral insinue que les chômeurs se la coulent douce en "profitant" des allocations ou du RMI et en vivant sur le dos de la société...
La droite et le Medef se déchargent de leurs responsabilités devant l’opinion publique en s’attaquant frontalement aux chômeurs, au moment où les derniers chiffres du chômage semblent prouver l’échec des six dernières années de politique néolibérale, malgré une population active qui se stabilise, voire qui baisse, avec le départ des "papys-boom" et le bidouillage des statistiques officielles.
Or, l’échec du gouvernement réside seulement dans l’affichage des statistiques, en particulier celles qui concernent les chômeurs de catégorie I.
En effet, l’UMP et le Medef ne souhaitent pas retrouver une situation de plein emploi à plein temps qui renverserait le rapport de forces en faveur des travailleurs, à l’instar des Trente Glorieuses. Sans la menace du chômage et donc d’être remplacés du jour au lendemain par des chômeurs, les salariés pourraient exiger de meilleurs salaires, beaucoup plus facilement qu’aujourd’hui. Et les obtenir. Par ricochet, cela remettrait en cause l’actuelle redistribution des richesses, majoritairement favorable aux revenus du capital et de la spéculation.
Par conséquent, en dépit de l’impopularité du chômage, la situation actuelle est bien trop confortable pour ceux qui détiennent tous les leviers puisqu’ils peuvent même contraindre les salariés à renoncer à des droits durement acquis... Le réservoir de main-d’œuvre n’est pas vide...
C’est pourquoi, le plein emploi, version Sarkozy-Fillon et Medef, est une opération de communication. La preuve, les dernières mesures du gouvernement tendent à précariser l’ensemble du monde du travail.
Dès lors, il ne faut être étonné par le dernier rapport de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion qui confirme que l’emploi protège de moins en moins contre la pauvreté.
Faudra-t-il travailler plus pour échapper à la pauvreté ? Et, au besoin, cumuler plusieurs emplois ?