"Le problème aujourd'hui, ce n'est pas un problème (...) de coût du travail, c'est un problème de coût des dividendes".
Antoine Léaument : Jean-Marc Ayrault rencontrait hier les partenaires sociaux en prévision du sommet social qui aura lieu en juin. Que pensez-vous de cette initiative ?
Martine Billard : Je crois qu’il est positif que soit renoué le dialogue social. Pendant les « années Sarkozy », les représentants syndicaux n'étaient convoqués que pour se voir assommer des décisions déjà prises. Il faut espérer que ces pratiques changent et qu'il y ait réellement négociation, d'autant qu'il y a urgence sur pas mal de dossiers. Il y a d’abord la question de l'augmentation du SMIC ; pour l'instant les annonces ne sont pas très positives, puisqu'il est question d'un petit coup de pouce et rien de plus. Il y a ensuite la question des plans de licenciements, puisqu'il semblerait que plus de 45 000 postes de travail soient en jeu dans quarante-six entreprises en France. Dans bon nombre de ces entreprises, il s'agit en fait de licenciements ou de fermetures uniquement pour des raisons financières ; ce ne sont pas des entreprises en difficulté. Si on prend ArcelorMittal, si on prend Unilever avec l’usine Fralib près de Marseille, si on prend Pétroplus, ces entreprises veulent licencier alors qu’elles sont bénéficiaires. Cette situation est inacceptable pour le Front de Gauche.
AL : Que peut-on faire face à cela ?
Martine Billard : Nous, nous proposons (
entre autres) deux mesures. La première est la création d’un droit de veto suspensif des représentants du personnel dans ces entreprises, de manière à pouvoir proposer des contre-plans. Il faut savoir qu’aujourd’hui, que ce soit chez Fralib à Gémenos, ou que ce soit à chez ArcelorMittal à Gandrange, les sections syndicales ont construit des contre-plans qui non seulement permettent le maintien de l'industrie en France, mais intègrent aussi les contraintes écologiques. Il s’agit une dimension fondamentale qui est aujourd'hui prise en compte par les syndicats. La seconde mesure est d’accorder un droit de préemption de l’activité par les salariés, notamment sur les entreprises qui sont utiles à la nation comme ArcelorMittal ou le thé Éléphant. De cette manière, les intérêts de la finance ne prévaudront pas sur les besoins sociaux et les nécessités écologiques.
AL : A propos des rencontres sociales organisées par Jean-Marc Ayrault, Jean-François Copé a déclaré qu’elles étaient
« à contretemps » et que le problème réel des entreprises françaises était leur compétitivité. Que pensez-vous de ces propos ?
Martine Billard : Ces dernières années, il y a eu plus de dividendes distribués que d'investissements réalisés. Il ne s’agit donc pas d’un problème de compétitivité. Le problème aujourd'hui, ce n'est pas un problème (comme essaie souvent de nous le dire la droite) de coût du travail, c'est un problème de coût des dividendes : si on distribuait moins d'argent aux actionnaires, il y aurait de quoi investir et donc de faire face à la concurrence internationale tout en payant mieux les travailleurs. C’est sur ce point qu’il nous faut mener une bataille idéologique et concrète, pour arriver à réduire la part qui revient aujourd’hui aux actionnaires et la transférer vers les salaires et les investissements, pour que les entreprises puissent faire face à la concurrence internationale. Mais ce qui est important, c'est que tous les pays puissent répondre à leurs besoins. L’objectif n'est donc pas de relocaliser toutes les entreprises en France pour aller ensuite casser les marchés des autres pays ; l’objectif est qu’à l'échelle des pays ou de zones géographiques déterminées, il puisse y avoir de l'emploi près des lieux de consommation. C’est de cette manière que l’on pourra réduire la circulation des marchandises et ainsi diminuer considérablement la pollution qu’elle génère.
AL : Vous êtes actuellement candidate sur la 5e circonscription de Paris pour un « troisième et dernier mandat ». Quels sont les enjeux pour le Front de Gauche dans cette circonscription ?
Martine Billard : Avant toute chose, il ne faut pas oublier que cette circonscription a été redécoupée, comme beaucoup d’autres,
en fonction des intérêts de la droite. Je suis sortante de l’ex-première circonscription, qui comprenait les quatre premiers arrondissements de Paris. Celle-ci ayant été supprimée, je me suis portée candidate sur la 5
e circonscription, qui regroupe les 3
e et 10
e arrondissements. Pour nous, il est important de maintenir une députée Front de Gauche sur Paris, – s'il y en avait plus, ce serait encore mieux (
rires)– de manière à défendre des politiques qui soient réellement de gauche et réellement écologiques, et de résister au diktat « austéritaire » de l'Europe. C'est pour cela que je me représente une dernière fois, parce que je considère qu’il ne faut pas rester députée à vie.
AL : Comment faites-vous campagne sur cette circonscription ?
Martine Billard : La campagne se fait de plusieurs manières : il y a d’abord les traditionnelles distributions de tracts. Nous en avons effectué plusieurs, notamment sur la question de la reconversion écologique et nous avons tenu une réunion sur cette thématique qui a regroupé beaucoup de monde et qui était, d'ailleurs, tout à fait passionnante. Nous avons fait un meeting place Bonsergent, dans la poursuite des meetings de rue du Front de Gauche. Marie-George Buffet y est venue pour me soutenir. Nous allons aujourd'hui avoir un rassemblement avec Jean-Luc Mélenchon, sur la thématique de la défense des services publics et de la résistance à l'austérité. Jeudi, nous aurons une réunion sur les questions de culture, qui est aussi une thématique très prégnante dans cette circonscription où vivent beaucoup de travailleurs de la culture – qui sont, d’ailleurs, souvent des salariés précaires. Nous aurons également un café politique sur les questions
LGBT contre les discriminations, notamment dans l'emploi, et une réunion de débat autour des libertés et Internet. Samedi 2 juin, nous organiserons aussi une « déambulation » dans les rues de la circonscription.
Nous utilisons aussi beaucoup les médias numériques. J’écris régulièrement des articles pour mon site de campagne, sur toutes les questions abordés par le Front de Gauche pour les législatives. Pour relayer la tenue de réunions, de débats et de meeting, j’utilise également ma page Facebook.
AL : Quels sont vos espoirs et vos ambitions pour cette élection ?
Martine Billard : Jean-Luc Mélenchon a fait 13,76 % sur la circonscription au premier tour de la présidentielle et, compte tenu des candidats et du paysage politique de cette circonscription, je pense que je peux être présente au deuxième tour. Les électeurs auraient alors à choisir entre la candidate du Parti Socialiste et moi, en tant que candidate du Front de Gauche.
AL : que ferez-vous si vous êtes élue ?
Martine Billard : Je me battrai à l'assemblée nationale dans le cadre d'un groupe Front de Gauche (que nous espérons plus nombreux que le groupe sortant, qui avait dix-neuf députés), pour porter toutes les propositions que nous avons définies dans le programme L'humain d'abord et notamment, de manière urgente, les questions des droits des salariés, l'arrêt de la répression contre les syndicalistes et l'augmentation du SMIC. Mais il y a aussi la question des femmes, avec la nécessité d'une nouvelle loi contre le harcèlement sexuel, puisque celle qui existait a été invalidée par le conseil constitutionnel, laissant les femmes qui en sont victimes sans possibilité de défense. Il y aura aussi la prise en compte, de manière urgente, des enjeux écologiques ; le sommet Rio +20 se tient au mois de juin et il faut absolument que nos concitoyens prennent conscience de l'importance de cette thématique. Ceci dit, je pense que bien souvent, les citoyens sont bien plus conscients sur ces questions que les dirigeants politiques. Mais si je suis élue, je me battrai en priorité sur chacun de ces thèmes.
AL : Et si jamais vous ne l’êtes pas ?
Martine Billard : Et bien, si je ne suis pas élue… je serai au chômage (rires). Mais bon, ça ne sera que la cinquième fois ou sixième fois de ma vie. La différence, c'est que ce ne sera pas au même taux, évidemment, donc je ne serai pas à plaindre… et puis, dans un an, je serai à la retraite.