Hubert Védrine tombe dans une embuscade du collectif “Génocide made in France”
L’affaire a été totalement passée sous silence par l’essentiel des médias. Les faits se sont déroulés mercredi 28 novembre à Paris. Il est 8 h 30. Hubert Védrine ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement Jospin et surtout ancien secrétaire général de l’Elysée sous François Mitterrand arrive à pied à l’entrée du Cercle militaire, place Saint-Augustin, pour donner une conférence. Un homme l’aborde et entame la conversation sous un faux prétexte. Juste le temps de faire diversion et qu’une jeune femme l’asperge d’un liquide rouge supposé représenter du sang. Au même moment dans un timing parfait des complices du collectif “Génocide made in France” tendent une banderole. Une caméra en embuscade immortalise la scène.

Les auteurs, un groupe d’activistes illuminés, revendiquent l’action. Leur justice est expéditive. Peu importe la complexité des faits dont ils ignorent l’essentiel. Tout drame nécessite un coupable. Hubert Védrine par son passé de proche collaborateur de François Mitterrand a le profil idéal. Celui de ces hommes qui se sont retrouvés au coeur du pouvoir et de décisions historiques mais qui, contrairement à beaucoup de leurs contemporains, ne se sont pas vautrés dans la révélation hâtive et lucrative des petites et grandes affaires d’Etat. Dès lors, pour des individus au raisonnement simpliste, tout silence est par essence coupable.
Hubert Védrine n’a rien pour autant d’un Klaus Barbie ou de tout autre criminel de guerre. Il est tout le contraire, le symbole même d’une diplomatie française brillante et influente, humaniste autant qu’on peut l’être dans un monde dénué de morale livrée aux griffes acérées des intérêts économiques et étatiques. Une fascinante mécanique intellectuelle, la culture en plus. Suffisamment pour être appelé à 34 ans seulement par François Mitterrand comme conseiller diplomatique avant de devenir son conseiller puis le secrétaire général de l’Elysée. Très vite, il devient un élément-clé de la politique étrangère du président. En pragmatique, il marque le tournant de la gauche idéaliste en une gauche réaliste, contrainte de mettre les mains dans le cambouis, tout à la fois capable de produire le discours de Cancun et dans un souci stratégique de ne pas abandonner l’Afrique aux appétits anglo-saxons.
La gestion des affaires du monde n’est pas une sinécure. L’erreur d’analyse est souvent lourde et irréversible. Le poids des responsabilités énorme. Il serait trop aisé d’appréhender la politique africaine de la France des années Mitterrand à travers un simple prisme manichéen. Affirmer a posteriori que la France est responsable du génocide rwandais est sans doute vendeur. Mais, à la question quel rôle a exactement joué notre pays, bien peu peuvent aujourd’hui encore répondre.
Si Hubert Védrine ne lève pas tous les coins du voile, il a souvent répondu aux chercheurs et journalistes travaillant sur le sujet rwandais. Et en la matière, sa parole en vaut bien d’autres, moins autorisées, moins informées. Homme fidèle et attachant derrière une froideur apparente, il a toujours défendu avec autant de calme et de sérénité que d’acharnement la position mitterrandienne "nous nous sommes peut-être trompés, mais nous avons joué la carte de la paix au Rwanda". En aucun cas, il ne s’estime responsable et encore moins coupable du génocide de 1994 marqué par 800 000 morts.
Le mode d’action du collectif "génocide made in France", par sa lâcheté, n’inspire pas le respect. Bien que les auteurs réfutent toute violence, leur geste demeure une agression. Il incarne surtout une justice expéditive, par laquelle des individus décident de jeter l’opprobre sur un homme, sans aucun élément concret, avéré, étayant leurs accusations. Il contribue contrairement à leurs attentes, en suscitant l’indignation, à refermer un dossier qui dans une démocratie mature se doit d’être expliqué. C’est au fond le principe d’une politique étrangère, domaine réservé du président de la République, qui doit aujourd’hui faire débat.
On comprend la frustration qu’a pu générer les conclusions trop bienveillantes de la commission d’enquête parlementaire de 1998 sur le génocide rwandais présidée par Paul Quilès. Elles n’excusent ni ne justifient pour autant pas tout.
Hubert Védrine n’a pas souhaité donner de publicité à l’incident. Une plainte contre X pour “violence en réunion” et “diffamation” a néanmoins été déposée.
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