Humanisme à la dérive
On nous parle de la France qui se lève tôt depuis des semaines maintenant, jolie formule de campagne de notre nouveau président soigneusement relayée par les médias jusqu’à intoxication des cerveaux. Notre nouveau président est le candidat de la France qui se lève tôt, celle qui travaille dur, qui se bat tous les jours pour assurer sa survie, celle qui souffre dans le silence tandis que la racaille déchaîne la violence dans les banlieues, attirant l’opprobe du reste de la population sur eux tous, travailleurs et émeutiers confondus. Quelle ironnie ! J’ai moi envie que l’on parle de la France qui ferme les yeux sur sa propre misère. La France schizophrène et égoïste qui refuse de voir la pauvreté et l’extrême nécessité quand il peut lui arriver de la croiser. "Travailler plus
pour gagner plus" quel magnifique slogan, quelle rhétorique bien huilée ! Mais lorsqu’on ne travaille pas, et que l’on n’a pas de logement, l’argument perd de son pouvoir de conviction. Un indice important du développement d’une société est le soin qu’elle apporte à la réintégration des plus démunis. Il serait bon de rappeler à notre nouveau président, si prolixe sur la question des droits et des devoirs, le devoir moral du fort d’aider et de protéger le plus faible. Non, ceci n’est pas de l’assistanat comme il s’est plu à le tonitruer tout au cours de sa campagne, il s’agit d’une valeur fondamentale humaniste, un enjeu de civilisation. Je crains bien que les cinq années qui s’annoncent n’enregistrent un net recul sur ce point. Souvenez-vous, notre nouveau président, alors ministre de l’Intérieur, avait dépéché quelques camions de CRS non loin d’un point de rassemblement et de distribution organisé par les
"restos du coeur" afin de procéder à quelques interpellations. Le souvenir de cette intervention de police fait froid dans le dos et devrait éclairer sur le modèle de société défendu par notre nouveau président. Que dire de l’état des prisons ? Les prisonniers s’y entassent inexorablement dans des conditions abominables. Sujet jamais évoqué par notre nouveau président. On peut le comprendre, il en est en partie responsable, du moins, de l’aggravation de la situation de ces dernières années. Un des bienfaits de la politique du chiffre. Quoiqu’il arrive pour rendre compte de son action, il faut des chiffres, n’importe quels chiffres, mais des chiffres. Ceci légitime et rend lisible l’action politique. De même lorque l’on présente son programme présidentiel lors d’un débat : il faut pouvoir associer à chaque mesure un chiffre, peu importe sa véracité, sa cohérence ou sa vraisemblance, qui ira de toutes façons le vérifier ? Et quoiqu’il arrive, ceci donne l’impression d’une grande maîtrise des dossiers. Enfin, il faut espérer que tout le monde n’est pas dupe. Cette politique du chiffre, appliquée à la lutte contre l’insécurité, a eu pour effet d’aggraver un des problèmes dont souffre la France depuis de nombreuses années : le surpeuplement des prisons et les diffcultés de l’appareil judiciaire qui en découlent. Une nouvelle fois, il peut être bon de rappeler le principe de la prison dans une démocratie, ou dans un pays se revendiquant comme tel. La prison a pour rôle non pas de tenir à l’écart les mauvais éléments de la société représentant un danger pour elle, mais chercher à réintégrer cette frange de la population, la soigner et la rééduquer. C’est à nouveau le devoir du fort sur le faible. Au lieu de ça, la prison est aujourd’hui un lieu de perdition totale, où le simple séjour marginalise à jamais des éléments qui auraient pu participer à nouveau au bon fonctionnement de la société. Les valeurs humanistes désertent notre société. On ne peut que constater la montée de l’individualisme, les chocs des egos, la frustration générée par la société d’hyperconsommation, relayée par les grands médias. Il est temps de s’interroger sur le sens profond du terme "fraternité" éternel parent pauvre de notre belle devise. Il est toujours plus facile de défendre ses idées lorsque l’ennemi est parfaitement incarné et identifiable. Peut-être depuis le 6 mai avons-nous cette chance : notre nouveau président ne sera pas le président de la fraternité, il est temps de réaffirmer les valeurs de générosité et d’amour qui donnent à l’homme sa réelle grandeur, sa réelle dimension, et qui le rendent capable d’accomplir les plus belles choses. Chers amis, résistons, défendons nos idéaux !
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