Il y a Simone Veil et Simone Weil
Simone Veil vient de publier chez Stock ses mémoires, sous le simple titre « Une vie ». Cette grande dame éclipse - bien malgré elle - dans l’esprit du public la philosophe Simone Weil, de 18 ans son aînée, engagée comme elle dans la lutte contre le nazisme.
Simone Weil est née en 1909 dans une famille juive d’origine alsacienne. Son père était médecin. Son frère aîné, André, était un grand mathématicien, l’un des fondateurs des mathématiques modernes. Elle entra en 1926 en classe préparatoire au lycée Henri IV, où elle eut comme professeur le philosophe Alain, et réussit deux ans plus tard le concours de l’École Normale Supérieure. Reçue à l’agrégation de philosophie, elle fut affectée, pour sa première année d’enseignement, au lycée du Puy.
Simone Weil pensait que, dans la société moderne, la possession de la culture et du savoir était une source décisive de pouvoir. Voulant aider la classe ouvrière, elle obtint de donner des cours de littérature et d’économie politique à la Bourse du travail de Saint-Étienne, tout en continuant de donner ses cours au lycée du Puy. Elle fonda également au Puy un comité intersyndical. C’était en 1931. La crise économique qui avait éclaté aux États-Unis en octobre 1929 avait atteint l’Allemagne, provoquant un énorme chômage et offrant un formidable tremplin à l’idéologie nationale-socialiste. Elle emploiera les vacances de 1932 à étudier le problème.
En janvier 1932, Simone Weil soutient une manifestation de chômeurs à Saint-Étienne. L’inspection académique la convoque pour lui proposer une mutation à Saint-Quentin, qu’elle refuse. Le commissaire de la ville la menace de la faire passer en correctionnelle. L’affaire prend une dimension nationale et les grands journaux s’en mêlent. Finalement, l’administration et le gouvernement cèdent. Elle garde son poste, mais s’éloigne des militants syndicalistes car elle ne partage pas leurs idées marxistes.
En décembre 1934, Simone Weil fait la connaissance d’Auguste Detoeuf, le patron d’Alsthom. Elle veut faire l’apprentissage de la vie de prolétaire. Celui-ci l’embauche comme ouvrière. Après quatre mois chez Alsthom, elle passe chez Carnaud, où elle travaille deux mois, puis chez Renault, ou elle travaille trois mois, toujours comme ouvrière. Chaque soir elle tient son journal. Elle le rédige minutieusement, décrivant la nature de chaque tâche, les rythmes exigés, les difficultés rencontrées, les incidents quotidiens, les relations dans l’atelier. C’est la source de La Condition ouvrière, un livre remarquable dans son unité, sa diversité, sa précision et sa qualité d’écriture. On le trouve en livre de poche dans la collection Folio Essais pour la somme de 7 euros.
Quatrième de couverture : « En décembre 1934, Simone Weil entre comme "manoeuvre sur la machine" dans une usine. Professeur agrégé, elle ne se veut pas "en vadrouille dans la classe ouvrière", mais entend vivre la vocation qu’elle sent être sienne : s’exposer pour découvrir la vérité. Car la vérité n’est pas seulement le fruit d’une pensée pure, elle est vérité de quelque chose, expérimentale, "contact direct avec la réalité". Ce sera donc l’engagement en usine, l’épreuve de la solidarité des opprimés - non pas à leurs côtés, mais parmi eux. »
Le 8 août 1936, titulaire d’une carte de journaliste, Simone Weil franchit la frontière espagnole pour participer à la guerre d’Espagne avec les brigades internationales. Ses parents vont la chercher et la ramènent en France le 25 septembre.
Le 13 juin 1940, la famille Weil quitte précipitamment Paris pour gagner Marseille, où elle restera deux ans. Le 14 mai 1942, Simone s’embarque avec ses parents pour les États-Unis sur le Maréchal Lyautey. Ceux-ci resteront à New York jusqu’à la fin de la guerre. Mais Simone veut rejoindre les Forces françaises libres. Grâce à Maurice Schumann, elle obtient un poste à Londres auprès d’André Philip, à la direction de l’Intérieur et du Travail. Elle est chargée d’analyser les propositions de réforme que les comités d’étude de la Résistance ont établies, de les évaluer et de faire des contre-propositions qui sont communiquées aux commissions et au général de Gaulle : un rôle considérable, mais qui ne lui plaisait pas beaucoup. Elle souhaitait être parachutée au-dessus de la France pour aider à consolider les liens entre la résistance intérieure et la France libre. André Philip lui opposa un refus catégorique.
Le 15 avril 1943, une amie la trouva dans sa chambre, couchée à terre et prostrée. Elle fut transportée à l’hôpital du Middlesex où elle mourut le 24 août, victime de la tuberculose.
Toutes ces informations ont pour source le livre de Georges Hourdin Simone Weil aux éditions La Découverte.
Les œuvres complètes de Simone Weil sont publiées chez Gallimard.
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