L’histoire de la gauche est rythmée par un certain nombre de grands congrès qui, chacun, eurent un impact important sur l’histoire de la France.

Citons trois exemples : le Congrès d’Amiens, le Congrès de Tours et le Congrès d’Epinay.

Si le troisième voit d’ores et déjà ses effets s’estomper depuis que le Parti socialiste est entré dans une phase de guerre des chefs et de condamnation à une longue période d’opposition, le départ de Jean-Luc Mélenchon du Parti socialiste pourrait amorcer la fin du deuxième.

La gauche française se divise traditionnellement en divers mouvements selon leur tendance plus ou moins révolutionnaire. Autrement dit, selon leur réponse à la question : comment faire cesser les injustices liées à la Lutte des classes ?

Les plus radicaux optent pour la guerre civile et le terrorisme. La résurgence régulière de ce courant s’est faite au travers des attentats anarchistes au XIXe siècle comme de groupuscules tels qu’Action directe.
Un autre courant est révolutionnaire, mais légaliste, il s’agit du courant socialiste longtemps incarné par la SFIO (Section française de l’internationale ouvrière).
Enfin, il y a un courant qui est avant tout bourgeois, c’est-à-dire qu’il considère que la révolution finale et l’établissement du communisme ne sont pas nécessaires à la création d’une société juste et débarrassée de ses curés. Le principal mouvement sera le Parti radical. La question religieuse rend impossible un rapprochement entre le catholique Bayrou et les anticléricaux des deux Partis radicaux. L’évolution du radicalisme et sa dérive de plus en plus forte vers la droite jusqu’à la scission entre des radicaux de droite (dits valoisiens) et de gauche mériterait des thèses entières. Nous nous arrêterons donc ici en ce qui les concerne.

La gauche française légaliste s’est donc résumée fort longtemps au mouvement socialiste.

Le Congrès d’Epinay a posé le vrai problème : la gauche peut-elle renoncer au rêve communiste ? Autrement dit : est-il possible de construire une société juste avec un système économique capitaliste ? La question est suffisamment importante pour mériter que la réponse délimite deux partis différents : les sociaux-démocrates d’un côté (pro-capitalistes), les révolutionnaires (anticapitalistes) de l’autre.
Les querelles internes au Parti socialiste depuis le début des années 1970 sont justifiées par la réponse à cette question... et quelques ambitions personnelles qui ne peuvent pas s’affirmer comme telles au risque d’être hérétiques (l’ambition individuelle est contre-révolutionnaire !).
Le départ de Jean-Luc Mélenchon pourrait être salutaire en incitant le Parti socialiste à assumer son caractère social-démocrate et donc à renoncer formellement à son objectif communiste. Le Congrès d’Epinay était moribond. Il doit aujourd’hui mourir.

L’objectif d’établissement d’une société communiste (donc sans classes) ne constitue pas en effet la ligne de fracture entre socialistes et communistes.
La fracture s’est déroulée au Congrès de Tours où une majorité des socialistes ont accepté la stratégie stalinienne. La scission entre socialistes et communistes ne se fait pas sur le but, mais sur les moyens, exactement comme entre la gauche légaliste (participant aux élections) et les terroristes libertaires.
La Section française de l’internationale communiste, qui deviendra Parti communiste, a été créée pour s’appuyer sur la révolution bolchevique russe afin de la propager et établir universellement le communisme. L’Etat soviétique n’a d’ailleurs jamais considéré avoir atteint son objectif, à savoir l’établissement d’une société sans classe et donc sans parti...

Or, avec la disparition de l’URSS et donc l’échec définitif de la stratégie bolchevique, la scission entre SFIO et SFIC n’a plus de raison d’être.
Pour être plus clair encore : le Parti communiste a perdu toute raison d’être. Il disparaît donc petit à petit, ne conservant que quelques nostalgiques à la manière d’un club du troisième âge. La plupart de ses effectifs s’en va vers le Parti socialiste d’un côté et vers les mouvements trotskystes de l’autre.

Ces derniers, issus d’une scission des communistes, sont légalistes (ils rejettent la violence et participent aux élections), mais refusent autant de composer avec le pouvoir capitaliste que de participer à une dictature du prolétariat qui a toujours été la dictature d’un parti, donc d’une classe.

Sur le plan idéologique, il n’y a donc plus que trois tendances majeures :

  1. les sociaux-démocrates, à savoir la majorité de l’actuel Parti socialiste, qui visent l’établissement d’un capitalisme juste ;
  2. les socialistes, la gauche de l’actuel Parti socialiste, qui sont légalistes, mais visent bien le communisme comme objectif et envisagent d’ici là de participer à des gouvernements de compromis ;
  3. les post-trotskystes, actuellement réunis très informellement autour d’Olivier Besancenot, qui rejettent le capitalisme et visent le communisme, sont légalistes (jusqu’au fameux Grand Soir qui ne pourra advenir qu’après éducation des masses), mais refusent de participer à des compromis gouvernementaux, c’est-à-dire de se salir les mains dans les affaires quotidiennes d’un système capitaliste.

La logique voudrait que chacune de ces tendances soit un parti politique. Les socialistes récupéreraient dès lors les débris du Parti communiste pour créer un nouveau parti et l’actuel Parti socialiste assumerait pleinement sa dimension de Parti social démocrate.

A la gauche du troisième mouvement, restent bien sûr les terroristes libertaires qui rejettent tout compromis avec la société actuelle, y compris les processus électoraux qu’ils estiment irréguliers, les travailleurs étant conditionnés par la propagande capitaliste.
Les islamistes ont un peu trop le monopole du terrorisme depuis quelques années. Mais la crise économique pourrait amorcer la fin de ce monopole...