Jeux Olympiques sur fond de polémique

Sept ans non pas au Tibet, mais accordés à la Chine pour s’amender. C’était l’hypothétique feuille de route donnée, officiellement, par le CIO à la République “démocratique” de Chine. Officiellement seulement car il y a belle lurette que les gestionnaires de la marque olympique ont abandonné toute morale au profit du business, fût-ce avec le diable. N’ayez crainte, ces JO de la honte auront bien lieu. Reste à savoir la place que la contestation et la dénonciation de la violation des droits de l’homme y tiendront.
Une seule chose est sûre, ce n’est pas Bernard Kouchner qui endossera les habits de procureur. Engoncé dans sa queue de pie de ministre des Affaires étrangères de la défunte patrie des droits de l’homme, l’ancien french doctor manifeste depuis son entrée en fonction un détestable cynisme.
Il aura fallu attendre dix interminables jours pour que l’Elysée et non le ministre des Affaires étrangères se résigne face à la pression de l’opinion publique à prononcer une timide mise en garde à l’encontre des autorités de Pékin. Nicolas Sarkozy a appelé son homologue chinois Hu Jintao à propos des incidents survenus au Tibet à “la retenue et à la fin des violences par le dialogue” et a fait part “de sa profonde émotion à la suite des événements tragiques récents”.
Jack Lang a parfaitement synthétisé les nombreuses interrogations qui entourent l’attitude du Quai d’Orsay. “Au nom de leur passé commun”, l’ancien ministre de la Culture a demandé dimanche sur le plateau de l’émission Le Grand Rendez-vous (Europe-1/TV5Monde) à son ami Bernard de sortir de son mutisme : « Bernard, sors de ta réserve ! Tu dois sur un sujet aussi vital, pour lequel tu t’es battu tout au long de ta vie, t’exprimer avec force, avec clarté, avec netteté. » « Que sont devenues les paroles enflammées et justes que tu prononçais quand nous avons été ensemble ministres de François Mitterrand, a-t-il ajouté. Se sont-elles envolées, telles de feuilles mortes sous les lambris des palais ministériels ? »
Bernard Kouchner s’est en fait déjà exprimé à plusieurs reprises sur la question tibétaine, mais avec une timidité, une réserve que beaucoup jugent coupables. Après avoir jugé “intéressante” la proposition de boycott de la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques par tous les chefs d’État, mais il s’est ravisé le lendemain en affirmant que l’idée était “irréaliste”. Estimant que les Chinois “ont fait des progrès formidables”, le ministre des Affaires étrangères a limité sa demande, sous prétexte de réalisme élémentaire, à ce que les journalistes puissent se rendre sur place, en précisant que cette exigence pouvait être présentée « de façon suffisamment objective pour que nos amis chinois la comprennent ».
Plus pervers, Pierre Moscovici a estimé contrairement à Jack Lang que Bernard Kouchner avait fait preuve « avec sa sensibilité » de la fermeté requise pour mieux faire porter la responsabilité au seul président de la République.
La question n’est plus celle d’un éventuel boycott, idée largement abandonnée, mais celle “d’une action politique courageuse” pour dénoncer les violations systématiques des droits de l’homme, estime Robert Ménard, président de Reporters sans frontières.
“Les JO sont une formidable opération de relations publiques pour la Chine. Alors raison de plus pour maintenir la pression”, estimait de son côté Pierre Moscovici. Comment s’y prendre est donc la question essentielle. On ne peut en effet qu’être dérangé face à une politique de l’autruche, à la tiédeur affairiste des démocraties devant un régime chinois dont la puissance fait peur. Pékin, ce n’est pas Berlin et, pourtant, ces deux olympiades présentent de sinistres similitudes. La peur économique, de perdre des marchés colossaux, s’est substituée à la peur militaire. Au XXIe siècle, les conflits sont essentiellement économiques.
C’est justement pour des raisons économiques intérieures, que les autorités françaises ont troqué la Déclaration des droits de l’homme contre le carnet de chèques et la signature de bons de commande. A vouloir ménager la chèvre et le chou, la France emmenée par le président Sarkozy risque de perdre sur les deux tableaux. La mollesse des réactions françaises place notre pays à la traîne de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne.
Au soir de son élection pourtant, Nicolas Sarkozy avait promis que la France serait “aux côtés de tous ceux qui sont persécutés par les tyrannies et par les dictatures”. Des promesses sans lendemains comme beaucoup d’autres, à l’image d’une Rama Yade ramenée à un rôle de potiche. Décorative, mais silencieuse.
Beaucoup d’affichage et peu de fond. Une situation d’autant plus gênante que la France sera présidente de l’Union européenne au moment des JO.
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