L’arme secrète de Copé contre la guérilla parlementaire : un bêtisier !
Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, a décidé de sortir l’artillerie lourde pour dénoncer l’obstruction parlementaire pratiquée par l’opposition, hier sur le projet de loi sur l’audiovisuel public, demain sur les dérogations au repos dominical : JFC promet en effet la mise en ligne d’un bêtisier pour janvier 2009 !
C’est Le Point du 18 décembre qui révèle le projet de Jean-François Copé : "Le patron du groupe UMP à l’Assemblée n’a pas digéré les "70 heures de discussions" sur la loi audiovisuelle - menace qui plane maintenant sur la loi sur le travail dominical, 4.400 amendements ayant été déposés". C’est pour "dénoncer l’obstruction" de l’opposition que Copé veut réaliser et diffuser au plus grand nombre un vidéo-montage qui illustrera "par l’exemple la bêtise de ce genre de comportement".
Actuellement en "phase de documentation", entre archives de l’INA et vidéos disponibles sur le web, ce travail documentaire, tient-on à préciser dans l’entourage de Copé, "ne devrait pas non plus épargner la majorité, qui ne dédaigne pas l’obstruction lorsqu’elle se trouve... dans l’opposition". "Nous montrerons que c’est aussi bête quand c’est la droite qui le fait que quand c’est la gauche", indique un collaborateur de JFC.
L’éternel retour du même
En avant-première, quelques passages croustillants que l’on devrait retrouver dans le "bêtisier" de Copé, et qui, si la promesse d’équité est tenue, devrait renvoyer droite et gauche dos-à-dos :
Le 3 juillet 1984, le journal d’Antenne 2 rend compte des obstructions systématiques de l’UDF et du RPR durant les débats parlementaires sur la loi Savary et la loi sur la liberté de la presse. Jacques Toubon, alors membre de l’opposition, affirme sans sourciller : "Nous disons ce que les Français pensent de ces projets qui portent atteinte à leurs libertés... C’est notre devoir de députés de faire obstruction". Réponse du communiste Guy Ducolonne - qui n’est pas sans rappeller celle des députés UMP d’aujourd’hui : "On n’a pas le droit d’empêcher la loi. Cette attitude négative déconsidère l’Assemblée."
Le 15 décembre 1997, le journal d’Antenne 2 nous informe de la "guerilla parlementaire" que pratique la droite, lors du débat sur le projet de loi sur l’immigration, pour lequel des milliers d’amendements sont déposés. Le ministre de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement dénonce "une obstruction systématique". Le socialiste Arnaud Montebourg fait appel à un langage militaire pour dire sa lassitude devant le harcèlement de l’opposition : "La droite a décidé de mener une guérilla parlementaire, en mobilisant plusieurs escouades de combat, une de jour, une de nuit, nous avons du mal, alors nous sommes là, mais tout cela est épuisant".
Le 2 décembre 1998, le 19/20 de FR3 rend compte des discussions mémorables sur la proposition de loi sur le PACS, au cours desquelles Lionel Jospin fera pleurer Christine Boutin. Revenant sur les dix heures de discussions de la nuit précédente, durant laquelle plus de 300 amendements ont été examinés, le Premier ministre socialiste dénonce "l’obstination dans l’obstruction" de l’opposition.
Le 7 septembre 2006, dans le Soir 3, on constate que c’est la gauche qui pratique cette fois-ci l’obstruction, avec 140.000 amendements déposés sur le projet de loi prévoyant la privatisation de GDF pour permettre sa fusion avec Suez : un record sous la Ve République. "Il représente 10 millions de pages s’élevant à 1 000 mètres de haut et pesant près de 50 tonnes, précise La Dépêche. Selon les calculs de Jean-Louis Debré, président de l’Assemblée, la discussion de ces 140 000 amendements nécessiterait 347 jours à condition de siéger 24 heures sur 24…" A l’époque, l’UMP dénonce "l’obstruction inadmissible" de l’opposition (obstruction que le RPR qualifiait de "droit", voire de "devoir" 22 ans plus tôt). De son côté, le PS prétend, par la voix de son premier secrétaire François Hollande, que les amendements sont "le seul moyen d’attirer l’attention de l’opinion publique".
Triste cirque
Jean-François Copé ornera sa vidéo de bien d’autres exemples, en l’actualisant avec les dernières péripéties que connut l’Assemblée la semaine passée. Mercredi 17 décembre, le débat sur les dérogations au repos dominical prit en effet une tournure pour le moins chaotique, houleuse, entre rappels au règlement, sorties intempestives de l’hémicycle, interruption permanente des orateurs... jusqu’à ce que, sur demande de Jean-François Copé, le président de l’Assemblée Bernard Accoyer ne décide de lever la séance.
Commentaire de Richard Mallié, l’auteur de la proposition de loi : "L’opposition se cantonne à de l’obstruction, cette attitude dévalorise l’activité du Parlement". Comme un air de déjà entendu...
Copé juge, de son côté, l’attitude de l’opposition "grotesque", "lamentable", "ridicule", "choquante", "inquiétante", tout en concédant que ces pratiques anciennes n’ont pas été l’apanage de la gauche, loin s’en faut.
(Avec la participation amicale d’Eric Raoult)