Journalisme politique : quand la mayonnaise tourne au vinaigre
Les journalistes, à force de servir la soupe aux politiques, ont fini par s'attabler, s'autorisant à festoyer avec eux.
Quel est le problème des journalistes politiques aujourd'hui ? Cette incursion systématique dans un domaine qui n'est pas le leur : débattre face aux politiques comme s'ils étaient leurs égaux, quand leur travail consiste à les amener à exposer leurs vues.
Le banquet réunissant journalistes et politiques est de fait voué au pujilat. La concurrence du pouvoir entre les deux en est tout simplement la cause.
Lors de la passe d'armes entre Marine Le Pen et Laurent Joffrin l'autre jour, on n'avait plus un journaliste face à un politique, mais deux politiques s'évertuant à faire passer leurs idées comme étant les meilleures. De fait, on a été privé de journaliste ce soir-là.
On n'est du reste pas les seuls à être privés, la presse elle-même se prive de sa liberté chérie : "la liberté d'expression". Car en jouant aux apprentis politiques, les journalistes se tirent une balle dans le pied ; ils deviennent partisans. Ce faisant, ils s'interdisent tout propos qui malmènerait le camp auquel ils font allégeance, portant atteinte eux-mêmes au principe de la liberté d'expression.
Les présentateurs journalistes rêvent tous du "bon client" pour leur audimat, mais peinent à leur partager le vedettariat. Et puisque leur neutralité est passablement ébranlée, le "client" lui-même n'est plus qu'un prétexte à l'expression de leur propre valeur. Casser du Le Pen ne suffit pas. Preuve en a été faite en paroles, sinon en actes.
PS (si je peux me permettre...)
Marine Le Pen a déclaré l'autre matin sur RMC que son père et celui de Laurent Joffrin étaient proches. Joffrin a cru bon de répondre à ce qu'il a jugé une attaque.
Sur les quelques propos de Joffrin sur le site du Nouvel Obs :
"Depuis plus de quarante ans, j’ai des idées opposées à celles de mon père."
"Idées opposées" ne signifie pas "Idées différentes"...
"J’ai rencontré deux ou trois fois Jean-Marie Le Pen dans les années 70, dont une fois en vacances, quand il était un personnage plutôt marginal. J’étais jeune journaliste, tout m’intéressait. C’est un métier où l’on rencontre toutes sortes de gens. J’ai ainsi parlé, dans ma carrière, avec des terroristes, des braqueurs, des apparatchiks staliniens en Pologne ou en Chine, un trafiquant de drogue au Mexique".
Tout et n'importe quoi ? Une erreur de jeunesse ? Parce qu'aujourd'hui tout n'intéresse plus Joffrin ? Ça s'appelle faire amende honorable.
Le parallèle établi entre Le Pen et les terroristes, braqueurs, trafiquants etc., met en évidence l'intention délibérément morale du discours de Joffrin. Au nom de quoi un journaliste peut-il se réclamer du Bien, quand on lui demande simplement d'exercer son métier de journaliste, et non de se positionner en homme politique, comme s'il était en campagne ?
De plus, rencontrer Le Pen en vacances n'est pas équivalent à rencontrer des terroristes dans le cadre de son travail. Joffrin aurait-il aussi par hasard rencontré des terroristes en vacances ?
" La vraie discussion, on en conviendra, porte sur le projet du Front national, dont je maintiens, sans m’énerver, qu’il n’est pas républicain. Je suis prêt à en reparler avec Madame Le Pen quand elle le souhaitera."
"Sans m'énerver"
Par ces mots, Joffrin ne répond pas "aux accusations de Marine Le Pen" comme l'affirme le titre de son article, mais à celles des internautes qui s'étaient exprimés sur son site précédemment.
"Je suis prêt à en reparler avec Madame Le Pen quand elle le souhaitera."
Oui. Mais si Joffrin a rencontré Jean-Marie Le Pen dans sa jeunesse pour l'unique raison que tout l'intéressait à cette époque et qu'il était jeune journaliste, pourquoi voudrait-il donc aujourd'hui débattre avec sa fille, s'il considère qu'elle est le vulgaire copié-collé politique de son père ?
"La vraie discussion, on en conviendra, porte sur le projet du Front national."
Alors pourquoi avoir dit sur France 2 que Marine Le Pen vivait dans un château ?
Enfin, en ce qui concer la réaction de Joffrin suite aux déclarations de Le Pen sur RMC, je tiens à préciser ceci :
Sur le site du Nouvel Obs, se trouve un espace où il est possible de réagir aux articles publiés par le journal. Les interventions des internautes sont habituellement nombreuses, et publiées. Notez un détail intéressant. Aujourd'hui, si vous allez sur le site du Nouvel Obs, vous vous rendrez compte que presque toutes les "réactions" des internautes ont été bloquées, rendant de fait la contradiction impossible à la réplique de Laurent Joffrin. En d'autres termes, l'espace dédié aux réactions des lecteurs a été censuré. C'est ce qu'on appelle la solution finale. Par ce moyen très simple, Laurent Joffrin a coupé la parole à tous ses contradicteurs (mais aussi à ses supporters). La liberté de parole selon Joffrin, c'est ça. L'hypocrisie a été poussée plus loin, dans la mesure où on peut de fait réagir aux différents articles (le "bouton" "réagir" est encore actif, donnant l'impression qu'on peut s'exprimer. Seulement, rien n'est publié ! Allez sur le site du Nouvel Obs, ça vaut vraiment le coup d'oeil. À qui Laurent Joffrin va faire croire, sur le site de son propre journal, que personne n'a réagi à sa réponse donnée à Marine Le Pen ?
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