L’Elysée, deux stratégies pour y parvenir, parcours croisés de Royal et de Sarkozy
Entre l’une qui a souhaité se présenter dès 1995 contre Jospin et Emmanuelli, et l’autre qui y “pense en se rasant”, il y a bien longtemps que les deux leaders UMP et PS se préparent à la présidentielle. Faut-il voir en eux des “jumeaux”, comme les présente leur challenger, François Bayrou ? Pas si sûr... Si depuis longtemps, voire depuis toujours pour Nicolas Sarkozy, les deux y pensent, chacun a usé de sa propre stratégie pour y parvenir.

Bien sûr, on retrouve des points communs. Ainsi L’Express consacre sa une de la première semaine d’octobre aux "secrets de jeunesse" de Nicolas Sarkozy et celle de la première semaine de novembre à "la jeunesse cachée" de Ségolène Royal. Résultat, pour ces deux jeunesses secrètes on découvre une enfance difficile, qui forgera une volonté farouche d’atteindre ses buts.
Dans leur volonté d’incarner un renouveau de la classe politique se retrouvent aussi des similitudes. Pourtant, Nicolas Sarkozy est conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine en 1977 (maire en 1983) et député en 1989. Depuis il alterne les fonctions entre l’Assemblée nationale et les ministères. Ségolène Royal est une énarque (promotion Voltaire), travaille à l’Elysée comme conseillère entre 1982 et 1988, date à laquelle elle devient député. Elle aussi se partagera entre ministère et Assemblée nationale. Alors, ont-ils utilisé ces trente ans de vie politique de la même manière pour parvenir au sommet de leur parti ?
Nicolas Sarkozy va se concentrer sur la conquête du parti. Pour lui, la seule façon d’y parvenir est de prendre d’assaut l’UMP. Ce n’est pas gagné, ce parti construit pour conquérir l’Elysée a été construit par Jacques Chirac et Alain Juppé afin de servir de soutien au premier puis au deuxième pour l’Elysée. Bref, un appareil prévu par ses deux meilleurs ennemis. Mais avec la mise en cause d’Alain Juppé dans l’affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris, ce dernier doit démissionner en 2004. A ce moment-là, Nicolas Sarkozy, ministre de l’Economie, accepte le sacrifice que lui demande Chirac en démissionnant de son poste de ministre pour parvenir à conquérir l’UMP. Mais dans sa stratégie à long terme, la conquête de l’appareil est inévitable : il a besoin du soutien des parlementaires et de l’argent du parti, surtout qu’avec la mise en place du quinquennat, il pourra négocier âprement les soutiens de députés qui souhaitent voir l’appui du parti renouvelé. Il s’agit donc de gagner le parti pour obtenir son soutien et de verrouiller la direction en plaçant des hommes-liges. Il recrute d’ailleurs les nouveaux adhérents sur son nom, sachant très bien que la prochaine étape sera la désignation du candidat par la base du parti. Succès de cette stratégie, Nicolas Sarkozy devient le candidat unique du parti, les chiraquiens ne parvenant pas à lui trouver un adversaire crédible.
Ségolène Royal adopte une tactique toute différente, elle contourne le parti. Sa conquête débute avec la grande victoire électorale du PS aux élections régionales de 2004 (20 régions métropolitaines sur 22 sont présidées par le PS). Elle a déjà commencé à se démarquer du parti, refusant le soutien de "camarades" lors de sa campagne, menant celle-ci sur son nom et non pas sur celui du PS. Sa victoire, dans le fief de Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, lui permet d’incarner alors la victoire des socialistes sur l’UMP. Par la suite, hors des réseaux du parti, elle continue à tracer son sillon. Son annonce de candidature à la candidature laisse ses futurs adversaires de marbre, eux qui considèrent qu’aucune candidature n’est viable sans le soutien des ténors du parti. Mais quand elle fait la couverture de Paris Match et touche quatre millions de lecteurs, ses adversaires plaisantent moins. Campagne de presse people, recours intensif à Internet, sa cote de popularité augmente chaque jour. A ce moment où le PS et l’UMP recrutent à marche forcée, beaucoup de nouveaux adhérents rejoignent le PS sur son nom, renversant l’équilibre des réseaux existants. Le temps que les ténors du parti s’aperçoivent de leur retard, la messe est dite, Ségolène Royal est désignée comme la candidate du PS.
Ces deux stratégies opposées ont débuté simultanément en 2004 et ont été payantes. On peut d’ailleurs voir que’elles se poursuivent. Nicolas Sarkozy continue sa campagne en s’appuyant sur le parti et apparaît en photographie avec les poids lourds de l’UMP. Ségolène Royal se repose sur une équipe hors parti et refuse de faire des meetings communs avec les éléphants du PS.
C’est là que le rôle de leurs compagnons respectifs est intéressant et inverse cette tactique. Cécilia Sarkozy n’apparaît plus dans l’organigramme de l’UMP, mais est présente en dehors, et gère la campagne du candidat. Elle est incontournable, au point que Brice Hortefeux, principal lieutenant de Nicolas Sarkozy, souhaite bonne chance au futur directeur de campagne, Claude Guéant, avec Cécilia. C’est hors du parti qu’elle aide son mari.
A l’opposé, François Hollande est le premier secrétaire du PS et sert de conseiller à Ségolène au sein du parti, rôle qu’il a commencé à jouer lors de la campagne de sa compagne, quand il a compris qu’il avait manqué son heure. C’est donc dans le parti qu’Hollande soutient sa compagne, cette dernière gérant l’extérieur. Même si depuis quelque temps, il semble y avoir certains couacs entre eux, notamment sur les interventions de François Hollande au sujet de la fiscalité.
En revanche, ils se retrouvent sur une médiatisation à outrance, dont Nicolas Sarkozy a fait fortement les frais au moment où sa femme Cécilia l’a quitté. Mais tous deux se battent pour être en couverture des magazines, sur les plateaux de télévision, ou l’inverse, on se bat pour les avoir... L’un est toujours vêtu de noir et l’autre de blanc, chacun travaille son image, son style. Nicolas Sarkozy se veut novateur sur les idées et incisif, Ségolène Royal, à l’écoute et en perpétuelle évolution.
Un même but, l’Elysée. Deux tactiques pour y parvenir. Une fois au pouvoir, deux politiques différentes ? A force d’aller à droite et à gauche chercher leurs électeurs, ne vont-ils pas éveiller en nous un désir de rupture pour un avenir tranquille ?
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