J’ai tout perdu le 7 mai 2007
Ce 7 mai 2007 au matin, je n’ai plus d’amis politiques. Moi, qui ai toujours été un libéral au sens noble du terme, j’étais, jusqu’à dimanche 6 mai, un électeur de droite. Le 6 mai, j’ai glissé un bulletin Ségolène Royal dans l’urne. Pour la première fois de ma vie, j’ai perdu. J’ai tout perdu en fait.
J’ai d’abord perdu une légèreté politique. Voter pour celui qui allait gagner, tout simplement parce qu’il va gagner. Cette légèreté permet d’avoir quelques mois de pure joie : Le sentiment d’avoir choisi son président, et donc, d’être dans une relation de proximité avec lui. « C’est moi qui l’ai mis là ». Toute puissance ressentie proportionnelle à la toute-puissance que l’on prête au président, en France.
Ensuite, j’ai perdu tous mes amis politiques. Après avoir enseigné, prêché même, auprès de mes proches, les vertus du libéralisme, autant morales qu’économiques, je me retrouve accusé de traîtrise, je suis l’objet de railleries.
Pourtant, c’est bien moi qui les ai convaincus que l’Etat n’avait pas sa place dans bien des circonstances, et qu’il fallait libérer les individus pour permettre la création, l’innovation, l’échange, et donc l’amélioration progressive des choses.
C’est à ce titre, aussi, que je ne soutenais pas dans ces élections Nicolas Sarkozy. Le nouveau président de la République n’a fait sa campagne que sur des idées dirigistes. Nous assistions à la promotion de l’étatisme et de la centralisation. Même si Nicolas Sarkozy propose un mouvement de balancier économique, il propose de l’effectuer, par sa main à lui.
C’est ainsi que ceux-là mêmes qui ont été convaincus par mon discours, discours qui alors amenait à voter à droite, m’accusent aujourd’hui de trahison. Un peu comme un enfant qui ne retient que la conclusion d’un problème mathématique, et pas le raisonnement qu’il faut mener pour le résoudre.
Dans ma démarche, j’ai perdu ceux qui m’avaient écouté, et qui ne m’avaient donc pas entendu.
J’ai perdu aussi tous mes amis parce que, au-delà de ne pas soutenir ni voter pour le candidat de la droite, je l’ai régulièrement attaqué. Oui, je prétends que Nicolas Sarkozy fait courir un risque à notre démocratie.
Je pense que la réforme du calendrier électoral, alliée au quinquennat, inscrit dans le fonctionnement de notre pays, que le président élu obtient, de facto, les pleins pouvoirs pendant cinq ans. Pleins pouvoirs qui ne sont remis en cause par aucune autre institution. Pleins pouvoirs que notre presse a du mal à attaquer de front.
Je suis convaincu aussi, que notre système est trop personnalisé pour ne pas être malmené par une personne comme Nicolas Sarkozy.
Enfin, à ceux qui prétendent que la gauche est incapable d’amener la prospérité, ce qui me semble un jugement bien arbitraire, je réponds que je préfère courir le risque de perdre quelques points de croissance que courir le risque de perdre la liberté et la république.
J’ai donc attaqué Nicolas Sarkozy, et je continuerai. Non seulement parce que je ne suis pas d’accord avec lui, mais parce qu’en l’absence de ces attaques, cet homme a tout, dans sa personnalité, et dans les faits, pour réduire les libertés, corrompre l’esprit de notre république, et enfermer les individus dans une forme de dictature.
Non seulement j’ai perdu des amis, mais je n’en ai pas trouvé de nouveaux. Mon engagement de libéral antisarkozyste ne trouve aucun bon accueil du côté gauche de notre politique.
Le Parti socialiste, fermé sur ses batailles internes, considère que les gens de droite sont irrécupérables. En ce matin du 7 mai 2007, je tends l’oreille à celui qui, au micro de France Inter, en tant que premier secrétaire du PS, doit donner une explication à l’échec de son parti aux présidentielles : « c’est que les Français sont majoritairement de droite ».
Je suis alors traversé par un frisson d’angoisse. Partant de cette conclusion, le Parti socialiste n’engage aucune démarche pour accueillir ceux qui comme moi, changeraient de position. Il n’y a aucune place pour moi dans cette vision. Au titre qu’il a jugé définitivement que les Français sont de droite, François Hollande ne place aucun espoir dans les individus. Je ne vois donc pas pourquoi un individu, moi par exemple, placerait un quelconque espoir dans François Hollande.
Au total, j’ai perdu un peu d’insouciance, la confiance de ceux qui m’écoutaient sans m’entendre, la camaraderie de ceux qui partageaient mes conclusions, et l’espoir même de trouver de nouveaux camarades. Notre démocratie est bien menacée aujourd’hui. L’enjeu n’a jamais été aussi grand. Je ne me suis jamais senti aussi seul.
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