L’Allemagne invite la Russie à quitter elle aussi le G8
L'Allemagne invite la Russie à quitter elle aussi le G8, le groupe de puissances économiques que certains journalistes prétendus économistes appellent à tort "pays les plus industralisés", et à rejoindre le collectif des sept anciens membres du G8 démissionnaires depuis l'année dernière. Certes elle y met des conditions, qu'on ne détaillera pas ici car elles sont aussi fantaisistes que si elle invitait la Chine à rejoindre la Société des Nations à condition qu'elle restitue la Lune aux Etats-Unis d'Amérique.
Pour mémoire le G7 fut, de 1976 à 1994, un directoire informel du monde, centré sur une vision économique de celui-ci, et tendant à assurer la domination de la doctrine libéraliste occidentale, même s'il n'était pas exclusivement occidental puisque le Japon en faisait partie. Il succédait au G6 et précédait le G7+1 puis le G8, au fur et à mesure de son élargissement. En effet, lancé en 1974 entre les Etats-Unis, le Japon, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne de l'Ouest, il a tout à tour incorporé l'Italie en 1975, le Canada en 1976 et la Russie (associée depuis 1994) en 1997. Cela fait donc vingt ans que le G7 a disparu, remplacé temporairement par le G7+1 puis depuis dix-huit ans par le G8.
Comme la Conférence sur Sécurité et la Coopération en Europe avant sa transformation en organisation permanente, le groupe n'est pas un sujet de droit international (il n'est qu'une réunion informelle de chefs d'Etat ou de gouvernement) et n'a d'ailleurs pas de statuts écrits, ce qui ne l'empêche pas d'avoir des règles coutumières de fonctionnement, comme par exemple la rotation annuelle de la présidence et du lieu de réunion de l'année, selon l'alternance France (lieu du premier sommet en 1975), Etats-Unis, Royaume-Uni, Russie (lieu du dernier sommet en 2014), Allemagne, Japon, Italie, Canada. Ainsi lors de chaque sommet, le pays auquel la présidence échoit pour l'année suivante annonce le lieu auquel il compte convier ses homologues (dans le pays concerné évidemment).
Une crise a éclaté lors du G8 de 2014, auquel sept membres n'ont pas participé. Convoqué à Sotchi pour les 4 et 5 juin 2014, comme annoncé au sommet précédent des 17 et 18 juin 2013, le sommet a été marqué par l'absence des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de l'Italie, de l'Allemagne, du Japon et du Canada, seule la Russie, présidant le G8 pour l'année 2014 et donc puissance invitante, étant présente au sommet, qui n'a donc pu se tenir faute de participants. En fait le président des Etats-Unis avait discrètement abordé ses homologues dans les couloirs du Sommet International sur la Sécurité Nucléaire, rassemblant une cinquantaine de pays à La Haye en mars 2014, pour leur intimer de ne pas se rendre au sommet du G8, et les inviter à se réunir subrepticement au moment du G8, les 4 et 5 juin, ni en Russie présidente du groupe, ni sur le territoire d'un autre membre comme le veut la règle depuis le premier sommet du G6 en 1975, mais dans la ville siège de l'OTAN (Bruxelles), en Belgique, pays non membre. Cette réunion allait donner lieu à convocation de la presse, et à dictée d'un discours prétendant que la Russie avait été expulsée du G8 et que le G7 se réunirait désormais sans elle, vision qu'a relayée et diffusée toute la presse abonnée aux agences de presse des pays dissidents du G8.
C'est exactement comme si quarante-neuf ou cinquante des cinquante et un pays fondateurs de l'ONU se réunissaient en l'absence, par exemple, des Etats-Unis d'Amérique, et déclaraient ensuite que ceux-ci ont été exclus de l'ONU : ils pourraient constituer une nouvelle organisation, comme certains membres de la Société des Nations ont fondé sans l'Allemagne l'Organisation des Nations Unies, mais ils ne pourraient pas prétendre être celle-là. Ou encore, c'est comme comme si vingt-sept pays de l'Union européenne sur vingt-huit, dont dix-huit membres de l'euro sur dix-neuf, publiaient une déclaration commune selon laquelle l'Irlande ou la Grèce aurait été exclue de l'eurogroupe et de l'UE, alors qu'aucune disposition n'existe pour permettre l'exclusion d'un membre contre sa volonté.
On peut fonder une nouvelle organisation, formelle ou pas, avec de nouveaux participants dont certains sont membres d'autres organisations, mais prétendre lui donner le nom et l'héritage d'une organisation déjà existante ou ayant existé est une usurpation. Le G8 n'a pas été dissous par ses membres, et la réunion clandestine de certains de ses membres (ceux qui sont membres de l'OTAN plus le Japon) en-dehors de ses règles établies ne peut être considérée ni comme un G8 dont la Russie aurait été exclue, ni comme un G7 qui ignorerait sa transformation en G8 il y a deux décennies. Le journaliste qui appelle "effondrement" le démantèlement du mur de Berlin par les Vopos sur ordre du gouvernement est-allemand est un idiot, le journaliste qui appelle "première guerre du Golfe" celle menée contre l'Irak trois ans après la fin de sa guerre avec l'Iran est un amnésique, le journaliste qui appelle "G7" la réunion irrégulière de sept membres du G8 est un menteur et un désinformateur.
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