Islamistes, trumpistes, mélenchonistes, lepénistes, la revanche des perdants
Nous assistons au plus effrayant épisode de l’Histoire. Tous les damnées, perdants et autres cocus du système se sont rassemblés en clans et sont prêts à en découdre avec le système. Les insoumis et les frontistes ont applaudi le Brexit, jugeant que le peuple avait triomphé. C’est au contraire le naufrage de la démocratie. Qui sont les électeurs du Brexit ? Beaucoup de vieux qui n’auront pas à subir les conséquences de leur vote dans dix ou vingt ans. De plus, l’électorat du Brexit est composé de gens moins instruits que ceux du camp inverse. La sortie du Royaume-Uni est une nouvelle qui plaira aux revanchards et aux velléités punitives. Surveiller et punir, c’est le titre d’un célèbre livre de Foucault. Cette formule s’applique à notre monde sauf qu’une nouvelle instance s’est légitimée pour surveiller et punir, c’est le peuple. Surveiller les élites de près et les punir si elles fautent. Ce n’est pas un signe de démocratie, c’est le signe que les gens ne se font plus confiance et c’est le naufrage de la démocratie.
Comment en est-on arrivé là ? Une hypothèse doit être examinée, celle d’un ressentiment des perdants. Beaucoup d’adhérents à ces mouvances populistes et punitives se considèrent comme des perdants. Dans un petit livre controversé, Hans Magnus Enzensberger a forgé la thèse d’une guerre civile moléculaire comme une possibilité à venir. Il a par ailleurs tenté d’expliquer le terrorisme islamique sur la base d’un ressentiment lié à une logique, celle du perdant radical. Le type qui se fait sauter est alors un pur produit du monde occidental gagné par les valeurs du marché et de la réussite matérielle. Le terroriste qui se suicide en se faisant sauter commet l’acte du mauvais joueur radical qui, se considérant comme ayant perdu la partie, s’emploie à détruire le terrain de jeu et ses équipes plutôt que de s’en prendre à lui-même. Et pour réaliser ce saut existentiel, on trouvera des prêcheurs capables de le convaincre que son échec et celui de tous les damnés de la misère du monde est causé par les mécréants qui se vautrent dans le consumérisme. Le jeu occidental serait faussé et il faudrait instaurer les lois révélées pour changer la règle du jeu pensent les islamistes. Derrière ces intentions ont trouvera le ressentiment des perdants. Les islamistes se considèrent comme les perdants de l’Histoire. Mais ne peut-on penser que les insoumis de Mélenchon ou les frontistes de Marine se ressentent un peu comme les perdants de la mondialisation ? Les électeurs du FN sont en grande partie les déclassés du système. Du côté de Mélenchon, on trouvera des déclassés, des aigris, des individus ayant peur d’être déclassés et des idéalistes.
S’il y a des perdants et donc des gagnants, c’est que le monde se conçoit comme un jeu. Et même se pense comme un jeu si l’on en croit les théoriciens du marché et du libre-échange. Le jeu n’est pas condamnable s’il est encadré par des règles respectées par tous les joueurs et qu’il y a de la place pour tous les acteurs. C’est lorsque le jeu envahit tous les secteurs de l’existence, les problèmes commencent. Par exemple, dans la politique. On entend souvent les médias commenter les mesures fiscales en pointant les gagnants et les perdants suite à une décision du gouvernement. Ce commentaire est complètement déplacé et illégitime. La fiscalité n’a pas pour objectif de décider des perdants et des gagnants mais d’instaurer une équité fiscale.
La masse des perdants se scinde en modérés et radicaux. On ne trouve que chez les islamistes des radicaux prêts à tuer, y compris se suicider. Concédons néanmoins que quelques extrémistes suprématistes blancs se réclamant de Trump sont radicalisés au point de prendre les armes et dézinguer quelques intrus. Chez les insoumis de Mélenchon ou les frontistes de Marine, on ne trouvera que des perdants modérés. Avec une colère s’exprimant dans les urnes ainsi qu’une espérance sincère mais remplie d’illusions et d’ignorances. Les perdants cherchent une raison à leur situation et souvent, conjurent leur désarroi en désignant des coupables sur le plan moral. Il y a le pur et l’impur. Pour les islamistes, l’impur c’est ce qui n’est pas halal mais aussi les mécréants. Pour les frontistes, l’impur c’est l’immigré et la communauté européenne ainsi que la finance. Pour la France insoumise, l’impur c’est la finance. Macron désigné comme banquier est disqualifié, il représente l’axe du mal. Il a gagné de l’argent, il est suspect, voilà ce que l’on entend du côté de Mélenchon et Marine. Derrière cette condamnation se dessinent en réalité de l’envie et de la jalousie. Combien d’envieux et de frustrés chez les populistes ?
Il y a 80 ans, beaucoup d’Allemands se considéraient comme perdants. Les uns fustigeant le traité de Versailles, les autres, s’en prenant à la finance internationale et aux juifs accusés des maux dont souffre le peuple germanique. Ils étaient pour la plupart anti-système (Kemplerer, LTI), le dit système désignant la république de Weimar, comme aujourd’hui peut l’être la communauté européenne, les partis traditionnels et les multinationales. Les Allemands anti-système ont amené Hitler au pouvoir en 1933. De nos jours, le fascisme politique à l’ancienne n’est pas une menace mais le populisme risque de conduire les pays occidentaux vers un lent naufrage. Le populisme, c’est un peu le fascisme du peuple.
Quel naufrage et quel dommage de ne pas pouvoir trouver un consensus d’espérance. Je suis certain que des agitateurs malsains jouent sur le marasme des citoyens et sur le « jeu » qui devient la figure métaphysique déterminante comme le fut celle du travailleur dans les années 30. Il y a des perdants qui ont une légitimité à se plaindre. D’autres non, comme cette petite bourgeoisie d’héritiers qui vote FN ou bien ces fonctionnaires bien lotis et gauchisant qui se glissent vers Mélenchon non sans quelque relent de nihilisme. A bon entendeur ! Pour rester juste, on doit reconnaître que parmi les gagnants, beaucoup sont méritants mais un bon nombre ont bénéficié des règles injustes du jeu et on même faussé leur jeu avec des combines. Alors, il n’y a pas de cliché, de méchants, de bons. Il reste une large minorité de crétins qui vont voter. Et qui peuvent faire basculer l’élection. Comme aux Etats-Unis.
L’année 2017 a été décisive pour ma gouverne. L’imbécillité des citoyens m’est devenue insupportable, comme le peuple, cette denrée vieille d’un siècle qui n’a plus cours mais qui est remise au goût du jour par des agitateurs populistes de gauche et de droite. Je ne me reconnais pas dans ce peuple. Ni dans les élites ni dans Michel Onfray avec qui je partage le constat mais pas l’analyse des ressorts profonds de ce lent naufrage causé par le matérialisme, les peuples de crétins et les castes élitaires des opportunistes prédateurs et carnassiers. Ce qui est rassurant, c’est que tout ce monde va mourir un jour ce qui rend possible un autre monde mais au possible, nul n’est obligé.
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