L’Assemblée nationale a raté le coche !
Il n’empêche qu’aujourd’hui la conjoncture, l’inévitable et nécessaire rigueur changent la donne. Il ne s’agit plus de théoriser sur un monde plus juste, des contraintes et des sacrifices à partager équitablement mais de mettre en oeuvre une politique qui tant bien que mal atteindra ces objectifs ou en tout cas manifestera à la communauté nationale qu’ils sont au coeur de l’esprit public et donc de nos élus. Nous sommes confrontés actuellement à une situation qui ne fait plus de l’égalité contre les privilèges, de la modération contre la surabondance un discours de subversion révolutionnaire mais d’harmonie et de justice sociales. Il n’est plus un citoyen qui oserait s’opposer à cette exigence d’élémentaire décence financière. Ce qui était une provocation est devenu une banalité, un impératif clair.
On aurait ainsi pu espérer une nuit du 28 mai comme il y a eu la nuit du 4 août. Le député socialiste René Dosière s’inscrivait en effet dans le mouvement que je viens d’analyser en proposant cet amendement à l’ensemble de ses collègues : "les membres du gouvernement qui sont aussi maire ou élu local ne percevraient au titre de leurs mandats locaux aucune indemnité, aucun avantage". Alors que les ministres peuvent de cette manière ajouter à leurs 14 000 euros mensuels 7 000 euros. Rien de scandaleux, donc, dans la teneur de cet amendement présenté dans le cadre de la réforme des collectivités. Il permettait, selon son auteur, "aux responsables politiques de montrer l’exemple à partir du moment où les Français doivent se serrer la ceinture".
Stupéfaction : cet amendement a été rejeté sans aucun commentaire de la part du gouvernement ni de la majorité.
On devine bien que la source socialiste de la proposition a dû faire frémir la majorité. Facile également d’imputer à René Dosière un antiparlementarisme et un poujadisme que celui-ci a déniés.
Mais comment est-il concevable que dans cette période cet amendement n’ait même pas été discuté ? Etait-il si absurde de suggérer que les ministres puissent accompagner les Français dans leurs difficultés et leurs efforts ? N’était-ce pas une occasion inespérée de rassembler l’ensemble des parlementaires autour d’un acte exemplaire qui aurait envoyé un message et comblé au moins une partie du fossé entre les gouvernés et les gouvernants ? Un vote unanime aurait dû venir consacrer cette démarche. On se demande comment, en insistant à ce point sur la rigueur dans tous les propos publics, on n’a pas senti la formidable opportunité qui s’offrait, et la déconvenue grave qu’il y aurait à ne pas la saisir. Pourtant, on a choisi de tenir pour rien cet amendement. Pourquoi ?
Alors que plusieurs Etats européens ont décidé de réduire le train de vie de leurs ministres à cause du plan de rigueur, on n’a même pas jugé bon de consacrer une seconde à la discussion de cet amendement. Je n’ose penser que cette désinvolture, voire ce mépris aient pu résulter de la crainte de voir les autorités politiques soumises à un contrôle et un précédent s’instaurer. N’est-il pas plus raisonnable de considérer que l’alternative, pour la majorité et le gouvernement, était en effet le refus pur ou simple ou l’acceptation claire ? Engager la discussion, c’était automatiquement se placer dans un étau. Impossible en effet de justifier aujourd’hui, si on s’engage dans le débat, une opposition à la charge équitable de la rigueur. La majorité se "plombait" en se risquant sur ce terrain. Il fallait fuir le débat. C’est ce qu’elle a fait.
Je crains que ce type de réaction, lui, soit de nature à nourrir un véritable antiparlementarisme, un populisme de mauvais aloi. Il n’est pas choquant de solliciter des ministres qu’ils s’appliquent la règle commune, d’exiger d’eux des sacrifices dans une période de rigueur pour tous. Ce qui est choquant, c’est que la démocratie n’ait même pas eu droit, dans cette affaire, à un peu de respect.
Je ne doute pas que certains taxeront de démagogique cet amendement. La démagogie est trop souvent la critique simplette et creuse qui vient au secours du statu quo. Apparemment la rigueur, pour les uns ce doit être un mot, pour les autres une réalité !
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