Hollande : La Disparition
Avec la campagne 2012, la langue de bois subit une inquiétante mutation. Tel un oulipien enragé, François Hollande pulvérise et la performance de Georges Perec et les mots de la langue française.
LA DISPARITION
(Pièce oulipienne en 2 actes pour électeurs naïfs)
Le rideau se lève sur un décor de meeting. A l’avant, des mannequins vus de dos représentent l’assistance, au centre un pupitre et un micro, à gauche et à droite des issues de secours affichant EXIT. Au dessus de chaque porte une caméra éteinte. Autour de l’Orateur volètent des Mots et Questions Fondamentales. Au fur et à mesure des discours, sous les huées ou les acclamations de l’assistance, les mots sortent par l’une ou l’autre des portes.
Avec la disparition de scène, par ordre alphabétique.
Ecologie : Il aura suffit d’un accord avec EE-LV pour faire disparaître à la fois le mot et sa représentante de la campagne. Neutralisées les pluies acides, évaporée la couche d’ozone, exterminée la surpopulation ! Dans les discours la décroissance décroît, les changements climatiques ont remplacé le réchauffement global, les gaz à effet de serre desservent. Au zoo les grands mammifères ! Dans les filets les ressources halieutiques !
Reste, seul, - pardonnez le pléonasme – le noyau du nucléaire.
Pendant ce temps, Eva Joly, pas gaie, rame. Aux dernières nouvelles elle aurait été aperçue dans le désert de Unpourcent (pas facile de ramer dans un désert). Nicolas Hulot la cherche en hélicoptère, un très beau documentaire en vue.
Exit l’écologie.
Euthanasie : Un bien joli mot que celui-ci. L’euthanasie c’est la « belle mort ». La société en a détourné et démultiplié le sens en euthanasie active, passive, suicide assisté … La loi Léonetti en France encadre désormais la fin de vie. « Je ne prends pas le mot d'euthanasie, dit François Hollande, car cela laisse penser qu'il serait accepté une forme de suicide. » Puis : « Il y a une loi utile, qui est la loi Leonetti, mais il y a un manque considérable sur les soins palliatifs », et ajoute :« Il faut davantage de soins palliatifs, aussi bien à l'hôpital qu'à domicile. Je veillerai à ce qu'il y ait beaucoup plus de places en soins palliatifs dans les établissements. »
[On ne peut pas écarter la demande] de pouvoir terminer sa vie dans la dignité. Aujourd'hui, il y a 7000 à 8000 euthanasies qui se font sans que nul ne le sache. »
- Il utilise le mot « euthanasie » pour désigner des pratiques actuelles.
- Sans craindre l’antithèse il cite un chiffre et dans la même phrase indique que nul ne le connaît (sauf lui ?).
- En revanche, il refuse le terme d’euthanasie pour sa proposition, il préfère la périphrase « pouvoir terminer sa vie dans la dignité », périphrase presque identique à celle figurant dans ses 60 propositions.
Or il y a une quasi-unanimité pour que la mort se fasse dans la dignité, il y a une quasi-unanimité pour reconnaître les progrès apportés par la loi Leonetti, il y a une quasi-unanimité pour reconnaître l’insuffisance dramatique de moyens pour l’application de cette loi et les soins palliatifs.
Monsieur Hollande n’a-t-il d’autres prétentions que d’être le miroir d’un constat fût-il amiable ?
Que François Hollande veut-il donc changer par rapport à la loi Leonetti ? Personne ne le sait. Quels moyens en réponse au « manque considérable » des soins palliatifs va-t-il mettre en œuvre et surtout avec quel budget ? La proposition n’est ni chiffrée ni financée.
Le PS a déclaré ne pas être engagé par la campagne de l’ADMR. (Photo).
Exit le mot, exit la problématique, exit le débat. (1)
Finance : Hollande en digne successeur-candidat de DSK, joyeux et riche boute-en-train du FMI, a tenté de faire rire les foules au Bourget en lançant une plaisanterie « Mon véritable adversaire c’est la finance ». Le militant socialiste de base n’a pas compris l’humour et a cru que le bon François était sérieux !
Conscient de la bourde, le 14 février il déclarait au journal The Gardian, icône de la fiance :
« La gauche a été au gouvernement pendant quinze ans, nous avons libéralisé l’économie et ouvert les marchés à la finance et aux privatisations. Il n’y a donc pas de craintes à avoir ».
Depuis l’équilibriste balance pour ménager les choux de gauche et les chèvres du centre.
Disparition de la finance.
Bouclier fiscal : Diantre le vilain mot ! Vous pensez la gauche ne ferait pas cela ! Non il n’y aura pas de bouclier fiscal. Si François Hollande est élu il y aura le « rétablissement du plafonnement des impôts directs nationaux ». Cela n’a rien à voir !
Mobilisation : Après le succès (reconnu par tous) du rassemblement initié à la Bastille par Jean-Luc Mélenchon, Hollande, avec une belle conscience de l’union à gauche, dynamite l’habituel « succès de la manifestation » pour le remplacer par le péjoratif « charivari » : .
« Je me mets dans la situation de pouvoir diriger la France demain. Pas faire un charivari. ». (2).
Les futurs électeurs et alliés de gauche apprécieront … Il enfonce le clou avec l’appel au vote utile (voir ce mot).
On ne dit plus mobilisation réussie on dit charivari. Tiens ça me rappelle le célèbre « Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s'en aperçoit » d’un certain Sarkosy, Nicolas.
Charivari Bavarois.
50.000 manifestants passent sur la pointe des pieds et traversent la scène en silence.
Mox (Filière) :
Dans la version signée de l’accord EE-LV sur les échanges réacteurs contre législatives, la filière Mox devait être abandonnée. La chose est confirmée par Pascal Durand porte-parole d’EE-LV, "Des textes modifiés après accord, on a rarement vu ça" et par Jean-Vincent Placé, "Il y a des passages très précis sur la reconversion de la filière de retraitement du MOX. C'est ce texte qui fait foi". Cécile Duflot renchérit par twitt : "Suis une femme pas compliquée : un accord passé est un accord qui engage. Pas d'autres commentaires :-)".
Exit le mox par la porte de gauche.
François Hollande qui craint de passer pour un mou, prends son courage à deux mains, son effaceur dans l’autre et, sur la parole donnée, passe un grand coup de comm’. (De gomme ?)
« Je poursuivrai la fabrication du Mox à Marcoule qui est un combustible indispensable au fonctionnement de plusieurs de nos centrales de nouvelle génération. »
Notons rapidement que l’argument d’Hollande est fallacieux, les centrales fonctionnent en effet au Mox mais peuvent utiliser un autre combustible.
Exit l’accord, exit les accords, exit la parole donnée, retour du Mox par la porte de droite.
To mox or not to mox
Bilan de l’opération : Les écologistes sont humiliés. François Hollande n’est plus un mou, il a vaillamment résisté à la menace écolo.
La confiance et la crédibilité sortent de scène la tête basse et les joues rouges. (3)
Planète : (voir écologie)
Race : François Hollande, candidat socialiste à la présidentielle, a annoncé samedi 10 mars qu'il demanderait au Parlement de supprimer la mention de race dans la Constitution française s'il était élu.
"Il n'y a pas de place dans la République pour la race. Et c'est pourquoi je demanderai au lendemain de la présidentielle au Parlement de supprimer le mot race de notre Constitution".
Facile. Plus facile en tout cas que de vraies propositions.
Disparition du mot race, disparition du racisme !
Récession : Pas une seconde l’hypothèse d’une récession n’est envisagée. La situation des pays voisins (Grèce, Irlande, Espagne, Italie, Portugal) devrait pourtant inciter un homme politique responsable, « Gouverner c’est prévoir », à étudier plusieurs cas de figure et pas uniquement celui qu’il a arbitrairement décrété.
« La croissance ne se décrète pas » dit-on couramment. Dans Rendre ses chances à la gauche Michel Rocard écrivait très précisément : « L’économie ne se change pas par décret. »
Mais sans doute comme le croyait Sarkozy autrefois, Hollande pense-t-il « La croissance, j'irai la chercher avec les dents ».
Heureusement Manuel Valls possède la solution "si la croissance n'est pas là, on s'adaptera" !!! Il a bien changé Manuel depuis la primaire !
Et voilà Hollande et Valls ont fait disparaître le risque de récession. Trop forts !
(voir aussi stagnation).
Stagnation : Le PS a publié les hypothèses de croissance sur lesquelles le programme est basé : +0,5% en 2012, +1,7% en 2013 puis entre +2 et +2,5% entre 2014 et 2017.
La Cour des Comptes retient une fourchette de croissance de 1,0 % à 1,5 % du PIB.
Croire, comme nous le faisons et comme les politiques font semblant de le croire depuis 30 ans, que l’on sortira du désendettement par la croissance, relève de la pensée magique.
François Bayrou, seul candidat réaliste en la matière, a basé son programme sur une croissance de 0,2% pour 2012, 1% pour 2013 et 1,5% à partir de 2014.
Or un point de croissance représente environ 12 milliards de déficit par an qui se cumulent d’une année sur l’autre. Sur 2012-2017 cela représente un écart entre les deux projections de près de 200 milliards !
La chaîne parlementaire raconte :
Michel Rocard a déclaré : « On n'est pas dans un cercle de formation propagandiste qui répèterait les discours de campagne. [...] L'hypothèse de croissance sur laquelle se fonde François Hollande n'est pas plausible. »
« Stupeur dans la salle. Chiffres à l'appui, Michel Rocard démontre que les taux de croissance prévus par François Hollande pour élaborer son programme sont “en désaccord avec les structures statistiquement informées”, l'OCDE et l'Insee. “Ce n'est pas lui que j'engueule c'est le parti”, corrige Michel Rocard tout en reconnaissant “l'inconfort électoral” de cette contradiction.
Pire, Michel Rocard est persuadé que le pic de la crise est à venir et que la “bourrasque financière” pourrait même intervenir pendant la campagne électorale. “Ce qui mettrait François Hollande en grande difficulté.” »
Savoureux, non ?
Jean-François Coppé résume : « François Hollande ne mise que sur la croissance. Or, la croissance ne se décrète pas au bureau politique du PS ». Notons au passage, que les prévisions du candidat Sarkosy en matière de croissance sont tout aussi peu crédibles. (4)
Exit le mot stagnation, un chauffeur de salle passe avec une pancarte sur laquelle on lit « Vive la croissance ! » On entend des applaudissements nourris.
Utile (vote)
Depuis la montée en force de Mélenchon dans les sondages, l’entourage du candidat socialiste multiplie les petites phrases pour appeler les électeurs à voter utile dès le premier tour. Mais la révision de la Novlangue est passée par-là. On ne dit plus « vote utile » mais « vote efficace ». « Il faut un vote efficace. Le premier tour n'est pas simplement un vote pour exprimer sa colère »
« Allez chercher les électeurs. Dites-leur que c’est au premier tour que la dynamique se crée, que les écarts se font. C’est le premier tour qui fait le score du second tour »,
L’appel au vote utilo-dynamico-efficace se pratique habituellement plus tard dans la campagne. L’évolution des courbes respectives du PS et du FdG inquiète mais il faut rester politiquement correct !
Le Vote Efficace entre en scène et, tel un improbable Guignol, à grand coup de gourdin sur la tête chasse le Vote Utile.
Validé (trimestre)
Cette Disparition est particulièrement savoureuse (du moins pour l’observateur, pas pour les prochaines victimes).
Tout un chacun voit sa retraite en fonction de ses trimestres validés. Or c’est une erreur, il y a deux notions fort différentes et qui habituellement se confondent … sauf dans la proposition du PS.
Il y a les trimestres cotisés (ceux pendant lesquels vous avez effectivement travaillé et cotisé) et tous les autres qui sont validés mais non-cotisés (service national, trimestres pour enfants, trimestres chômage …)
Le programme du PS, parle bien de trimestres cotisés. Le choix des mots n’est pas anodin. Les femmes qui se sont interrompues pour élever des enfants, par exemple, n’auront pas droit à ce départ à 60 ans même si elles ont validé suffisamment de trimestres.
François Hollande confirme la possibilité de départ à 60 ans : « pour les personnes ayant commencé à travailler tôt et cotisé suffisamment. […] Les salariés concernés sont les personnes ayant cotisé pendant 41,5 années, soit 166 trimestres. »
C’est très habile, il n’y a pas de mensonge, juste une tromperie.
Seuls les trimestres COTISES seront pris en compte et une bonne partie de ceux qui pensaient partir à la retraite à 60 ans parce qu’ils avaient commencé à travailler jeunes ne sont pas concernés comme dans l’exemple de la personne qui interroge Mme Touraine. (voir source, notons qu’elle ne répond pas par oui ou non mais que la réponse à la question de ce chômeur de 60 ans avec 169 trimestres est clairement NON, en tentant de noyer le retraité Mme Touraine ajoute la mauvaise foi à la désinformation).
Pour tous les autres, dont en particulier les femmes, la réforme Woerth s’appliquera.
La réforme de la retraite par Hollande est une mini-mesurette.
« Sous couvert de générosité, on oublie la solidarité », déplore Philippe Pihet, le M. Retraites de FO, constatant que les femmes ayant eu des enfants ou les personnes ayant connu le chômage auront du mal à remplir les critères. »
Pour définir l’âge de départ dans le cadre de la réforme Hollande il faut dorénavant parler de trimestres cotisés et tant pis pour l’égalité professionnelle homes-femmes. (6)
Les 166 trimestres validés font une farandole autour de l’Orateur et sortent en dansant le sirtaki. Au loin on entend une fillette chantonner : « Vous votiez socialiste ? J’en suis fort aise, et bien dansez maintenant ».
Vidéo protection
En 2009 la loi Loppsi 2 introduisait le terme « vidéo protection » (une vidéo ne protège pourtant personne) en remplacement du terme « vidéo surveillance » plus polémique.
Cet élément de langue de bois, apporté par la droite, François Hollande le fait sien.
Big Brother ne vous surveille plus, il vous protège. (7)
Sur la scène, au-dessus des portes les caméras s’allument et tournent lentement leurs objectifs vers le public.
Vingt-quatre (réacteurs)
L’accord signé avec EE-LV prévoit « fermeture progressive de 24 réacteurs » avant 2025.
Pour François Hollande cela se traduit par « Ce sera la seule [Fessenheim] dans mon quinquennat sauf si l’Autorité de Sûreté Nucléaire nous alerte sur un autre cas. Ensuite vers 2020-2023, des décisions devront être prises sur les centrales qui seront alors en fin de vie, la question se posera à ce moment-là. »
Et oui « fermeture progressive de 24 » ça veut dire une en cinq ans et on se posera la question pour les 23 autres après, plus tard, peut-être, si elles sont en fin de vie, enfin on verra, si c’est toujours moi qui suis au pouvoir.
Amis écologistes vous croyez vraiment qu’il y aura plus de 3 centrales fermées par an en moyenne entre 2018 et 2025 ?
La fermeture des 2 réacteurs de Fessemheim représente 3% de la production d’électricité d’origine nucléaire … Un mandat de cinq ans, 3% de baisse du nucléaire ! C’est une véritable révolution énergétique ! Non ?
Disparition du mot « vingt-quatre », il faudra dorénavant dire « un ». Drôle de mathématique ! (8)
Sur le fond de la scène sont projetées des images d’Hiroshima, un compte à rebours défile de 24 à 1 suivi d’un noir total qui dure quelques secondes.
Zone
Après avoir réglé le problème du racisme, Hollande s’attaque courageusement aux autres discriminations.
Lors du meeting de Marseille le valeureux pourfendeur des inégalités a, une nouvelle fois, sorti son pistolet désintégrateur :
"Six millions de Français vivent dans ce qu’on appelle des zones urbaines sensibles, les ZUS. Je commencerai par changer de vocabulaire, je mettrai un terme au zonage qui est une stigmatisation"
« Finis les LRU, les ZUS, qui a envie de vivre dans une zone, d’appartenir à une zone ?",
Je mettrai un terme aux ZEP et aux autres zones. La République ne connaît pas les zones, mais les citoyens."
Là c’est de l’artillerie lourde ! Il va « changer le vocabulaire » !!! Oui et ensuite ?
Il va également falloir supprimer les banlieues, les cités, les quartiers, changer les noms de certains départements, communes, quartiers, la stigmatisation tient aussi au fait de venir du 9-3, de la Courneuve ...
Il va en falloir des centaines de fonctionnaires pour refaire tous les décrets, tous les règlements, juste pour changer des appellations …
Et puis il ne faudra plus parler de quartiers riches. A Neuilly aussi ils sont stigmatisés ! (9)
Exit la zone. Pierre Palmade remet son Z et pioche une nouvelle lettre.
Source : http://www.satiricon.be/
Monsieur Hollande vous aimez à vous comparer à Sisyphe poussant sans fin son rocher.
Vous avez raison :
Comme lui vous symbolisez l’échec perpétuel, vous roulez les mots et les Français, mais les concepts vous échappent et redescendent la pente.
Comme lui jamais vous ne parviendrez au sommet !
Comme lui vous vous pensez un « homme sage ». Sisyphe avait capturé Hadès (erreur), vous n’enfermez pas les problèmes vous les escamotez (pire erreur encore).
Comme lui vous n’êtes que le fils d’Eole, vous semez à tous vents signifiés et signifiants !
A défaut de solution supprimons les problèmes. La belle philosophie ! L’expérience grecque, antique et moderne, vous inspire bien mal !
Alors que le rideau retombe, des bulletins de vote se déversent en pluie sur l’Orateur et le recouvrent, quelques-uns se dispersent sur la scène. Nul ne peut voir quel nom ils portent.
(1) http://www.liberation.fr/societe/01012396524-euthanasie-hollande-pose-le-cadre
(3) http://borisjacrot.unblog.fr/files/2012/03/accord-2012-EELV-PS2.pdf
(6) http://www.gauchemip.org/spip.php?article16237 http://www.capital.fr/retraite/actualites/francois-hollande-clarifie-sa-position-sur-la-retraite-a-60-ans-684127
(7) http://www.parti-socialiste.fr/articles/francois-hollande-invite-de-parole-de-candidat
(8) http://borisjacrot.unblog.fr/files/2012/03/accord-2012-EELV-PS2.pdf
(9) François Hollande veut ramener la République dans les banlieues
François Hollande veut une "filiale dédiée aux quartiers" dans sa Banque d’investissement
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