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Accueil du site > Actualités > Politique > Jacques Delors votera-t-il pour Emmanuel Macron ?

Jacques Delors votera-t-il pour Emmanuel Macron ?

« Bien sûr que je voterai, mais je préfère rester à l’écart de tout ça. Je ne serai pas utile. » (Jacques Delors, le 3 novembre 2021 dans "Le Point").

S’il y a bien une personnalité politique à laquelle le Président de la République Emmanuel Macron voudrait se référer, c’est bien Jacques Delors : l’ancien Président de la Commission Européenne, qui a à son actif d’avoir négocié le tournant de l’Europe après la Réunification de l’Allemagne et l’effondrement de l’URSS, avec le Traité de Maastricht (approuvé en France par le peuple français, rappelons-le !) qui a institué l’euro, la monnaie unique, qui a aussi, auparavant, réalisé l’Acte unique, qui a permis en particulier la correspondance des diplômes universitaires et l’harmonisation de nos vies quotidiennes, qui a également construit l’Espace de Schengen, représente ce qu’Emmanuel Macron considère comme un bâtisseur d’Europe (pas un père, car l’Europe était déjà née avant lui). Au même titre que Valéry Giscard d’Estaing, à l’origine du suffrage universel direct pour élire le Parlement Européen et de l’institution du Conseil Européen.

Mais ce n’est pas seulement sur la construction européenne qu’Emmanuel Macron peut se sentir proche politiquement de Jacques Delors. C’est également sur cette analyse que le clivage du paysage politique en deux camps, à droite et à gauche, ne correspond plus à la réalité sociologique du pays. En fin de compte, ce clivage a explosé en 2017 et vraisemblablement, cette explosion n’est pas fortuite et sera confirmée dans quelques jours, le 10 avril 2022 : ni LR ni le PS ne constituent désormais des réservoirs du possible au gouvernement (même s’il ne faut pas négliger l’importance des élections législatives des 12 et 19 juin 2022).

En décembre 1994, Jacques Delors, ancien Ministre de l’Économie et des Finances du Président François Mitterrand de 1981 à 1984, en fin de second mandat à Bruxelles, était en tête, et largement en tête, de tous les sondages. Son avantage, c’était qu’il était apprécié par les électeurs du camp opposé (centre droit), tandis que les électeurs de son camp (gauche) étaient plutôt réticents à se laisser vampiriser par lui, sauf si c’était pour gagner à une époque où, depuis 1993, confirmé en 1994, le PS était nettement démonétisé. Il n’a pas osé franchir le pas, il n’a pas osé l’aventure, déjà trop fatigué.

Le rêve de Jacques Delors était de réunir le centre gauche et le centre droit et de proposer une politique assumée d’intégration européenne et de progrès économique et social. Cela ne vous rappelle pas quelqu’un ? Bien sûr, c’est exactement le positionnement national d’Emmanuel Macron, et entre les deux, François Bayrou avait également tenté l’aventure, principalement en 2007, avec un certain succès mais insuffisant.

Le "problème" de Jacques Delors, c’est qu’il est resté fidèle au PS, par fidélité politique mais aussi familiale. Même si elle est plutôt discrète au niveau national, sa fille Martine Aubry reste l’un des derniers ténors, l’un des derniers éléphants du PS à se maintenir au PS en 2022. C’était difficile pour Jacques Delors en 2017 avec la candidature de Benoît Hamon, c’est encore plus difficile en 2022 avec la candidature de la maire de Paris Anne Hidalgo, soutenue activement par Martine Aubry et par Lionel Jospin (moins activement par François Hollande qui était, rappelons-le, le responsable du transcourant deloriste au sein du PS dans les années 1990), car elle n’a rien compris à la gauche de gouvernement, elle n’a rien appris, elle est partie dans un trip de gauche alternative de témoignage qui veut se faire plaisir sans se préoccuper de vouloir gouverner et prendre en compte les contraintes extérieures.

Alors, bien sûr, Jacques Delors ne prendra certainement pas position officiellement. Il restera prudemment dans la discrétion de son vote, qui est, rappelons-le aussi, libre et sincère, et donc, pour qu’il n’y ait pas de pression, secret, sauf pour ceux qui s’exposent et font campagne, bien sûr.

Quand il a quitté la Présidence de la Commission Européenne, Jacques Delors allait atteindre l’âge de 70 ans, un âge respectable pour se retirer de la vie politique active et prendre sa retraite. Certains créent alors des fondations humanitaires, lui a créé un institut, un « groupement d’études de recherches sur l’Europe », appelé Notre Europe (le "notre" est le mot principal) et qui s’appelle désormais Institut Jacques-Delors, actuellement présidé par Enrico Letta, un grand Européen francophile et ancien Président du Conseil italien.

Maintenant, Jacques Delors s’achemine tout doucement vers son 97e anniversaire qu’il fêtera cet été. Profondément affecté, il avait gardé secret le décès de son épouse en pleine campagne des municipales en juin 2020 (sa fille menait une campagne difficile à Lille). À ses 95 ans, le 20 juillet 2020, le Président Macron lui avait souhaité un chaleureux anniversaire sur Twitter : « Je souhaite un très bel anniversaire à Jacques Delors. Il nous a toujours montré que rien n’était impossible en Europe quand on a du courage et de l’ambition. ». Un tweet envoyé depuis Bruxelles où le Conseil Européen se réunissait pour convenir d’un gigaplan de relance à la suite de la première vague du covid-19 qui avait plombé l’économie mondiale.

Intellectuellement exigeant et politiquement dubitatif, Jacques Delors n’est toutefois pas dupe et comme il ne souhaite pas être instrumentalisé, il refuse donc de prend part à la campagne. Il était d’ailleurs lucide et sincère quand, interrogé par Jérôme Béglé, Emmanuel Berretta et Sébastien Le Fol dans un entretien à l’hebdomadaire "Le Point" publié le 3 novembre 2021, il a expliqué à propos d’Emmanuel Macron : « Toute sa politique démontre qu’il n’est pas social-démocrate. La vie politique s’est affaiblie. Le rôle déclinant du Parlement est un avertissement pour nous. », sans préciser d’ailleurs qui est le "nous", s’agit-il des "socialistes", des Français en général ?

Néanmoins, le 12 décembre 2021, le journal "La Croix" a cru bon de publier un article intitulé : "Le discret soutien de Jacques Delors". La raison ? La vision européenne du Président, dévoilée, certes, à la conférence de presse du 9 décembre 2021 au cours de laquelle il allait présenter le programme de la Présidence française du Conseil de l’Union Européenne du premier semestre 2022, mais aussi au cours d’une intervention trois jours auparavant.

Effectivement, le 6 décembre 2021 dans la soirée, l’Institut Jacques-Delors a fêté son 25e anniversaire à l’Odéon-Théâtre de l’Europe à Paris, en présence du Président de la République Emmanuel Macron et de bien d’autres invités prestigieux. Jacques Delors, lui-même absent de la cérémonie, était pourtant présent par la lecture d’un message lu par un proche, ancien commissaire européen, Pascal Lamy.

Dans ce message, Jacques Delors a d’abord rappelé une évidence que les complotistes oublient généralement : « La construction européenne n’est pas un programme préparé de toute pièce, une procédure à exécuter, un dessein miraculeusement irréversible. Ce n’est jamais un long fleuve tranquille, vous en faites l’expérience. Nous devons sans cesse repenser l’Europe au regard de ce qui a été réalisé, de ce qui a fonctionné ou non et au regard de l’état du monde si mouvant et si brutal. Ce serait céder à la paresse intellectuelle et manquer de courage politique que de s’en tirer aux arbitrages passés, au statu quo. ».

C’est exactement la philosophie volontariste d’Emmanuel Macron. Mais il y a encore plus de proximité avec celle-ci lorsque l’ancien Président de la Commission Européenne a lancé : « L’Europe au commencement a été pensée comme un projet de paix. Elle doit aujourd’hui se penser aussi comme puissance ; une puissance en devenir, responsable et généreuse dans le monde. (…) Affirmer notre Europe, en soulignant le "notre", signifie à la fois que l’Union nous appartient à tout un chacun mais aussi qu’elle est plurielle par essence. Qu’elle est à la fois un bien commun à préserver et une œuvre collective à poursuivre. ».

Et cette petite phrase qui vaut adhésion au programme européen du Président Macron : « Je me félicite que la Présidence française du Conseil de l’Union ait choisi de mettre en avant la notion d’appartenance à l’Europe. C’est une appartenance à double sens : l’Europe nous appartient autant que nous appartenons à l’Europe. ».

Et de préciser sa pensée qui est aussi celle de la France et de son chef d’État : « Pour tous nos pays, appartenir aujourd’hui à l’Europe, c’est refuser de se laisser appartenir à la Chine, à la Russie ou même de s’aligner docilement sur les États-Unis. C’est refuser que notre continent de nouveau se divise et laisse son destin lui échapper. ».

Mais "en même temps" : « Appartenir à l’Europe ne signifie pas non plus se détacher de son pays. Au contraire, c’est lui être fidèle. Comme Albert Camus, "j’aime trop mon pays pour être nationaliste". Le projet européen n’a jamais été l’ennemi des nations, qui ne peuvent s’épanouir isolément. Quel meilleur gage de rayonnement pour chacune d’elles que son engagement européen ? » (Source : Institut Jacques-Delors).

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Depuis le 1er janvier 2022, Emmanuel Macron s’active et se démène pour faire justement en sorte que l’Europe devienne une puissance, elle l’est déjà économiquement, mais tout reste à faire politiquement. L’absolue unité dont elle a fait preuve depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine a montré que nous y parviendrons d’une manière ou d’une autre.

À ce message amical de Jacques Delors, le Président de la République a répondu dans ce même sentiment que tout reste à faire pour relancer la construction européenne. Avant sa conférence de presse du 9 décembre 2021, il avait ainsi lâché quelques éléments du puzzle européen avec trois maîtres mots : « relance, puissance, appartenance » qui sont les trois axes actuels de la Présidence française : « Nul n’ignore le débat public dans notre pays en ce moment (…). Quand les choses deviennent difficiles, on dit : c’est la faute de l’Europe. ».

Pour le chef de l’État, l’Europe puissance, c’est : « Une Europe qui pourra faire ses propres choix, militaires, technologiques, culturels, de valeurs. (…) Nous avons des débats provinciaux, là où les vrais sujets sont de savoir ce que nous voulons devenir rapport au modèle chinois, au modèle américain. ».

Et le futur candidat Emmanuel Macron a donné un exemple de la puissance de l’unité européenne avec la vaccination contre le covid-19 : « C’est un acquis formidable, on a pu vacciner grâce à l’Europe ! Sans elle, abandonnée aux égoïsmes nationaux, on n’aurait sans doute pas pu vacciner notre population. (…) Soyez nationalistes, vous Hongrois, soyez nationalistes, Polonais ou Français, vous ne seriez pas vaccinés, ou imparfaitement. Peut-être que vous auriez eu vos amis russes pour vos donner le [vaccin] Sputnik qui n’est toujours pas homologué par l’OMS ? Bon courage ! Vous n’êtes vaccinés avec les meilleurs vaccins au monde que parce que vous êtes Européens. ».

En revanche, Emmanuel Macron a rejeté catégoriquement le diktat des fonctionnaires européens qui demandait de bannir des expressions comme "Mesdames et Messieurs" ou "période de Noël" au profit de formules plus neutres : « L’Europe qui vient expliquer aux gens ce que devraient être les mots à dire ou ne pas dire n’est pas une Europe à laquelle j’adhère totalement, c’est un peu n’importe quoi ! ». Et d’ajouter : « L’Europe, c’est celle qui tresse nos cultures nationales et les rend plus fortes par le dialogue, pas celle qui les désagrège. ».

Alors, Jacques Delors a-t-il été séduit par cette notion de souveraineté européenne et d’Europe puissance d’Emmanuel Macron ? Évidemment, oui, comment cela pourrait-il en être autrement alors qu’Emmanuel Macron est le seul dans la classe politique, du moins parmi les candidats à l’élection présidentielle, à se prévaloir d’un véritable volontarisme politique ? Jacques Delors votera donc probablement pour Emmanuel Macron, mais chut ! Il ne faut que pas sa fille le sache…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (27 mars 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Jacques Delors votera-t-il pour Emmanuel Macron ?
Jacques Delors aurait-il pu être le précurseur d’Emmanuel Macron ?
Jacques Delors, l’honneur de la France et de l’Europe.
Institut Jacques-Delors (créé en 1996).
Qui peut remplacer Jacques Delors en 2014 ?
L’occasion ratée de 1995.
Martine Aubry.

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19 réactions à cet article    


  • jacques 29 mars 2022 11:45

    Allez sur le site de la SEAP , vous comprendrez (mais j’ai des doutes)


    • pierre 29 mars 2022 16:26

      @jacques
      Bien vu pour la SEAP, je viens de voir qu’ils sont noyautés pas la société Kellen basée à Chicago....


    • Gégène Gégène 29 mars 2022 11:47

      ce truc bouge encore ???


      • Clark Kent Kaa 29 mars 2022 11:54

         « Jacques Delors votera donc probablement pour Emmanuel Macron, mais chut ! Il ne faut que pas sa fille le sache… »

        Et pour qui votera Martine Aubry, à votre avis ?


        • Clocel Clocel 29 mars 2022 11:55

          Pouah !


          • Octave Lebel Octave Lebel 29 mars 2022 13:02

            Sans mystère oui, puisqu’ils travaillent et ont travaillé et vont travailler si nous les laissons faire pour servir les intérêts des mêmes forces économiques.Franchement, c’était une question facile.


            • troletbuse troletbuse 29 mars 2022 13:08

              Tiens, je pensais qu’il était crevé. Pas de photo récente pour voir son état ?  smiley


              • pierre 29 mars 2022 16:13

                @troletbuse
                il arrive tranquillou à ses 100ans, le business cela conserve , depuis 1944 .....
                que se passait il en 44 ?
                Cela me rapelle la méthode ibm, former un max d’étudiants à leur système et leur langage une fois à haut niveau ils n’hésiteront pas devant le choix du constructeur.


              • chapoutier 29 mars 2022 16:01

                bonjour aux gestionnaires d’agoravaox
                pouvez-vous me dire pour quelles raisons j’ai trois articles bloqués en modération à +4 depuis le 20 mars
                cordialement


                • pierre 29 mars 2022 16:33

                  @chapoutier
                  bonne question et bon courage


                • taketheeffinbus 30 mars 2022 07:17

                  @chapoutier

                  C’est simple, la modération par les pairs n’est plus un outil démocratique sur Agoravox depuis longtemps et n’est plus que consultatif.

                  Certains articles comme ceux de rakoto sont automatiquement diffusé, tandis que tous ceux qui ne rentrent pas dans la ligne éditoriale de celui/ceux qui valident les articles de ceux qui publient sont refusés.

                  Agoravox n’est plus du tout ce qui se prévalait, c’est un outil d’opposition contrôlée.


                • Lynwec 29 mars 2022 16:27

                  Probablement la question cruciale que se posent tous les Français au moment de s’endormir et qui les prive de sommeil.

                  C’est un véritable sacerdoce que de s’infliger la torture de devoir écrire sur de tels « non-sujets »...

                  Du point de vue du lecteur, le titre suffit amplement.


                  • sirocco sirocco 29 mars 2022 19:26

                    @Lynwec

                    P’tain, y fait chier Rakoto avec sa question-titre : depuis, j’en dors plus !  smiley


                  • zygzornifle zygzornifle 29 mars 2022 17:21

                    Normal que Macron aime « de l’or en barre » et que Delors aime Macron l’adorateur du veau d’or, Macron est comme les pies il est attiré par tout ce qui brille sauf l’intelligence ....


                    • ZenZoe ZenZoe 29 mars 2022 17:24

                      Sans blague, il est toujours vivant celui-là ?



                        • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 29 mars 2022 19:32

                          Et la mèremptoire de Lille , elle fait quoi ?


                          • BA 29 mars 2022 20:01

                            L’enquête qui jette le soupçon sur le patrimoine d’Emmanuel Macron.


                            Le président de la République détiendrait-il de l’argent placé dans un paradis fiscal  ? Les journalistes Jean-Baptiste Rivoire et Gauthier Mesnier, co-auteurs d’un documentaire-enquête diffusé ce mardi sur le site d’Off Investigation, soupçonnent qu’une part de la rémunération versée en 2012 par la banque Rothschild à l’actuel locataire de l’Élysée l’ait été dans un trust à l’étranger.


                            Sur ses déclarations à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), Emmanuel Macron ne déclarait que 156 000 euros de patrimoine en 2014, 500 000 euros en 2022. Des sommes qui ont étonné, alors que l’intéressé avouait lui-même avoir perçu près de 3 millions d’euros entre 2009 et 2013.


                            En enquêtant sur cette étrange disparition, Jean-Baptiste Rivoire, ancien responsable de l’investigation à Canal Plus, et Gauthier Mesnier n’ont pas trouvé la trace de cet argent, mais ont soulevé un autre lièvre  : Emmanuel Macron pourrait avoir perçu bien plus que 3 millions d’euros chez Rothschild.


                            Un documentaire-enquête devant être diffusé ce mardi sur le site d’Off Investigation émet de sérieux doutes sur les honoraires reçus par le chef de l’État en 2012 à l’occasion du rachat par Nestlé d’une filiale de Pfizer. Une source anonyme affirme que la banque Rothschild avait coutume de verser une part importante de ce type de rémunération sur des structures opaques dans des paradis fiscaux. Si des éléments matériels manquent, le documentaire d’Off Investigation « Patrimoine de Macron  : où sont passés les millions  ? » met en lumière de sérieux soupçons sur le patrimoine d’Emmanuel Macron.


                            L’Humanité : Pourquoi doutez-vous que, dans le cadre de l’acquisition par Nestlé d’une filiale de Pfizer en 2012, Emmanuel Macron ait perçu plus que ce qu’il n’a déclaré  ?


                            Jean-Baptiste Rivoire : En avril 2012, Emmanuel Macron a un rôle absolument clé dans ce deal énorme, qui est le rachat de la branche nutrition infantile de Pfizer par Nestlé pour plus de 9 milliards d’euros. D’après les chiffres qui circulent dans les banques d’affaires, pour une acquisition comme celle-ci, la banque qui l’a menée touche entre 0,5 et 1,5 % du montant du deal. Rothschild aurait donc touché entre 45 et 135 millions d’euros.

                            Ensuite, la question c’est combien gagnent les différents associés de la banque. Or, Emmanuel Macron était en première ligne. C’est lui qui a fait de Nestlé un client de Rothschild puis qui, en un week-end, les a convaincus de faire la proposition déterminante, alors que les négociations entre Pfizer et Danone capotaient. Dès lors, nos sources estiment qu’il aurait très probablement touché entre 5 et 10 millions de «  bénéfices industriels et commerciaux  ».


                            L’Humanité : Or, il n’a déclaré à la HATVP, en 2014, que 720 000 euros pour l’ensemble de ses bénéfices industriels et commerciaux touchés en 2012. Où serait parti cet argent  ?


                            Jean-Baptiste Rivoire : Une personnalité proche de la banque Rothschild qui n’apparaît pas à visage découvert dans notre enquête, mais est une personnalité bien connue, nous en a dit un peu plus. Elle nous explique que cette banque franco-britannique a conclu des arrangements avec Bercy dans les années 2000 pour que les honoraires de ses associés gérants ne soient pas forcément fiscalisés en France. Cette source nous dit que chez Rothschild, une partie minoritaire de ces rémunérations est versée sous forme de salaire, en France. Et une partie importante serait versée à l’étranger, dans des trusts qui ne sont même pas au nom des associés gérants ou de la banque.

                            L’hypothèse de notre source, qui ne sait pas où serait le trust de Macron, soyons clair, c’est que Rothschild étant franco-britannique, ces structures opaques seraient installés à Jersey, Guernesey ou sur l’île de Man. Nous n’avons pas de preuve absolue mais, ce qui nous trouble, c’est que quand on contacte l’Élysée et Rothschild, avec des éléments précis, on n’a pas le début d’une réponse.


                            L’Humanité : Cette évasion ou optimisation fiscale serait-elle illégale  ?


                            Jean-Baptiste Rivoire : Il y a plusieurs zones d’ombre. D’une part, ce compromis accepté par Bercy n’autorise pas la banque Rothschild à verser les rémunérations de ses collaborateurs dans des paradis fiscaux, mais cela aurait été le cas dans les faits. Par ailleurs, ces fameux trusts ne sont pas au nom de la personne concernée, ainsi ce n’est pas à proprement parler illégal. De ce point de vue, Emmanuel Macron ne serait pas un fraudeur fiscal. Mais les vrais bénéficiaires de ces trusts peuvent demander ensuite qu’on libère les fonds mis à l’abri, et un avocat missionné par Rothschild les verse alors sur un compte souhaité par la personne.

                            En revanche, dans sa déclaration à la HATVP, Emmanuel Macron a l’obligation de déclarer la totalité de ce qu’il possède. Il ne peut pas omettre le fait que des sommes importantes lui aient été remises à l’étranger. Ce ne serait donc pas fiscalement répréhensible, mais il pourrait tomber dans le délit d’omission d’une partie de son patrimoine.


                            https://www.humanite.fr/politique/emmanuel-macron/lenquete-qui-jette-le-soupcon-sur-le-patrimoine-demmanuel-macron-743752


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