L’empressement de Marine Le Pen
A peine les résultats de l’élection américaine connus, M. Le Pen s’est fendue d’un tweet de félicitations au nouvel élu et au peuple américain « libre ! ».
Quel sens donner à cet empressement ?
C’est un message donné au corps électoral français qui valide en quelque sorte la thèse de la normalisation du Front National dans le paysage politique de notre pays. Puisqu’un grand pays démocratique (les USA) a pu porter au pouvoir un Donald Trump aux idées très proches de celle du Front National pourquoi ne pourrait-il pas en être de même en France ?
Protectionnisme économique, fermeture des frontières, exclusion, xénophobie, rejet du « système », déclassement des classes moyennes, voici quelques points communs aux discours de Trump et du FN.
Les idées à l’épreuve du pouvoir…
Donald Trump, quelques jours après son élection, surpris sans doute par son succès électoral et conscient qu’il doit donner des gages à sa majorité au Congrès (pas forcément ravie des excentricités du milliardaire), commence à modérer son discours en présentant un profil un peu moins sulfureux.
Ce qui étonne, c’est la rapidité du revirement.
En France, les élections se sont longtemps jouées sur les programmes mais le véritable pouvoir (économique et financier) a toujours mis tout son poids dans la balance pour éviter des mesures mauvaises pour le business quand bien même sur le plan des idées elles pouvaient s’avérer recevables pour une partie du corps électoral qui s’estime à chaque fois trahi.
C’est le cas avec Hollande, comme ce fut le cas avec Sarkozy et comme ça le sera avec un autre Président issu d’un « système » ou d’un autre.
La trahison des « élites »
Donald Trump, comme Mme Le Pen font leurs choux gras de ce thème, ce qui explique la faiblesse de leurs programmes économiques et qui se base principalement sur les questions identitaires.
Les élites, au sens large du terme, ce sont les partis qui ont proposé des programmes destinés à améliorer la situation du pays et l’emploi, et qui se sont empressés d’y renoncer.
Les élites, se sont également les économistes orthodoxes qui se trompent régulièrement de diagnostic et imposent des purges qui frappent toujours les plus modestes, au nom de la théorie du ruissellement qui conceptualise l’enrichissement de quelques-uns censé profiter à tout le monde.
Les élites, c’est aussi, la nomenklatura issue des grands corps et des grandes écoles qui truste les postes dans les grandes administrations avant d’aller pantoufler dans les entreprises et dont les membres érigent le principe du « pas de vagues » en règle de vie.
Voilà sur quoi se base la rhétorique du Front National dont le fonds de commerce est la population qui se sent déclassée, trompée et flouée.
Ajoutons à cela la morgue de quelques-uns qui à partir de saillies sur les sans dents, ou les illettrés des abattoirs ou à coup de « casse toi pauv’con », marquent bien la différence entre le petit peuple et les élites, et l’on aboutit au zapping électoral actuel.
Le pouvoir, pour quoi faire ?
C’est la bonne question. Il apparaît évident que les revirements actuels de Donald Trump, son ton miraculeusement adoucit, ne sont qu’une adaptation au contexte d’interdépendance des économies. Des messages qui lui sont vraisemblablement déjà parvenus de la part du monde économique et financier et de la part des puritains du parti républicain.
Pourquoi en serait-il autrement si le Front National accédait au pouvoir en France ? Il n’y a aucune raison que les choses soient différentes. On pourrait envisager que le FN, s’étant dissous lui aussi dans le « système », se le verrait reprocher par ses électeurs.
Ce serait une erreur d’analyse puisque que le vote FN, comme celui en faveur de Trump sont motivés par la peur du déclassement et le rejet des élites. Il suffit donc de caresser l’électorat dans le sens du poil en mettant en œuvre des mesures symboliques comme on peut les constater dans des Mairies dirigées par le FN pour satisfaire l’électorat (création de milices populaires, communication bien grasse sur les immigrés, exclusion des associations « ennemies »,…).
Agir sur ce qui reste et s’inventer de nouvelles croisades lorsqu’on ne maîtrise ni l’économique ni le financier, voilà en quelque sorte le contenu des programmes populistes, en France mais aussi à l’étranger. Ajoutons à cela la culture du chef, indispensable tribun, qui n’hésitera jamais, comme l’a fait Trump à user et abuser d’un discours clivant et on aura l’idée de cette future gouvernance.
Quel scénario pour 2017 ?
Les bases sont posées, le rejet des politiques actuelles consommé, tout est en place pour favoriser le vote FN à la présidentielle.
Au-delà des électeurs traditionnels du FN, se dessine un mouvement que Marine Le Pen a su capter en félicitant Trump pour son succès : le déclassement
A part le tweet à Trump, les prises de position du FN sont très rares en ce moment. Le FN laisse les autres partis se déchirer pour mieux user et abuser du discours « tous pourris » à défaut de présenter un programme cohérent.
La droite actuelle, rebaptisée « Les Républicains » (comme le parti de Trump…) continue de proposer des programmes bien dans la ligne du libéralisme économique et financier qui échoueront comme les autres. Un seul candidat potentiellement éligible, Nicolas Sarkozy, se démarque des deux autres candidats à la primaire en surfant sur des thèses proches du FN (du Buisson, sans Buisson).
Des électeurs de gauche, toujours prompts à faire barrage à défaut d’avoir des idées pour sortir leur parti atomisé du marasme, s’apprêtent à aller voter aux primaires contre Sarkozy. Une fois éliminé, une partie non négligeable des voix de ses partisans se retrouveront au FN lors de la présidentielle et contribueront potentiellement à faire élire Marine Le Pen.
Reste que pour gouverner, il faut une majorité parlementaire, et là nous verrons nos idiots utiles de gauche à la primaire des républicains manifester et pétitionner en appelant à faire barrage au FN dont ils auront contribué à favoriser l’accession au pouvoir en éliminant l’ex.
Nous verrons également s’opérer des ralliements de parlementaires de droite (et pourquoi pas de gauche ou du centre) qui nous expliqueront qu’ils ont obtenu des « garanties », et qu’ils ne visent que le bien-être des Français, alors même qu’ils ne seront simplement préoccupés que par la poursuite de leur carrière politique et des avantages qui vont avec.
Tout cela serait intéressant à observer, si ce n’était pas tragique, si les fondements de la démocratie n’étaient pas bafoués par ces bateleurs d’estrades qui possèdent moins de pouvoir qu’un conseiller général minoritaire.
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