Juppé aux Affaires Etrangères ... mais pas étranger aux affres
Il y a les remaniements que l'on annonce, même parfois avec plusieurs mois d'avance, ceux que l'on se retrouve obligé de faire, en général, dans l'urgence et, désormais, dans notre chère République, les "shadows-remaniements".
Souvenez-vous.
Novembre 2010, le remaniement annoncé depuis le printemps nous amène entre autre et principalement, MAM aux Affaires Etrangères. Il devait être le dernier du quinquennat pour que Sarkosi puisse disposer d'un gouvernement "fort et en ordre de bataille" en vue de la prochaine élection présidentielle.
Patatras ! Ne voila-t'il pas qu'au sein même de sa glorieuse Union Pour la Méditerrannée où Moubarak et Ben Ali avaient de beaux rôles, les populations de ces pays décident (Ah, les goujats !) de se priver des "bons" et très intéressés services de leurs dirigeants. Et pas de la manière douce. A grands coups de pieds dans le fondement !
Pour la nouvelle année, Sarkosi ouvre les cadeaux que lui a apportés Petit Papa Noël avec les étrennes en supplément. Dans un joli paquet noué d'un foulard de soie, il découvre que ce n'était pas, mais alors vraiment pas du tout, ce qu'il avait demandé. Le seul couple de son gouvernement (et de tous les précedents) allant, en famille, faire des amitiés très intéressées à un grand copain d'un de ceux qui viennent de se faire botter en touche. Et quelle botte ! Et quelle touche ! Jusqu'en Arabie Saoudite. Une botte de sept lieues, pour le moins.
Voila donc, Nicolas bien ennuyé.
- Surtout que Papa et maman MAM en ont profité pour faire quelques emplettes sur lesquelles la justice tunisienne trouve des choses à redire (zones naturelles protégées, c'est bon pour les affaires mais mauvais pour l'image de marque la nouvelle démocratie),
- Surtout que son petit protégé d'ambassadeur se fait copieusement hué par ces journalistes nouvellement libéré(e)s et qui n'hésitent même pas à profiter de cette toute nouvelle et si chèrement acquise liberté. Rajoutez une petite dose de Wikileaks avec les commentaires des américains sur celui que Kadhafi appelle "mon fils" (Ah, les perfides !) et vous voila à devoir avaler un de ces cocktails que même les étudiants les plus délurés n'accepteraient pas.
- Surtout que ces sournois d'ambassadeurs écrivent des petits mots pas très doux dans la presse pour afficher leurs désaccords avec l'amateurisme ambiant affiché. Quand on met des années à nouer des liens, les voir rompus par des novices du Chateau, il y a de quoi être échaudé, même si on n'est pas un chat.
La meilleure solution : refaire un remaniement car, comme dit le proverbe : Ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent.
Exit donc MAM (mais on garde POM. Moyen de pression sur MAM qui parle d'écrire un ou deux livres et précise que, comme elle n'est plus ministre, elle a la parole libre ? Va savoir, Charles, va savoir !)
Désormais, ce qu'il faut c'est du solide, du dur, du costaud, de l'expérimenté et, surtout, du reconnu à l'extérieur (c'est mieux, aux Affaires Etrangères).
On s'imagine volontiers que Dominique de Villepin (ONU 2003 face aux amerloques, ça c'est du solide, même pour un atlantiste avéré), un instant présenti par la presse mais habitué aux patates chaudes sarkosiennes, a dû s'amuser un peu à faire frémir le bouillon avant d'annoncer ne pas vouloir y toucher. Donc, DDV refuse.
Une autre grande pointure frétille depuis quelques temps : Alain Juppé. Il est un candidat avéré, ça on ne peut pas le lui reprocher. Mais il veut des garanties. Pas question de voir quelqu'obscur conseiller élyséen empièter sur ses paltes-bandes. Le voila donc, tout soudain, propulsé de la Défense aux Affaires Etrangères.
Un petit tour par ci (Maghreb) et un petit tour par là (Bruxelles) pendant que les Lybiens continuent de ruer dans les brancards et, au soir du 10 mars 2011, date glorieuse qui restera à n'en pas douter dans les annales du Quai d'Orsay (et dans d'autres moins avouables), la France se découvre un "shadow foreign minister" en la personne de ... BHL.
Voila notre ancien nouveau philosophe flagornant devant toutes les caméras qu'il trouve pour annoncer la bonne nouvelle. Même si c'est Sarkosi qui annonce qu'il reconnaît le CNT comme interlocuteur légitime, notre BHL national fanfaronne que c'est LUI qui était en Lybie pour rencontrer le CNT et organiser l'entrevue avec Nicolas.
Juppé avait obtenu, dixit les mass-medias, toutes les garanties pour être un véritable ministre des Affaires Etrangères, poste qu'il avait déjà occupé auparavant, et ne pas être "kouchnérisé". Le voila donc BHLisé.
Etrange affaire aux Affaires Etrangères qui fout des affres à son ministre.
Concluons sur cette citation d'Horace : "Le monde est une comédie pour ceux qui pensent, une tragédie pour ceux qui sentent."
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