L’argent détourné de la solidarité
Bien sûr, il y a tout cet argent versé aux banquiers et gens d’affaires, sur la base de la solidarité forcée à coups d’"unité nationale" et d’"urgence". Mais il faut savoir que l’Etat pique aussi dans la caisse des politiques sociales. Le budget 2009 le montre : des sommes d’argent sont ponctionnées sur les politiques du logement social et sur les budgets d’aide aux personnes âgées et handicapées.
Après l’émotion suscitée par la tentative d’utiliser les excédents du Livret A pour financer le RSA et ainsi ne pas toucher au précieux bouclier fiscal ou aux stocks-options (toujours intouchables même si le bateau coule...), après la décision de la ministre du Logement, Christine Boutin, de piquer de l’argent sur le fond du 1 % logement - destiné à financer le logement social - pour l’affecter à d’autres besoins de l’Etat (il est vrai que ce dernier est gourmand et l’Elysée n’est pas le dernier à se servir...), voici que l’Etat pique dans la caisse des handicapés et des personnes âgées !
De quoi s’agit-il ? Souvenez-vous de l’effort de solidarité nationale demandé après la prise de conscience de la surmortalité brutale des personnes âgées lors de la canicule ! Une journée de solidarité avait été instaurée (le jour de la Pentecôte). Pour collecter les fonds, une caisse a été créée en 2004. Cette caisse, c’est la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie).
Or, cette année, lors du vote du budget prévisionnel 2009 de cette caisse, à la mi-octobre, deux associations s’occupant de personnes âgées ou handicapées ont accusé l’Etat de détourner l’argent de la CNSA "à ses propres fins". Elles ont refusé de prendre part au vote du budget de ladite caisse.
Jusqu’ici, l’Etat détournait ces financements pour faire des économies sur l’assurance-maladie. Mais, cette année, c’est pire : il prend ces crédits pour faire des économies sur son budget, en les affectant notamment au contrat de plan Etat-Région (30 millions d’euros en 2008, 160 millions d’ici à 2013).
160 millions d’euros détournés !
L’APF (Association des paralysés de France) a publié un communiqué dans lequel elle dit ceci : "Aujourd’hui, c’est sur les crédits non consommés de la CNSA que l’Etat jette son dévolu, empêchant de fait la Caisse de mener sa mission à bien." Cette "dérive de l’Etat" est d’autant plus inacceptable que des associations et syndicats lui ont déjà reproché le mois dernier de ponctionner 50 millions d’euros sur le fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph). En effet, déjà en septembre, l’Etat s’était servi en ponctionnant 50 millions d’euros sur la rémunération des stagiaires en centre de réadaptation professionnelle, l’équivalent de la formation de 28 000 personnes.
L’Unapei (parents de personnes handicapées mentales) n’est pas en reste : "Le budget de la CNSA est victime du même effet que la vignette automobile initialement créée pour les personnes âgées, mais dont elles n’avaient jamais bénéficié".
Enfin, les directeurs de maisons de retraite et de services à domicile (l’AD-PA) se joignent au concert des protestations, parlant aussi d’un "effet vignette auto", et dénoncent la volonté de l’Etat de "reprendre 30 millions d’euros à la CNSA pour couvrir ses propres engagements dans les contrats de Plan qu’il a signés avec les Régions".
Le budget prévisionnel pour 2009 de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a cependant été adopté. Il s’établit à 18,331 milliards, soit une augmentation (nécessaire) de 7,56 % par rapport à l’année dernière. Mais, pour la première fois depuis l’existence de cette caisse, un large et profond désaccord s’est fait jour. Et les sections litigieuses du budget n’ont été adoptées que grâce au vote des représentants de l’Etat et des syndicats patronaux ainsi d’un des Conseils généraux membres de la CNSA. Pas vraiment unanime donc ni solidaire.
Comment fera-t-on pour financer les places en nouvelles structures si les crédits manquent ? (près de 520 millions d’euros de crédits seraient retirés des budgets de la CNSA, et notamment des crédits d’investissements).
Comment justifier auprès des salariés qui cotisent à la CNSA le sacrifice d’une journée de repos et ce détournement d’argent public vers un but qui trahit le "contrat" de solidarité d’origine ? La mesure, déjà modérément appréciée au début, ne va-t-elle pas souffrir d’une image négative dans l’opinion, comme ce fut le cas pour la vignette automobile ?
Pour aller plus loin : Rapport 2008 téléchargeable de la CNSA.
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