Kigali du 6 avril 1994 au 6 avril 2018 : 24 ans déjà
L’attentat du 6 avril 1994, contre l’avion présidentiel rwandais est incontestablement considéré comme le déclencheur du « Génocide des Tutsi du Rwanda, ayant fait, selon les chiffres de l’ONU, entre 800.000 et 1.000.000 de victimes, en moins de 100 jours, principalement Tutsis et Hutus modérés ».
Depuis ces 24 ans des questions essentielles restent toujours d’actualité n’ayant pas reçu de réponses conformes à la thèse que la Génocide a été perpétré par les Hutus extrémistes dans le cadre d’une planification élaborée de longue date. Ci-dessous sont reprises quelques-unes de ces questions.
Première question : pourquoi aurait-il fallu aux génocidaires Hutus extrémistes, une attente de plus de 7 mois pour éliminer Habyarimana et entreprendre le Génocide. En effet tout le contenu des accords d’Arusha (et les concessions assez incroyables que la partie gouvernementale rwandaise avait dû faire sous la pression de la Communauté Internationale) était connu depuis le 4 août 1993 ?
Deuxième question : pourquoi les génocidaires Hutus extrémistes n’ont-ils pas initié le génocide au moment où le FPR (sur ordre de Paul Kagamé ?) assassinait Ndadayé, président du Burundi, le 21 octobre 1993 deux mois après la signature les accords d’Arusha ? Cet assassinat ayant véritablement créé un climat de panique prémonitoire au Rwanda, la population présageant que le pire était à venir, Ndadayé étant le premier Président Hutu démocratiquement élu.
Troisième question : pourquoi les génocidaires Hutus extrémiste auraient-ils attendu que la Minuar soit mise en place et que le FPR soit installé au CND (siège du Conseil National de Développement, symbole du Rwanda en cours d’aggiornamento politique) dans une position militaire avancée et fortifiée ?
Quatrième question : pourquoi les génocidaires Hutus extrémistes auraient-ils choisi d’utiliser 2 Missiles Sol Air (SAM)[1] alors que d’autres possibilités s’offraient à eux, le logement d’Habyarimana se trouvait dans l’enceinte du Camp Kanombe (ne fut-ce qu’à coup de mortier ou d’attaque à la mitrailleuse depuis l’intérieur du Camp, sur cette cible non particulièrement défendue). Pourquoi des missiles alors qu’un simple lance-roquette pouvait tuer le président, n’importe où, le long de son parcours journalier (12Km) du camp Kanombe à la Présidence sur le plateau de Kigali ? Pourquoi n’avoir pas choisi le pilonnage au mortier sur ce bâtiment qui abritait tous les services de sécurité et de garde rapprochée du Président, le camp Kigali se situant à moins d’un Km de la Présidence ?
Cinquième question : pourquoi les génocidaires Hutus extrémistes auraient-ils attendu le début de la saison des pluies pour initier le génocide. Les difficultés de communication par voies terrestres limitant les mouvements nécessaires à la commission d’actes d’une telle ampleur en si peu de temps ....
Sixième question : Pourquoi une patrouille de la Minuar, commandée par le lieutenant belge, Lotin[2] a-t-elle sans autorisation ni ordre de marche effectué une mission (spécifiquement interdite) d’accompagnement de membres du FPR, en civil, jusqu’à l’Hôtel Akagéra (lac Hiéma) et ensuite jusqu’à Kagitumba, à la frontière ougandaise le 6 avril de 7h à 18h ? Pourquoi, le lieutenant Lotin, faisait-il le plein de carburant des véhicules du peloton Mortier vers 2h du matin à Kanombe le 7 avril alors que le cantonnement du Peloton Mortier était "Viking" (Maison privée - en ville) et non "Top Gun "ou "Viper" (aéroport) ?
Septième question : pourquoi sur RFI, où œuvrait alors la journaliste franco-rwandaise, Madeleine Mukamabano (qui semble bien avoir été un agent du FPR), a-t-il été annoncé le 7 avril vers 8h que « trois casques bleus belges avaient été tués dans une embuscade sure la route de l'aéroport ». La « confusion » ou l’« intoxication », ainsi crée, a été complète jusqu’au lendemain où la presse européenne relatait 13 casques bleus belges assassinés alors que ce sont 10 casques bleus du peloton Mortier qui ont été assassinés au camp Kigali, plusieurs heures plus tard.
Huitième question ; pourquoi des troupes américaines de l’Africom (Stuttgart) étaient-elles stationnées à Bujumbura plusieurs jours avant l’attentat ? Pourquoi Samantha Power, fait-elle état d’une mission de 24 de quelques douzaines de ces soldats Africom au Rwanda, dans les premiers jours du Génocide ? Est-ce ces commandos aéroportés depuis Bujumbura qui ont laissés deux M-113 de l’Africom aux troupes belges de la Minuar[3] à Kanombe ? Comment les troupes américaines du 316 MEU de la (ONUSOM I, sur le bateau de débarquement amphibie Peleliu, en rade de Mogadiscio), sont-elles arrivées si vite à Bujumbura ?
Neuvième question : pourquoi Dallaire écrit-il dans son livre « J’ai serré la main du Diable » :
« la campagne et le génocide n’avaient-ils pas été orchestrés pour un retour du Rwanda au statu quo d’avant 1959 où les Tutsi dirigeaient tout ? » et « les morts rwandais peuvent aussi être attribués à Paul Kagamé... qui n’a pas accéléré sa campagne lorsque l’envergure du génocide fut manifeste... et m’entretenait du prix que ses camarades tutsis auraient à payer pour la cause » ?
Dixième question : pourquoi l’attentat du 6 avril n’a-t-il jamais fait partie des actes d’accusation des génocidaires hutus lors des procès du TPIR ? Pourquoi Carla del Ponte a dit (et répété) que si l’assassinat d’Habyarimana devait être attribué au FPR, alors l’histoire du déroulement du génocide devrait être revue ?
D’autres questions de ce genre, restées sans réponse depuis 24 ans se comptent par centaines. L’absence des réponses attendues est particulièrement troublante. Il y aurait-il quelque chose à cacher ? Au niveau de la France, de la Belgique, du Canda, d’Israël, des USA ? Comme l’a exprimé Dallaire lui-même : « 24 ans plus tard, nous ne pouvons toujours pas éluder ces troublantes questions surtout à la lumière des événements qui, depuis, ont eu lieu dans la région ».
[1] Un technicien expatrié ayant travaillé, pendant près de 10 ans aux installations ILS de l’aéroport de Kanombe, soutenait qu’il était impossible que l’attentat ait été commis par les Hutus génocidaires compte tenu de la technicité nécessaire pour une telle entreprise (technicité dont les FAR ne disposaient pas) et l’incapacité d’organisation opérationnelle des Hutus, en général, même avec appel à des mercenaires
[2] Le lieutenant Lotin était assassiné, au Camp Kigali, quelques heures plus tard après la mission ratée de protection de la Première Ministre Agathe Uwilingiyimana
[3] Cfr « Rwanda 7 avril 1994 : 10 Commandos vont mourir ! » Alexandre Goffin p 148. Edition Luc Pire (9 782930 088242)
10 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON